Eau agricole. Le point sur l’état d’avancement des principaux chantiers

Exclusif. Dessalement, interconnexion, nouveaux périmètres d’irrigation… Dans cet entretien avec Médias24, Ahmed El Bouari, directeur de l’Irrigation et de l’Aménagement de l’espace agricole, revient sur les progrès réalisés en matière d’aménagement hydro-agricole, dans le cadre de la stratégie Génération Green et du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI 2020-2027).

Eau agricole. Le point sur l’état d’avancement des principaux chantiers

Le 6 mai 2024 à 13h43

Modifié 6 mai 2024 à 13h44

Exclusif. Dessalement, interconnexion, nouveaux périmètres d’irrigation… Dans cet entretien avec Médias24, Ahmed El Bouari, directeur de l’Irrigation et de l’Aménagement de l’espace agricole, revient sur les progrès réalisés en matière d’aménagement hydro-agricole, dans le cadre de la stratégie Génération Green et du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI 2020-2027).

Pour cette saison agricole 2023-24, le niveau de pluviométrie a à peine atteint 224 millimètres jusqu’en avril 2024. Un cumul qui reste inférieur de 27% par rapport à celui d’une année agricole normale (la moyenne des 30 dernières années).

La part d’eau allouée aux grands périmètres irrigués n’a pas dépassé 680 millions de m3 pour la saison agricole en cours, dont environ 300 millions de m3 ont été utilisés. 

Afin de renforcer la résilience du secteur agricole aux changements climatiques et atteindre un équilibre entre les différents usages, le plan d’action du gouvernement vise la création de nouveaux barrages pour éviter le déversement de l’eau douce en mer et une répartition régionale équilibrée des ressources hydriques grâce à des projets d’interconnexions.

Outre le projet d’interconnexion des bassins Sebou-Bouregreg, "la connexion entre les bassins de Bouregreg-Oum Rbia est en cours. Concernant le Laou avec la Moulouya, les études sont en cours pour analyser les options envisageables pour ce projet", précise Ahmed Bouari. Pour Médias24, le Directeur de l’irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole fait le point sur l’état d’avancement des chantiers lancés dans l’optique de garantir une meilleure efficacité hydrique.  

Interconnexion du barrage Oued El Makhazine au barrage Dar Khrofa avec une capacité de transfert de 100 Mm3/an

Médias24 : Dans le cadre de la stratégie agricole Génération Green et du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI 2020-2027), trois leviers complémentaires sont actionnés, dont le développement de l’offre hydrique. Où en est leur mise en œuvre ? 

Ahmed Bouari : Plusieurs chantiers importants sont engagés pour renforcer et diversifier l’offre hydrique et atténuer la compétition entre les usages. Il s’agit particulièrement de la poursuite du développement de nouveaux barrages en vue d’accroître la capacité de stockage de 6 milliards de m3 additionnels.

En plus, l’interconnexion des bassins hydrauliques Sebou-Bouregreg-Oum Rbia et des bassins Loukkos-Tangérois permettra de capter les ressources en eau perdues en mer et d’optimiser la gestion entre les bassins hydrauliques, notamment en situation de pénurie.

La première tranche urgente d’interconnexion des bassins Sebou-Bouregreg a été réalisée dans des délais record de 9 mois. Elle permet de capter et de transférer un volume d’eau annuel moyen de 350 à 400 millions de m3 en vue de sécuriser l’approvisionnement en eau potable des villes de Rabat et de Casablanca à partir du barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah. 

Deux autres projets d’interconnexion sont actuellement en chantier. Le premier concerne l’interconnexion du barrage Oued El Makhazine au barrage Dar Khrofa avec une capacité de transfert de 100 Mm3/an pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable de la ville de Tanger

Le deuxième concerne le transfert de 60 Mm3/an des eaux dessalées à partir de la station de dessalement de l’eau de mer d’OCP à Jorf Lasfar vers la station de traitement de Daourat pour l’approvisionnement en eau potable du sud de Casablanca. 

- Qu’en est-il du programme de dessalement d’eau de mer ? 

- Ce programme a pour objectifs l’approvisionnement en eau potable des villes et le développement des projets d’irrigation. Six projets sont en cours de réalisation et permettront de produire 143 Mm3 par an additionnels, dont le projet de dessalement de l’eau de mer pour l’irrigation de 5.200 ha à Dakhla. 

Les études sont en cours pour 9 projets de dessalement de l’eau de mer pour l’irrigation dans les zones de Sidi Rahal, Tan Tan, l’Oriental, Guelmim, Chichaoua, Oualidia, Tiznit, Taroudant et Boujdour sur une superficie totale de près de 120.000 ha.

