Ressources minières : une cartographie des métaux stratégiques et critiques au Maroc

Afin de soutenir son émergence industrielle, le Maroc a besoin de sécuriser son approvisionnement en matières premières, notamment en métaux critiques. Le sous-sol marocain recèle d'importantes richesses en la matière, ce qui lui permet de se positionner avantageusement dans plusieurs industries d'avenir, en particulier celles liées aux technologies vertes.

Ressources minières : une cartographie des métaux stratégiques et critiques au Maroc

Le 14 avril 2024 à 12h45

Modifié 14 avril 2024 à 18h08

Afin de soutenir son émergence industrielle, le Maroc a besoin de sécuriser son approvisionnement en matières premières, notamment en métaux critiques. Le sous-sol marocain recèle d'importantes richesses en la matière, ce qui lui permet de se positionner avantageusement dans plusieurs industries d'avenir, en particulier celles liées aux technologies vertes.

Le développement des énergies renouvelables et des voitures électriques dépend des métaux critiques, dont les terres rares. Dans les années à venir, le prix de ces métaux devrait augmenter de manière exponentielle, ce qui représente un défi majeur pour la compétitivité de ces deux secteurs majeurs pour l'économie marocaine et exige du gouvernement de repenser l’industrie minière.

Certes, aucun pays ne peut disposer de l'ensemble des matériaux nécessaires à son économie. Cependant, posséder un maximum de ressources stratégiques et être géographiquement proche des sources d'approvisionnement, tout cela permet de réduire la dépendance vis-à-vis des importations et de renforcer la résilience de la chaîne d'approvisionnement.

Actuellement, la majorité des métaux importants pour l'industrie sont produits par un nombre restreint de pays, particulièrement la Chine, qui possède les plus grands gisements de Terres rares.

Conscient de son importance pour le développement industriel, le Maroc a mis en place plusieurs stratégies, dont le plan Mines 2021-2030, afin de mieux explorer les potentialités de son sous-sol. Cependant, hormis les phosphates, le pays n'arrive pas à développer d'une manière significative le secteur minier, qui reste en deçà de son potentiel.

Invitée du Conseil national de l'entreprise (CNE) de la CGEM, Leila Benali, ministre de la Transition Energétique et du Développement Durable, avait annoncé une nouvelle réforme du secteur minier marocain. Cette initiative devrait permettre une refonte totale du secteur minier hors phosphates par l’augmentation de l’investissement moyen annuel dans l’exploitation et la recherche minière, la promotion d’un secteur minier durable et la valorisation des métaux stratégiques.

Métaux stratégiques et métaux critiques, source de confusion

En mars 2024, le Conseil de l'Union européenne a adopté le règlement sur les matières premières critiques connues sous le nom de Critical Raw Materials Act (CRMA). Ce nouveau règlement fait partie du plan industriel du Pacte vert qui devrait permettre d’une part à l’Europe de migrer vers la neutralité carbone et d’autre part de se positionner comme Hub des technologies vertes. Ce plan intègre l’objectif "REPowerEU" dont l’ambition principale est d’abandonner les moteurs à combustion thermique à l'horizon 2035.

Ce règlement, qui s'inscrit dans un contexte mondial de tensions géopolitiques et de transition énergétique, vise à renforcer toutes les étapes de la chaîne de valeur des matières premières critiques européennes en améliorant la capacité de l’Union européenne à surveiller et à atténuer les risques de perturbations de l'approvisionnement. Portée par les engagements climatiques, la nouvelle loi a établi deux listes distinctes de matières premières : critiques et stratégiques. Souvent, sources de confusion, les métaux stratégiques et les métaux critiques sont deux termes distincts :

  • Les métaux stratégiques : métaux indispensables à la politique économique d'un État, à sa défense, à sa politique énergétique ou à celle d'un acteur industriel spécifique.
  • Les métaux critiques : métaux dont la chaîne d'approvisionnement est vulnérable et dont l'absence peut entraîner des conséquences significatives pour l'économie d'un État.

Ainsi, le nouveau règlement a arrêté une liste de 34 métaux critiques dont l'approvisionnement est jugé crucial pour l'économie européenne. Parmi ces métaux, 17 sont considérés comme stratégiques en raison de leur dépendance pour l’industrie de technologie verte. Outre la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement des métaux stratégiques et critiques, le CRMA opte pour bâtir une souveraineté minière à travers un plan 2030 où 10% de la consommation provient de l’extraction dans l’UE, au moins 40% proviennent de la valorisation, 25% issus du recyclage et 65% au maximum de la consommation de chaque matière critique en provenance d’un seul pays.

De même, les États-Unis possèdent leur liste de métaux critiques établie par l'Energy Act of 2020. Pour les besoins d'une énergie électrique propre, le Département de l'Énergie américain a choisi 18 métaux critiques pour sa transition énergétique : aluminium, cobalt, cuivre, dysprosium, fer doux, fluor, gallium, iridium, lithium, magnésium, graphite naturel, néodyme, nickel, platine, praséodyme, silicium, carbure de silicium et terbium.

