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Hausse du crédit, circulation fiduciaire élevée : les banques sous pression de liquidité

| Le 19/3/2025 à 16:45
La hausse du déficit de liquidité bancaire à 139,7 MMDH à mi-mars 2025 s’explique par un recours accru des banques au financement central, dans un contexte de progression du crédit, de forte circulation fiduciaire hors du système bancaire et de besoins de financement croissants du Trésor. Bank Al-Maghrib ajuste ses interventions pour accompagner le marché, face à une tension qui s’inscrit dans la durée.

Le déficit de liquidité bancaire continue de se creuser, doucement mais sûrement. 125,5 MMDH en janvier, soit une progression de 2,3% sur un an, selon les derniers indicateurs d’Attijari Global Research (AGR). Une hausse modérée, diront certains. Mais dans un climat de resserrement monétaire qui s’installe, chaque milliard compte.

Et cette tendance semble s’inscrire dans le dur. "Le déficit de liquidité bancaire s’est creusé d’environ 5 MMDH à mi-mars 2025, en comparaison avec la même période de l’année précédente. Il est passé de -134 MMDH à -139,7 milliards", confie une source du marché bancaire. Une glissade mesurée, mais qui s'ajoute à une pression de fond, structurelle, sur la trésorerie des banques.

Pour les banques, ce creusement du déficit signifie une dépendance accrue au refinancement auprès de Bank Al-Maghrib, mais aussi une montée des coûts de financement. Plus le déficit est élevé, plus elles doivent mobiliser des ressources pour compenser, ce qui pèse sur leurs marges et limite leur capacité à octroyer des crédits.

Malgré ces tensions, la Banque centrale "continue d’assurer un approvisionnement fluide des banques, en maintenant ses interventions principales à un niveau stable. La semaine du 7 au 13 mars, l’institution a injecté 66 MMDH via ses avances à 7 jours — un niveau supérieur à la moyenne annuelle de 62 MMDH — tout en maintenant inchangés, pour la huitième semaine consécutive, ses prêts garantis et pensions livrées à long terme, à hauteur de 81,7 MMDH", note AGR.

Une présence rassurante, mais qui ne suffit pas à dissiper l’inquiétude. "Les avances à 7 jours ont fortement augmenté, passant de 46,8 MMDH à 66 MMDH, ce qui reflète un recours accru des banques au financement central, alors même que les pensions livrées ont légèrement reculé, de 52,9 à 47 MMDH", précise une source du marché bancaire.

L’État aussi serre les cordons de la bourse

Cette montée en tension n’a pas été sans contrepoids. Le Trésor, d’ordinaire acteur clé sur le marché monétaire, a revu à la baisse ses placements. "Le déficit de la liquidité a été amorti par les placements du Trésor, dont le montant est passé de 18 MMDH à 7 milliards", souligne une autre source du marché. Autrement dit, l’État a injecté moins de liquidité sur le marché. Cela aurait pu alléger la tension, mais le contexte est plus nuancé.

En réduisant ses placements, le Trésor libère à court terme une partie de la liquidité pour les banques. Mais en parallèle, il augmente son recours à leur financement pour couvrir ses propres besoins. "Cette situation témoigne du besoin permanent des banques à avoir recours aux mécanismes de gestion de la liquidité, dans un environnement où elles sont de plus en plus sollicitées", résume cette même source.

Un répit temporaire... avant un retour des tensions

Pour autant, Bank Al-Maghrib se montre plus nuancée. Dans son dernier communiqué, elle note que le besoin de liquidité des banques s’est atténué en moyenne à 128,7 MMDH durant janvier et février 2025. Une détente, certes, mais qui tient à un phénomène ponctuel : la baisse de la circulation fiduciaire, en lien direct avec l’opération de régularisation fiscale volontaire des personnes physiques.

Moins de billets en circulation, donc plus de dépôts bancaires. Un petit bol d’air pour les banques, mais éphémère. Car Bank Al-Maghrib voit plus loin. Elle anticipe un déficit de liquidité atteignant 143 MMDH d’ici fin 2025, avant de s’aggraver encore à 162 MMDH en 2026

Pour les établissements bancaires, ce type de répit offre un certain soulagement, mais il ne modifie pas la trajectoire de fond. Dès que la monnaie fiduciaire recommence à circuler massivement, la tension sur les réserves reprend, les obligeant à retourner vers la Banque centrale pour assurer leur équilibre.

Des racines profondes, une pression durable

Ce n’est donc pas un accident de parcours, mais le symptôme d’un déséquilibre enraciné. Et plusieurs dynamiques alimentent cette soif grandissante de liquidité.

Une autre source bancaire éclaire le premier levier : "La croissance des crédits bancaires au secteur non financier, qui a atteint 3,3% en janvier 2025. C’est un des éléments qui s’explique par la dynamique dans laquelle s’inscrit le Maroc en termes d’investissement, et les besoins qui en découlent". Le crédit progresse, l’économie investit, les banques financent… mais leurs ressources ne suivent pas toujours.

Autre poids lourd sur la balance : la préférence persistante pour le cash. Là encore, la source est formelle. "Malgré une hausse des dépôts bancaires, une grande partie de la monnaie en circulation reste hors du système bancaire (+10% en 2024), limitant la liquidité disponible".

"Ce recours massif aux espèces limite la réintégration de l’épargne dans le circuit bancaire, réduisant d’autant les ressources mobilisables par les banques pour financer l’économie", ajoute-t-elle. Autrement dit, plus de cash dans les poches, moins d’argent à prêter.

Et puis il y a l’État, encore lui, dont les besoins de financement absorbent une part croissante des ressources bancaires. "Le Trésor public mobilise les ressources des banques pour couvrir son déficit, ce qui augmente la concurrence sur la liquidité disponible et alimente le besoin de refinancement des banques auprès de Bank Al-Maghrib", poursuit la même source.

Une dépendance croissante à Bank Al-Maghrib

Au fil des mois, cette tension s’est traduite par une dépendance accrue aux refinancements de la Banque centrale. Après une légère baisse entre décembre 2024 et janvier 2025, les interventions ont rapidement rebondi. "On note une baisse, ce qui a conduit Bank Al-Maghrib à ajuster ses injections de liquidité, qui se sont fixées à une moyenne hebdomadaire de 140,2 MMDH, contre 152 MMDH le mois précédent", explique la source.

Mais cet ajustement a été temporaire. "La baisse de 10 MMDH durant le passage de fin d’année, après l’opération d’amnistie, a rapidement cédé la place aux sorties de la monnaie fiduciaire, et a fait que le montant des interventions de Bank Al-Maghrib a regagné son niveau habituel durant les six derniers mois". Résultat : la Banque centrale injecte, encore et toujours, pour stabiliser le marché monétaire.

Vers une issue ?

Face à ces tensions, la solution ne peut être que multifactorielle. Le premier levier  est de promouvoir la digitalisation des paiements. "Malgré l’augmentation des dépôts, une part importante de la monnaie créée circule hors du secteur bancaire, contribuant au creusement du déficit de liquidité. Ce qui milite pour le développement et la promotion de la digitalisation des paiements pour rapatrier ces fonds vers les banques", estime notre source.

Un chantier crucial, car stabiliser la liquidité est devenu un impératif. Bank Al-Maghrib tient son rôle, mais l’équilibre est précaire. Sans réforme structurelle, la pression sur la trésorerie des banques va continuer de s’intensifier, et le soutien de la Banque centrale restera vital.

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