Dans le détail, pour le projet de dessalement de l’eau de mer de Tan-Tan, les études de faisabilité technique et d’évaluation préalable sont achevées et le projet est présenté à la commission interministérielle des PPP. Il a reçu l’approbation du ministère de l’Economie et des finances pour la réalisation du projet dans le cadre de la loi 86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé. Les dossiers d’appels d’offres pour le choix des partenaires privés sont en cours d’achèvement.

Concernant le projet de Sidi Rahal, les études techniques sont achevées et le rapport d’évaluation est en cours de préparation. S’agissant des autres projets, les études de faisabilité sont en cours et les premiers résultats concernant l’identification des sites des stations de dessalement et l’étendue du périmètre d’irrigation des projets d’extension de l’irrigation à de nouvelles terres, sont en cours de validation.

- Le projet d’irrigation dans la province de Dakhla-Oued Eddahab est-il toujours prévu pour une mise en production en 2025 ? 

- Le projet d’irrigation par dessalement de l’eau de mer de Dakhla porte sur une superficie de l’ordre de 5.200 hectares et comprend un champ éolien qui alimente une station de dessalement d’eau de mer en énergie renouvelable.

Ce projet avance comme prévu sur les trois chantiers. A savoir les éoliennes, la station de dessalement et le réseau d’irrigation, qui sont engagés parallèlement pour une mise en service en juin 2025. Il est à souligner que ce projet permettra de générer une importante dynamique économique dans la région, avec des investissements privés estimés à 2,6 milliards de dirhams et la création de milliers d'emplois permanents.

- En plus des programmes de développement de l’offre hydrique, un effort d’investissement de près de 50 milliards de DH est en cours de mise en œuvre pour améliorer l’efficacité hydrique et énergétique de l’eau agricole.

- La modernisation de l’irrigation a permis à ce jour d’étendre l’irrigation localisée sur 825.000 ha. L’objectif est d’équiper un million d’hectares en irrigation localisée pour doubler la valeur ajoutée par mètre cube d’eau utilisée dans l’irrigation.

L’amélioration de la gouvernance de l’eau vient compléter les programmes de l’offre et de la demande hydrique à travers le développement du partenariat public-privé (PPP) pour le co-financement, la conception, la construction et l’exploitation des projets d’irrigation et la gestion durable des nappes d’eau souterraines. Sur ce volet, une forte impulsion est donnée au programme de PPP en irrigation, principalement à travers le recours au dessalement de l’eau de mer pour atténuer la pression sur les ressources en eau conventionnelles.

La contractualisation avec les parties prenantes pour une gestion participative des nappes se poursuit également à travers la signature de plusieurs contrats de nappe, notamment pour la nappe de l’axe Meski-Boudnib (province d’Errachidia), Feija (province de Zagoura), Rmel (province de Larache) et Haouz Mejjat (principalement dans la province Chichaoua). D’autres contrats sont en cours de préparation, notamment pour les nappes de Triffa, Berrechid et Saïss.

Ahmed EL Bouari, directeur de l’Irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole.

- Quels progrès récents ont été enregistrés au niveau du développement de l’irrigation et de la réhabilitation de la petite agriculture irriguée en zones de montagne et dans les oasis ? 

- Ce programme consiste à mettre à niveau les aménagements hydro-agricoles de la petite et moyenne hydraulique (PMH) pour améliorer l’efficience des systèmes d’irrigation et la productivité de l’eau. Les principaux objectifs de ce programme consistent à préserver les périmètres de PMH dans les zones de montagnes et les oasis à travers la réhabilitation et remise en état d’environ 200.000 ha de périmètres de PMH au profit de 100.000 exploitations. A cela s’ajoute la sauvegarde du patrimoine des khettaras.

Depuis son lancement, une superficie de 77.000 ha de périmètres de PMH sont réhabilités et mis à niveau dans les écosystèmes fragiles de montagnes et des oasis, notamment à travers :

- Le revêtement de 1.952 km de séguias pour réduire les pertes d’eau et augmenter la productivité et les revenus des petits agriculteurs ;

- La restauration de 124 km de khettaras permettant de valoriser ce patrimoine ancestral dans les régions oasiennes.

Mise en service des premiers secteurs d’irrigation sur 10.000 ha dès le remplissage du barrage Mdez

- Quid du développement des trois grands projets d’aménagement hydro-agricole dans les régions du Saïss, de l’Est et du Sud de la plaine du Gharb ? 

