L’opacité de la gestion des associations dénoncée par la Cour des comptes aussi

Le nouveau rapport de la Cour des comptes révèle une opacité de gestion chez bon nombre d'associations subventionnées par l'Etat et pointe du doigt plusieurs irrégularités. 

L’opacité de la gestion des associations dénoncée par la Cour des comptes aussi

Le 26 février 2014 à 14h13

Modifié 26 février 2014 à 14h13

Le nouveau rapport de la Cour des comptes révèle une opacité de gestion chez bon nombre d'associations subventionnées par l'Etat et pointe du doigt plusieurs irrégularités. 

Ce rapport tombe à point nommé, quelques jours après les déclarations de Habib Choubani et des experts du HCP qui établissaient le même constat. 

 

Quelques scandales et une impression de flou généralisé soulèvent plusieurs interrogations. Des interrogations auxquelles la Cour des comptes apporte des éléments de réponse. Car le financement public de certaines associations censées mettre leurs compétences de manière tout à fait désintéressée au service d’une action de solidarité laisse parfois songeur, la transparence n’étant pas encore à l’ordre du jour. Cela donne lieu à une opacité financière incompatible avec les règles édictées pour l’usage de fonds publics.

Le rapport montre que plusieurs communes octroient des dons pour des associations en absence de critères objectifs. Souvent, la commune ne dispose pas de demandes écrites des associations ayant bénéficié des subventions.

Une association sous-loue un terrain, pourtant mis gratuitement à sa disposition par la commune, une autre a construit son siège sur un terrain de la commune sans aucune autorisation, une troisième a dépensé près de 2 millions de DH pour couvrir les charges de son personnel, alors que cet argent accordé par le ministère devait servir à venir en aide aux plus démunis. Cette même association a acheté un appartement au profit d’une personne sans aucune justification des motifs de cet achat. 

Avant la Cour des comptes, le ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, s'était lui aussi penché sur cette épineuse question, affirmant il y a quelques jours que l'Etat accorde annuellement 3 milliards de dirhams aux associations dans le cadre de son programme de subvention, sachant que 80% du financement profite à une vingtaine d’entre elles (institutions des œuvres sociales des ministères et établissements publics, c'est à dire les associations du secteur parapublic qui s’occupent des missions de service public déléguées par l’Etat).

Voici une synthèse des irrégularités révélées par la Cour des comptes:

-Commune rurale Koudiat Bni Dghough (province Sidi Bennour) :

La Cour régionale des comptes a constaté que durant la période 2004-2012, les associations recevant de la commune des subventions périodiques dépassant 10.000 DH ne lui rendent pas compte de l’emploi de ces subventions.

De même, l’octroi de ces subventions n’obéit pas à des critères objectifs. Le président décide seul des associations bénéficiaires et des montants des subventions. A titre d’exemple, il a réservé le montant global de 140.000 DH durant la période 2004-2012 à l’association «Ouled Sghir pour l’eau potable» qu’il préside.

Ce montant représente 19,15% du montant global des subventions octroyées par la commune.

-Commune rurale Beni Smir (province de Khouribga) :

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le siège de l’association maroco-italienne est bâti sur le terrain du souk hebdomadaire, sur une superficie de 300 m², alors que les services de la commune ne disposent d’aucun dossier ou document attestant l’existence d’une convention ou d’une autorisation délivrée à cette respectable association pour l’exploitation légale du patrimoine communal.

En outre, la commune ne dispose d’aucune information permettant d’entrer en contact avec ses responsables, surtout que l'association a gelé toute activité et que son siège reste fermé.

-Commune rurale Soualem Trifiya (province de Berrechid) :

montant des aides accordées aux associations entre 2009 et 2012 s’est élevé à 880.000 DH réparti entre cinq d’entre elles. La commune ne procède à aucun suivi de l’emploi de ces aides par les bénéficiaires.

-Commune rurale Sidi Abed :

Cette commune a octroyé entre 2008 et 2012 plusieurs subventions annuelles à certaines associations, d’un montant global de 328.625 DH.

Le rapport pointe la non conclusion de conventions fixant les droits et obligations des associations à l’égard de la commune, l’absence de règles préétablies qui définissent les critères d’octroi des subventions et l’absence de contrôle, aussi bien périodique que ponctuel, des associations subventionnées.

-Centre social Dar El Kheir de Tit Mellil :

Il s'agit sans conteste du dossier le plus accablant. Ce centre a été créé par l’ex-communauté urbaine de Casablanca durant les années 90, au niveau de la province de Mediouna.

Sa superficie est d’environ 12 hectares, avec une surface couverte de trois hectares. Ce centre est géré par une l’association de soutien du centre social de Tit Mellil. Il faut savoir que cette association est entièrement tributaire des subventions octroyées par les organismes publics, notamment la commune urbaine de Casablanca qui lui verse annuellement une dotation de fonctionnement de 5,5 MDH.

