La hausse du taux directeur renforce la crédibilité et l'indépendance de BAM (économiste)

Un économiste marocain livre aux lecteurs de Médias24 sa lecture de la séquence actuelle, marquée par le dilemme des pouvoirs publics entre relance et politique budgétaire expansionniste d'un côté, hausse des taux d'intérêt de l'autre.

Le premier siège de Bank Al-Maghrib au centre de Rabat.

La hausse du taux directeur renforce la crédibilité et l'indépendance de BAM (économiste)

Le 27 mars 2023 à 22h22

Modifié 27 mars 2023 à 22h23

Un économiste marocain livre aux lecteurs de Médias24 sa lecture de la séquence actuelle, marquée par le dilemme des pouvoirs publics entre relance et politique budgétaire expansionniste d'un côté, hausse des taux d'intérêt de l'autre.

Personne ne sait si la hausse du taux directeur produira un effet direct et provoquera une baisse de l'inflation. Mais la Banque centrale a eu raison de prendre cette décision.

Ainsi s'exprime, sous couvert d'anonymat en raison de la sensibilité du sujet, un économiste marocain de premier plan, qui livre son analyse aux lecteurs de Médias24.

Notre interlocuteur connaît parfaitement l'économie marocaine, la suit en permanence et nous le considérons comme l'un des plus brillants au Maroc.

Sa première remarque concerne le caractère de l'inflation actuelle, si elle est endogène ou exogène. "La courbe de l'inflation au Maroc est très liée aux courbes de l'inflation en Europe et dans le monde. Le Maroc suit l'inflation de sa zone économique d'ancrage qui est l'Europe d'abord."

Démonstration dans le graphe ci-dessous où la corrélation est évidente, avec souvent un petit décalage de quelques mois :

Medias24
Medias24

Prenons un exemple. Sur la base des deux éléments suivants :

- nous raisonnons sur les biens échangeables ;

- et sachant que le Maroc est lié à l'Europe par un accord de libre-échange.

Si l'inflation est basse en Europe, elle ne pourra pas augmenter au Maroc d'une manière intrinsèque, sauf dans des cas spécifiques. Si un producteur augmente le prix d'un produit, disons de 50%, le concurrent l'importera du marché européen et annulera la hausse. Donc, pour les produits échangeables existant en Europe et au Maroc, les prix marocains ne pourront pas dépasser le prix européen augmenté des frais d'approche.

Ce système fonctionne comme un frein à la hausse des prix au Maroc, lorsque l'inflation est basse en Europe. Lorsqu'elle est élevée sur le Vieux Continent, elle contamine en quelque sorte le marché marocain, comme on l'a vu dans le cas des produits agricoles à travers les intrants.

Deuxième remarque : "Si nous subissons un choc d'inflation importée, celle-ci peut générer une dynamique d'inflation dans le pays dans deux cas de figure :

- soit en déclenchant la boucle prix-salaires, ce qui ne semble pas être le cas pour le moment ;

- soit dans le cas d'une économie marocaine déjà en surchauffe en raison de taux de croissances élevés, ce qui n'est pas le cas non plus."

Que peut faire le gouvernement ? Pour réagir à une situation inflationniste comme celle que nous visons, le gouvernement dispose de deux leviers :

- d'une part, éviter de déclencher la boucle prix-salaires ;

- d'autre part, freiner l'activité économique, freiner les dépenses budgétaires.

Notre source rappelle que les boucliers tarifaires, les subventions aux transporteurs, les dépenses de compensation préservent les prix et le pouvoir d'achat, partiellement ou totalement, mais ne sont pas soutenables sur le long terme.

Et la Banque centrale, que peut-elle faire dans la situation actuelle avec une inflation à deux chiffres, doublée d'une croissance molle ? Si nous avions été en présence d'une surchauffe provoquée par une croissance économique élevée, une hausse du taux directeur aurait été un bon remède, elle aurait permis de ralentir la dépense et de refroidir l'économie.

En fait, ajoute notre économiste, la Banque centrale est confrontée à la pire situation : une activité économique molle, une conjoncture incertaine, une inflation importée. On sait que la hausse des taux d'intérêt va pénaliser mécaniquement l'économie. "Pour la Banque centrale, la situation est très difficile", ajoute notre source. "Personne ne peut certifier l'efficacité de cette décision de hausse du taux directeur. Bank Al-Maghrib essaie de contracter la demande, la dépense globale, mais l'impact sera forcément limité." Il y a de surcroît lenteur dans la transmission des décisions de politique monétaire, et les causes de cette inflation, qui sont exogènes, ne sont pas impactées par notre hausse des taux d'intérêt.

Notre économiste conclut en soulignant que "toutes ces nuances et réserves, Bank Al Maghrib les connaît forcément. Mais elle a décidé d'envoyer un nouveau signal de crédibilité, alors que l'inflation dépasse les 10% ; elle montre qu'elle pilote et impacte les anticipations. C'est la principale raison de sa décision car, sur tout le reste, il y a des incertitudes ; et elle a bien fait d'agir ainsi."

Notre source comprend que le gouvernement puisse être contrarié par cette évolution, car elle surenchérit mécaniquement la dette publique intérieure du Trésor et réduit la marge budgétaire de l'Etat. Mais elle rééquilibre le couple gouvernement-Banque centrale, réduit la "fiscal dominance" ou domination budgétaire exercée sur l'économie marocaine par le budget de l'Etat. "Elle réaffirme la raison d'être de Bank Al-Maghrib, sa crédibilité, en un mot, son indépendance. Le pays en a besoin", conclut notre économiste.

Les statuts de Bank Al-Maghrib insistent certes sur son indépendance, mais les textes deviennent plus forts lorsqu'ils sont appliqués.

Dans un prochain article, nous exposerons les contraintes de la situation actuelle, vues par le gouvernement.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

MOROCCO REAL ESTATE MANAGEMENT : OPCI “TERRAMIS SPI-RFA” Valeur Liquidative exceptionnelle au 27/06/2024

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.