- En ce qui concerne le projet d’aménagement hydroagricole dans la plaine du Saïss, tous les ouvrages principaux de raccordement au barrage Mdez et les ouvrages d’adduction sont réalisés sur une longueur de 60 km comprenant notamment un passage par galeries sur 5 km et deux ouvrages de régulation et de filtration de l’eau.

Les travaux de la première tranche du réseau de distribution s’étalent sur une longueur de 409 km avec une cheminée d’équilibre de 80 m de hauteur et d’équipement des bornes d’irrigation. Ils sont en cours d’achèvement. Ce qui permettra de mettre en service les premiers secteurs d’irrigation sur une superficie de 10.000 ha dès le remplissage du barrage Mdez.

En ce qui concerne le projet d’aménagement hydro-agricole dans la zone sud-est de la plaine du Gharb, il porte sur une superficie de 30.000 ha et s’inscrit dans le cadre du programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027. 

Les travaux consistent en une prise d’eau sur le barrage Kodiat El Borna en cours de construction, une adduction tête morte sur une longueur de 11 km, une adduction dite Hricha sur 98 km et un réseau de distribution en conduites à l’intérieur de chacun des secteurs jusqu’aux prises d’eau. 

Un financement du projet est en cours de préparation avec l’agence japonaise de coopération (JICA). Le bouclage du financement est prévu avant fin juin 2024 et le démarrage des travaux dès la signature de la convention de financement du projet est prévue en juin 2024. 

- L’élargissement de la capacité de la station de Chtouka Aït Baha est-il toujours d’actualité ? 

- En ce qui concerne le bassin primeuriste de Chtouka, un bassin de production considéré comme le potager du Maroc pour certains produits agricoles de base, le projet de dessalement de l’eau de mer dans la plaine de Chtouka a enregistré des progrès significatifs depuis son lancement en Juillet 2018. 

La station de dessalement de Chtouka Aït Baha est entrée en production en janvier 2022. Sa capacité de production est de 275.000 mètres cubes par jour dont 125.000 mètres cubes par jour destiné à l’irrigation et permet d’irriguer 15.000 hectares. Les travaux ont inclus la construction d’installations maritimes ainsi qu’une station de dessalement et des infrastructures d’irrigation, comme un réservoir de stockage, 5 stations de pompage et un réseau de distribution d’eau sur 489 kilomètres.

Face à l’évolution des conditions hydriques de la région, il a été décidé d’élargir la capacité de la station à 400.000 mètres cubes par jour d’ici 2026. Cette extension comprendra une production quotidienne de 200.000 mètres cubes pour l’eau potable et 200.000 mètres cubes pour l’irrigation.

- Où en est le programme d’aménagement hydro-agricole associé aux nouveaux barrages, couvrant 72.500 hectares sur 6 périmètres d’irrigation ? 

- Le programme d’aménagement hydro-agricole associé aux barrages vise la valorisation des ressources en eau mobilisées par les barrages et la mise en valeur de nouveaux périmètres irrigués pour intensifier la mise en valeur agricole. Depuis le démarrage de ce programme, les réalisations sont comme suit :

- Les aménagements portant sur une superficie de 8.100 ha sont achevés (projets moyen Sebou et Kaddoussa) ;

- Les aménagements portant sur une superficie de 12.600 ha (1ère tranche du projet Saïss et 2e tranche du moyen Sebou) sont en voie d’achèvement ;

- Les aménagements portant sur une superficie de 20.000 ha (2e tranche du projet Saïss) sont en cours de réalisation ;

- Les aménagements concernant deux grands projets sont en cours de démarrage des travaux, notamment dans le Gharb (30.000 ha) et Ouljat Essoltane (1.800 ha).

Ahmed El Bouari est directeur de l’Irrigation et de l’Aménagement de l’espace agricole (DIAEA) au ministère de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, depuis 2013.

Né en 1964 à Ouezzane, M. El Bouari a débuté sa carrière professionnelle en tant qu’ingénieur du génie rural. Il a conduit des projets d’envergure dans le domaine de l’eau et de l’irrigation. Il a contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques nationales de l’irrigation, de l’eau et des aménagements fonciers.

En outre, il est actuellement président de l’Association des ingénieurs du génie rural du Maroc (AIGR) et président du Réseau marocain interprofessionnel de l’irrigation (REMIG). Il est également membre de l’association internationale "Echanges méditerranéens pour l’eau, la forêt et le développement" dont le siège est à Paris.

Il assure enfin la vice-présidence de la Commission internationale de l’irrigation et du drainage (CIID) en reconnaissance de ses contributions dans ce secteur.

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