A noter aussi que le président de l’association est en même temps ordonnateur des dépenses de fonctionnement et d’investissement du centre.

Ainsi, l’examen des pièces justificatives des dépenses exécutées par l’association, au titre des exercices 2007 à 2011, a révélé qu’elle a conclu des conventions spécifiques avec la commune urbaine de Casablanca, déléguant à l’association le paiement de certaines prestations facturées au nom de la commune dites «interventions sociales».

Ces dépenses ont été payées par l’association sur simple présentation des factures et en l’absence de toute procédure de mise en concurrence et avant même le transfert des fonds prévus par les conventions, notamment celles de 2007 et 2010. Le montant total ainsi payé, durant la période 2007-2011, s’élève à plus de 10,39 MDH.

Par ailleurs, en vue de lutter contre la mendicité, l’association de soutien au centre social de Tit Mellil a signé une convention de partenariat pour un montant de 2.182.080 DH, avec le ministère du Développement social, de la famille et de la solidarité. 

Les objectifs de la convention consistaient au regroupement des mendiants par leur hébergement au sein du centre et la mise en œuvre à leur profit de projets économiques viables leur assurant une intégration économique et sociale. La convention prévoyait également l’octroi d’indemnités au profit du personnel chargé de l’assistance sociale.

Toutefois, l’association a dépensé 90% du montant global alloué à la réalisation de la convention pour couvrir les charges du personnel (1.903.000,00 DH).

Dans ce cadre, l’association a reçu une première tranche d’un montant de 1.091.036,75 DH, en date du  18 avril 2008. Il a été dépensé pour l’acquisition des moyens de communication des unités d’assistance  sociale 248.628,40 DH et pour le paiement des indemnités du personnel 870.900 DH. De même, le montant de la deuxième tranche, d’une valeur de 1.091.040 DH, qui a été versée à l’association en date du 25 novembre 2010, a été dépensé pour les indemnités du personnel (1.032.100 DH) et la consommation de carburant (39.600 DH).

Dans le cadre du programme d’intégration socio-économique, l’association a octroyé, en 2009, des aides financières à quatre personnes, d’une valeur comprise entre 1.000 et 2.000 DH. Toutefois, l’octroi de ces aides n’a été soumis à aucun critère pour la désignation des bénéficiaires et du montant.

En outre, l’association de soutien au centre social a procédé au paiement, au profit d’une société, d’un chèque de 450.000 DH, en l’absence de toute pièce justifiant cette dépense. La seule information disponible à ce sujet est la mention faite sur le mandat joint au chèque qui indique la «construction d’un réservoir d’eau : conseil de la ville de Casablanca».

L’association a procédé à l’acquisition, au profit d’une personne, d’un appartement d’une valeur de 68.000 DH et au paiement d’un montant de 4.620 DH relatif aux frais du notaire. Or, elle n’a pas présenté le cadre et les motifs nécessaires à la justification de cette action.

L’association a procédé au paiement des frais de restauration, bien qu’ils n’entrent pas dans les actions de soutien assignées au centre social. Il s’agit en l’occurrence des paiements effectués durant la période 2010-2012, avec des montants successifs de 2.110 DH, 3.160 DH, 2.066 DH, au profit du centre d’estivage de la justice de Tit Mellil, 4.491 DH ; 3.041 DH et 1.581 DH au profit du centre d’estivage de la justice de Tit Mellil).

L’association a émis un ordre de paiement (non daté et non numéroté), d’un montant de 7.000 DH, au profit d’une clinique, sur la base d’un simple devis et en l’absence des informations relatives à la qualité du bénéficiaire et de la facture justifiant les actes médicaux pris en charge.

L’association a octroyé un prêt de 2.000 DH par chèque à une personne après son engagement de le rembourser par prélèvement de 250 DH sur son salaire mensuel. Toutefois, l’association n’a jamais procédé au prélèvement de cette somme.

L’association a procédé au paiement d’un montant de 10.620 DH, relatif aux frais de réparation des triporteurs et d’un montant de 3.885,33 DH, relatif aux primes d’assurance des triporteurs distribués en 2009, dans le cadre du programme de la lutte contre la précarité. Pourtant, le programme en question n’a pas prévu dans ses dispositions la couverture de ces dépenses.

L’association a réalisé une étude technique auprès d’un BET, en vue de la construction d’un four dans l’enceinte du centre social. Le montant payé au titre de cette étude s’élève à 51.600 DH. Cependant, aucune suite n’a été donnée à cette étude suite au refus de l’agence urbaine d’autoriser la réalisation du projet.

L’ex-président de l’association et le directeur général du centre ont pris la décision d’octroyer des indemnités mensuelles à cinq résidents du centre (procès-verbal du 23 février 2011). Cette décision a été prise et exécutée sans l’approbation des instances compétentes, bien qu’elle n’entre pas dans le cadre des attributions du président de l’association, telles que définies par ses statuts.