A l’échelle globale, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a établi une liste de 50 métaux critiques dont l'importance pour l'énergie et le risque de rupture d'approvisionnement sont élevés. Cette liste, qui n'est pas exhaustive, est révisée régulièrement en fonction de l'actualité et des changements dans le paysage énergétique.

Matrice de criticité des minéraux critiques à moyen terme de l'acte de l'énergie 2020 des Etats-Unis.

L'examen de la matrice de criticité des métaux montre que les Terres rares font partie des métaux les plus exposés aux risques de rupture. Les Terres rares sont au nombre de 17 métaux appartenant au même groupe chimique. Elles présentent des propriétés exceptionnelles qui les rendent essentielles pour de multiples utilisations (médecine, défense, énergie…).

Ces éléments sont souvent dispersés et rarement concentrés, et c’est la Chine et la Russie qui abritent respectivement la majorité des réserves découvertes. Pour sa part, le continent africain dispose de réserves raisonnables de Terres rares. Le Burundi est le premier pays africain à avoir démarré l'exploitation des terres rares.

D'autres pays aux réserves prometteuses, comme l'Afrique du Sud, le Kenya, le Malawi, la Namibie et Madagascar, ont quant à eux lancé à des stades différents leurs projets miniers de terres rares.

Le Maroc, ressources minières diversifiées

Dans cette course mondiale vers la sécurisation des ressources minières, notamment les minéraux critiques et stratégiques, comment se positionne le Maroc et de quoi dispose-t-il ?

Le sous-sol marocain regorge d’un ensemble de ressources minières, dont les plus importantes sont les phosphates. Il dispose actuellement des trois-quarts des réserves mondiales de phosphates. La pandémie et la crise russo-ukrainienne ont entraîné une flambée de la demande en phosphates, accentuant l'importance stratégique de cette ressource pour le Maroc. A ce stade, la sécurité alimentaire mondiale est impossible sans les phosphates marocains.

En plus des grandes réserves de phosphates, le Maroc dispose d’autres ressources minières dont le cobalt, l'argent et le cuivre. Au cours des dernières années, il s'est affirmé comme une destination de choix pour les acteurs de l'industrie des batteries électriques, avec la multiplication des annonces et l'installation effective du géant chinois BTR New Material Group spécialisé dans la fabrication de cathodes.

Cette dynamique est due à la croissance de la demande en voituress électriques, la position stratégique du Royaume à proximité de l’Europe, et aussi par les potentialités minières dont dispose le Maroc, par exemple le cobalt élément essentiel dans la fabrication des batteries électrique. Cette situation devrait être encore renforcée par les opportunités offertes par les nouvelles batteries électriques LFP (Lithium Fer Phosphates, LiFePO4) où le Maroc peut garantir un accès stable à d’énormes réserves de phosphates.

En réponse aux enjeux du changement climatique, la valeur ajoutée du secteur minier marocain a été renforcée par l'engagement de plusieurs acteurs envers la neutralité climatique. Le groupe Managem a été pionnier dans ce domaine en signant des contrats d'approvisionnement en cobalt avec les constructeurs automobiles Renault et BMW. Ces contrats garantissent un approvisionnement durable en cobalt, élément essentiel pour la fabrication des batteries électriques. D'autres entreprises, comme AYA, s'apprêtent à suivre le même chemin en se connectant au réseau électrique émanant des énergies renouvelables.

A ce jour, aucun règlement ni stratégie n’ont fixé les métaux stratégiques et critiques essentiels pour le développement industriel. Cependant, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a pris l'initiative de combler ce vide l'année dernière à travers une auto-saisine.

Cette étude a réuni les principaux acteurs du domaine minier et a permis de dégager, grâce à une démarche scientifique rigoureuse et adaptée au contexte marocain, une liste de 26 métaux stratégiques et critiques du Maroc. Notre pays dispose de 7 des 26 métaux critiques répertoriés, marqués dans le tableau ci-dessous en rouge.

Aluminium Lithium Terres rares Phosphates
Borates Magnésium Tungstène Cuivre
Chrome (Ferro-Chromium) Molybdène Barytes Nickel
Etain Niobium (Ferro-Niobium) Cobalt Potasse
Germanium Sélénium Fluorine Soufre
Graphite Silicium Manganèse Titane

L’avis du CESE a révélé que le développement du secteur minier marocain est freiné par l'absence d'une feuille de route capable d’encadrer les activités liées à ces métaux et de répondre aux enjeux futurs du secteur. Sans stratégie claire d'approvisionnement en ces métaux critiques, nous sommes contraints à l'importation, avec tous les risques que cela implique ; la volatilité des prix et les ruptures d'approvisionnement constituant des menaces majeures pour notre secteur industriel en pleine régénération.

