1 million d'emplois ruraux perdus entre 2016 et 2023 en raison des sécheresses

Les sécheresses pèsent lourdement sur l'emploi rural au Maroc, exposant la fragilité du secteur agricole face aux changements climatiques. Chaque période de sécheresse se traduit par une baisse directe et persistante de l'emploi rural, tout en freinant également la croissance économique. Analyse.

1 million d'emplois ruraux perdus entre 2016 et 2023 en raison des sécheresses

Le 25 avril 2024 à 12h07

Modifié 25 avril 2024 à 15h33

Les sécheresses pèsent lourdement sur l'emploi rural au Maroc, exposant la fragilité du secteur agricole face aux changements climatiques. Chaque période de sécheresse se traduit par une baisse directe et persistante de l'emploi rural, tout en freinant également la croissance économique. Analyse.

Ces dernières années, la recrudescence alarmante des périodes de sécheresse a profondément marqué le paysage agricole marocain. Parallèlement, le Maroc est confronté à une réduction préoccupante de la disponibilité de l'eau de surface, avec des projections indiquant une diminution des ruissellements allant de 10% à 63% d'ici le milieu du siècle. Cette tendance aggrave les problèmes de sécheresse et menace sérieusement l'emploi dans son ensemble, notamment celui généré par le secteur agricole, qui abrite entre 29% et 31% de la main-d'œuvre totale du pays.

L'analyse de la production moyenne de la campagne céréalière en tant qu'indicateur de sécheresse révèle une corrélation étroite entre les fluctuations du niveau moyen d'emploi rural et les variations de la récolte céréalière moyenne. Cette corrélation s'étend également au taux moyen de croissance économique, soulignant ainsi l'impact direct et immédiat des sécheresses non seulement sur l'emploi, mais aussi sur la performance économique globale du pays.

Source : HCP et ONICL

En analysant les données de la production céréalière moyenne, une tendance significative se dessine : la période allant de 2010 à 2015 a été caractérisée par une production céréalière substantielle, tandis que celle de 2016 à 2023 affiche des niveaux plus faibles.

En considérant la production moyenne de céréales, calculée à 82,8 millions de quintaux au cours de la première période, nous constatons qu'elle s'est associée à un niveau moyen de l'emploi de 5,2 millions et à une croissance économique moyenne de 4,7%. Cependant, au cours de la période suivante, marquée par cinq années de sécheresse sur huit, la production moyenne de céréales a chuté à 64,1 millions de quintaux, impactant directement le niveau moyen de l'emploi rural, qui est tombé à 4,7 millions d'emplois. L'économie n'a pas été épargnée, enregistrant également une baisse de la croissance moyenne à 3,7%. Pendant la deuxième période, il y a eu deux pics de production céréalière (103 Mqx à chaque fois, en 2018 et 2021) sans lesquels la moyenne de production aurait été beaucoup plus basse. Idem pour2017 avec 96 Mqx. Les années 2016, 2019, 2020, 2022 et 2023 ont été des années de plus ou moins forte séceheresse. Cinq années au total, sur huit. Il y a donc une accélération du nombre d'années sèches.

L'analyse des graphiques révèle une forte corrélation entre les trois variables (sécheresse, taux de croissance, emploi), mettant ainsi en lumière l'impact des changements climatiques, qui se fait ressentir non seulement sur l'emploi du secteur agricole et sa valeur ajoutée, mais aussi sur le niveau de l'emploi global. De plus, ils influent sur la sphère économique réelle, comme en témoigne sa corrélation avec la croissance économique du pays.

Impact sur l'emploi rural de 2016 à 2023

En 2016, une sécheresse sévère a frappé de plein fouet, réduisant la production céréalière à seulement 34,8 millions de quintaux, bien loin des 115,7 millions enregistrés en 2015. Cette chute drastique a eu des répercussions néfastes sur l'emploi rural, faisant basculer le nombre de travailleurs de 5,3 à 5,1 millions. Cette baisse dramatique a également plombé la croissance économique, laquelle est passée de 7,7% à un modeste 1,5%.

Cette tendance s'est maintenue au fil des années, avec une diminution constante du niveau d'emploi, descendant à 4,9 millions en 2017, puis à 4,8 millions en 2018, et enfin à 4,7 millions en 2019. En 2020, année également marquée par une sécheresse, la production était tombée à 32,4 millions de quintaux.

En 2021, une lueur d'espoir a émergé avec une reprise de la production céréalière, qui a grimpé à 103,2 millions de quintaux, entraînant une augmentation du niveau de l'emploi rural supérieure à 150.000 emplois. La croissance économique, quant à elle, a rebondi à 8%, après avoir chuté de 7% en 2020. Cependant, la trajectoire s'est à nouveau assombrie en 2022 avec une nouvelle sécheresse, réduisant la production à seulement 34,4 millions de quintaux et provoquant la perte de plus de 160.000 emplois.

Malgré une légère amélioration de la production céréalière en 2023, qui est remontée à 55,1 millions de quintaux, l'emploi a continué de décliner pour tomber à 4,1 millions, soit le niveau le plus bas enregistré depuis 2006. Cela représente en total une perte nette d'environ 1 million d'emplois entre 2016 et 2023.

Un effet qui persiste pendant 5 ans (étude)

Ces analyses trouvent écho dans les résultats d'une étude récente intitulée "Job displacement and reallocation failure. Evidence from climate shocks in Morocco" ("Échec du déplacement et de la réaffectation des emplois. Preuve des chocs climatiques au Maroc"), qui se penche sur l'impact de la sécheresse sur le marché du travail marocain entre 2006 et 2009. Les chercheurs y révèlent que les répercussions de la sécheresse sur l'emploi rural au Maroc persistent au-delà de l'année même de la sécheresse.

Selon les observations empiriques, les conséquences d'une seule année de sécheresse se font sentir sur le marché de l'emploi rural pendant une période de cinq ans, avec un pic atteint lors de la quatrième année suivant la sécheresse.

Source : HCP et ONICL

Ces observations renforcent notre analyse pour la période ultérieure (2010 à 2023), soulignant que les effets des sécheresses sur l'emploi rural ne se limitent pas à l'année de la sécheresse, mais persistent en moyenne pendant 5 ans. L'impact de la sécheresse de 2016 sur l'emploi rural en est un exemple éloquent.

Malgré une amélioration de la production céréalière en 2017, le niveau de l'emploi rural a continué à décliner pendant cinq années consécutives avant de se redresser en 2021. Toutefois, même avec une légère hausse de la production de céréales en 2023, l'emploi rural n'a pas montré de reprise après la sécheresse de 2022.

Cela soulève ainsi une question très importante : L'emploi rural est-il entré dans une phase de baisse prolongée et va-t-elle s'aggraver au cours des prochaines années ?

La majeure partie de ces emplois ruraux perdus sont des emplois non rémunérés (par exemple membres de la famille travaillant leurs propres terres). La perte de ces emplois ne signifie pas obligatoirement la perte d'un salaire. Mais surtout la perte de la production agricole de subsistance. Les questions de réaffectation des emplois et de l'exode rural se posent également.

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