L’association a procédé à l’acquisition de neuf téléphones portables, pour un montant de 16.092 DH, au profit des membres de son bureau (facture n°33781 du 28 février 2011). En plus, le paiement de ces appareils a eu lieu en date du 12 février 2011, soit avant la livraison. A cet égard, il convient de rappeler les dispositions de l’article 34 du statut de l’association qui stipulent que ni les membres du bureau ni les adhérents ne peuvent bénéficier d’une quelconque rémunération ou avantage de quelque nature qu’ils soient.

Le directeur général du centre social perçoit une indemnité sans base légale. De même, les membres du bureau de l’association ont accordé un don de 20.000 DH à un agent du centre, suite à sa demande de quitter le centre en vue d’exercer un autre métier. Pourtant, l’agent concerné avait formulé une demande de crédit et non d’un don du même montant. En outre, il convient de signaler que l’intéressé exerce toujours au sein du centre social et perçoit un salaire mensuel de 4.147 DH.

Les travaux de construction d’un centre d’accueil à Dar Lkheir ont fait l’objet d’un appel d’offres ouvert, pour un montant de 3.004.052,40 DH. Les paiements effectués au titre de ce marché s’élèvent à 2.197.458,51 DH. Toutefois, l’exécution de ce marché soulève des observations : non-respect  du délai contractuel de l’exécution des travaux, absence des études prévues par le marché, récurrence des arrêts de chantier…

-Commune rurale Ech-challalate (Préfecture de Mohammedia) :

Durant la période 2008-2012, la commune a octroyé des dons pour les associations pour un montant de 529.000 dirhams. Toutefois, les dons sont attribués en absence de critères objectifs. Ainsi, la commune ne dispose pas d’une structure qui se charge de l’étude des demandes des associations, notamment, celles qui reçoivent des dons supérieurs à 10.000 dirhams. La commune octroie un don annuel de 20.000 DH à l’association du club royal d’équestre Echalalate.

Ensemble, ils ont conclu une convention de partenariat en vertu de laquelle la commune met à la disposition du club gratuitement deux lots de terrain d’une superficie qui dépasse deux hectares. L’association a procédé, sans y être habilitée, à la location d’une partie du terrain, mis gratuitement à sa disposition par la commune, à une société de télécommunications pour l’installation des équipements de télécommunication pour une mensualité de 8.166 dirhams. Le montant global qu’a encaissé l’association indument durant les cinq dernières années est de 489.960 dirhams.

-Cour régionale des comptes d’Oujda (Province de Taourirt) :

La province octroie de subventions au profit des associations en l’absence de convention ou de cadre arrêtant les objectifs escomptés de ces subventions. En outre, plusieurs associations reçoivent périodiquement des subventions d’un montant supérieur à 100.000 dirhams, sans que la province ne dispose des comptes d’emploi que ces associations doivent lui soumettre.

-Commune rurale Oulad M’Hammed(Province de Taourirt) :

Les subventions sont accordées à des associations en l’absence de critères d’éligibilité. De même, la commune ne dispose pas de demandes écrites des associations ayant bénéficié des subventions. Plus encore, des conseillers et fonctionnaires communaux sont membres du bureau dans un nombre des associations bénéficiaires.

Quant à l’usage des fonds octroyés par la commune, force est de constater que la commune ne veille pas à conclure des conventions avec les associations bénéficiaires (à l’exception d’une seule) pour définir les engagements réciproques et permettre de mettre en place des moyens de contrôle des subventions accordées. En outre, les associations qui bénéficient périodiquement d’aides supérieures à 10.000 DH ne rendent pas compte de l’emploi des fonds reçus.

-Commune rurale Si Hsaien Ben Abderrahmane (province d’El Jadida) :

La commune a ordonné le versement de plusieurs subventions annuelles à des associations entre 2008 et 2012. Il est constaté à cet effet la non-conclusion de conventions fixant les droits et les obligations des associations à l’égard de la commune, l’absence de règles préétablies qui définissent les critères d’octroi des subventions, l’absence de contrôle aussi bien périodique que ponctuel des associations subventionnées, la non-suspension des subventions aux associations qui ne produisent pas à la commune leurs  comptes d’emplois des fonds.

Ainsi, la Cour régionale des comptes recommande à la commune de veiller à établir des conventions avec les associations périodiquement subventionnées déterminant leurs droits obligations et rappelle l’obligation de respecter les dispositions de l’article 32 tierce du dahir n° 1.58.376 du 15 novembre 1958.

-Commune rurale Ouled Saleh (Province de Nouasser) :

La commune octroie chaque année des subventions aux associations locales et à l’association des œuvres sociales des fonctionnaires. Le montant de ces subventions a atteint au titre de l’année 2012 environ 460.000 DH. Or, il a été constaté que les décisions relatives à ces concours financiers ne leur fixent pas des domaines ou programmes d’utilisation, ce qui ne permet pas à la commune de contrôler ultérieurement le sort de ces fonds à travers les comptes d’emploi que les associations doivent lui produire.

 

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