Pour garantir aux entreprises marocaines une meilleure place dans les chaînes de valeur mondiales, le Conseil avait recommandé la nationalisation de la valorisation des minerais stratégiques et critiques et de créer une banque de projets industriels axés sur la transformation de ces ressources en produits finis à haute valeur ajoutée, en tirant parti des ressources nationales et ceux valorisés. Le Conseil a également préconisé la création d’une structure de coordination "Mines-Industrie", permettant de garantir une meilleure synergie, une exploitation optimale des ressources nationales et une veille stratégique sur les métaux critiques et stratégiques.

Le Maroc, acteur engagé dans la transition énergétique, possède de nombreuses ressources stratégiques pour les technologies vertes. Ci-dessous, une cartographie de nos principales exploitations, hors phosphates, mettant en lumière l’importance des ressources dont recèle notre sous-sol.

Le cobalt, 2e producteur africain

Le cobalt est un métal stratégique utilisé principalement dans les batteries de lithium et dans la fabrication d'aimants, éléments essentiels pour les éoliennes. Son importance stratégique réside dans le fait qu'il n'est produit que dans 17 pays, dont le Maroc.

L'exploitation nationale est assurée principalement par la mine de Bouazzer, qui a produit environ 798 tonnes de cuivre en 2023. Dans la région de Taouz, il existe de petits gisements de cobalt sous forme de stockwerks qui font l'objet d'une exploitation, mais dont les réserves sont limitées.

L’argent, 1er producteur africain

Le marché de l’argent est actuellement sujet à des fluctuations importantes et parfois soudaines, le rendant sensible aux spéculations et aux mouvements économiques globaux. Plusieurs éléments contribuent à cette volatilité, dont son utilisation importante dans le monde industriel et le fait que les banques centrales ne l'achètent pas, contrairement à l'or. Ainsi, ce métal précieux trouve ses applications principales dans la fabrication des conducteurs électroniques et des panneaux photovoltaïques.

Au Maroc, le principal gisement d’argent est celui d’Imiter qui a pu produire 111 tonnes d’argent au cours de l'année 2023. Le développement de la mine de Zgounder par l’opérateur canadien AYA a permis de produire environ 60 tonnes additionnelles d’argent.

Le cuivre, métal clé de la transition énergétique

Le cuivre est un métal indispensable à la plupart des industries, comme l'électronique, l'automobile, les télécommunications et les énergies renouvelables. Il est utilisé dans la fabrication de composants électroniques, de cellules photovoltaïques, de générateurs électriques d'éoliennes, de câbles électriques et bien d'autres produits. Outre sa conductivité électrique, le cuivre est apprécié pour sa résistance à la corrosion et sa capacité à former des alliages très efficaces. Les mines opérées par Managem ont permis d'accumuler une production d'environ 55.639 tonnes de concentré de cuivre en 2023.

Plus au Nord-Ouest, la firme britannique Royal Road explore le prospect d'Alouana. Les analyses préliminaires ont mis en évidence un potentiel cuprifère important associé à d'autres métaux précieux tels que l'argent et l'or.

Le Plomb et le Zinc, production nationale posée

Le plomb et le zinc, deux métaux fréquemment associés dans les gisements naturels, partagent également une utilisation commune : la fabrication de batteries. La production de ces minerais est assurée principalement par la mine de Draa Sfar et Koudiat Aicha, opérées par Managem, et les mines de Tighza et Jbel Aouam, opérées par la Compagnie minière de Touisit.

À un autre niveau, la Centrale d'achat et de développement de la région minière de Tafilalet et de Figuig (CADETAF) joue un rôle crucial dans la promotion des activités minières artisanales de la région de Tafilalet-Figuig. Durant l’exercice de 2019, la CADETAF a pu produire environ 20.000 tonnes de Zinc et 5.000 tonnes de Plomb. En 2021, la production a pu atteindre 23.000 tonnes de Zinc et 7.900 tonnes de Plomb.

Le manganèse, production stratégique

Le manganèse est un minerai stratégique essentiel pour la fabrication des batteries et des aimants utilisés dans les générateurs d'éoliennes. Au Maroc, la production est assurée par l'unique gisement d'Imini, situé à 45 km au nord-ouest d'Ouarzazate et opéré par la Société anonyme chérifienne d'études minières (SACEM) depuis 1929.

La prospection des terres rares, projets en cours de développement

Le Maroc dispose de plusieurs indices de terres rares, dont les ressources du gisement du Mont Tropic ont été confirmées. L'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) poursuit son programme d'exploration et de promotion d'un ensemble de prospects miniers de terres rares onshore. Par exemple, les travaux préliminaires dans le massif de Tamazight (près de Midelt) ont permis de mettre en évidence des occurrences de quelques éléments de terres rares.

En l’absence d’investisseurs pouvant financer des travaux d’exploration plus poussés, il ne peut y avoir aucune exploitation à court terme de ces prospects de terres rares.

 

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