Décision de maintien du taux, ciblage de l’inflation, créances en souffrance... Le verbatim de Jouahri
Sans surprise, la Banque centrale a décidé de maintenir le taux directeur inchangé à 3%. Une décision largement anticipée par le marché.
Lors de la réunion de presse qui a suivi cette décision, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a apporté des explications sur cette décision et s’est livré à l’habituelle séance de questions-réponses avec les journalistes. Il est notamment revenu sur les grands chantiers en cours tels que le marché secondaire des créances en souffrance, le régime de ciblage de l’inflation ou encore la situation économique générale dans le royaume. Voici l’essentiel.
Un passage au taux de change flottant qui se fera dans la plus grande prudence
"Cette année, le FMI a dit au sujet de l’article 4 : 'L’orientation actuelle de la politique monétaire est appropriée. La pause du resserrement monétaire de BAM depuis mars 2023 est justifiée. Avec le retour de l‘inflation à des niveaux pré-pandémiques, BAM devrait reprendre sa transition vers un régime de ciblage d’inflation'.
C’est pour ça que je dis, même au FMI, quand je sentirai le tissu marocain prêt, je vous dirai que je vais faire le saut.
"Il s’agit de conditionnel, les termes sont choisis. Premièrement, je leur ai dit, sur un plan technique, nous commençons à nous approprier beaucoup de choses. Nous avons un marché interbancaire qui marche parfaitement. Depuis mars 2020, BAM n’est plus intervenu sur le marché de changes."
Il faudrait que les équilibres se confirment, à savoir la soutenabilité budgétaire à moyen terme, le niveau des réserves de changes adéquat, et un système bancaire résilient.
Deuxièmement, nous avons indiqué que nous devons passer à une autre étape qui est la formation des opérateurs. C’est là où le bat blesse.
"Je ne parle pas des grandes entreprises, mais des TPME, des microentreprises, des entrepreneurs individuels, etc. Quand vous allez passer à un ciblage d’inflation, cela veut dire que BAM peut faire modifier son taux directeur à plusieurs reprises. Donc les calculs vont être reconsidérés et on peut ressortir avec des effets très négatifs. C’est pour ça que je dis, même au FMI, quand je sentirai le tissu marocain prêt, je vous dirai que je vais faire le saut. Mais ce n’est pas un saut définitif.
La deuxième étape consiste à se dégager du panier qui était l’ancrage, mais je continue de surveiller le mouvement sur le marché interbancaire de devises. Cela signifie que s’il y a des mouvements anormaux dans un sens ou dans l’autre, BAM interviendra pour indiquer quelle orientation elle donne. Nous ne sommes pas encore dans le flottement généralisé.
Il faudrait que les équilibres se confirment, à savoir la soutenabilité budgétaire à moyen terme, le niveau des réserves de change adéquat, et un système bancaire résilient. Quand cela sera réuni, il faudra que les opérateurs soient en phase avec le passage. Il se fera à une deuxième étape intermédiaire avant de passer à un éventuel flottement généralisé.
Le marché secondaire des créances en souffrance espéré d’ici la fin de l’année
"Les créances en souffrance, c’est un dossier très important, nous travaillons dessus. J’espère que l’on pourra le faire aboutir. Il y a une réunion récente qui s’est tenue avec toutes les parties prenantes."
Créances en souffrance : Nous sommes sur les 100 derniers mètres, dirons-nous, pour finaliser le tout
Nous avons pris les remarques des uns et des autres pour finaliser les conditions de cessions des créances à des preneurs. Nous sommes sur les 100 derniers mètres, dirons-nous, pour finaliser le tout. Nous avons la DGI qui est partie prenante et avec laquelle nous sommes en train de discuter. La valeur est contractuelle entre la banque qui cède et celui qui achète, il y a le problème du provisionnement qui doit être fait ou non. J’espère que cela aboutira d’ici la fin de l’année. Je dis bien j’espère. Il faut faire converger les contraintes prises en compte par chacune des parties prenantes".
Un taux de rejet de 40% pour les crédits Intelaka !
"Intelaka, nous le suivons mensuellement. Nous sommes à plus de 8 MMDH de crédits décaissés et plusieurs milliers de bénéficiaires, mais le taux de rejet reste à 40%. Nous avons renforcé les mesures d’accompagnement, avec une multiplication par deux du budget d’accompagnement à 200 MDH.
"Il y a eu un projet de rapport sur Intelaka établi par la Cour des comptes, que nous sommes en train de voir. Il y a des choses qui ont été mal comprises ou mal interprétées. Je pense qu’une fois finalisé, ce rapport sera mis devant les parties prenantes pour qu’elles voient une entité qui s’assure de la façon dont les biens publics sont utilisés."
Des décisions prudentes dans un contexte incertain
"BAM n’argumente pas sa décision sur le court terme, mais le moyen terme. On parle ici de huit trimestres. Nous prenons en compte ce qui se passe sur le court terme, nous voyons les perspectives à moyen terme, et surtout les conditions qui les entourent. Si elles paraissent stables et durables, alors on peut prendre notre décision. La FED a décidé de maintenir le taux inchangé. Pourquoi ? Car il y a beaucoup d’incertitude".
Le capital humain et son développement au cœur du modèle économique
"Il faut toujours porter un certain optimisme. C’est cela qui fait que l’on garde l’espoir d’avancer. Il faut tabler cet optimisme sur des données réelles qui permettent de l’être. Nous avons des atouts certains. Maintenant, il faut aussi maintenir ce qui est industrie ou le textile, où le pays a développé un savoir-faire. Il faut renforcer et prendre les bons tournants aux bons moments. Les changements de paradigme vous imposent de les prendre. Si on les prend, je serai encore beaucoup plus optimiste.
"Le capital humain et sa qualité sont fondamentaux. C’est un véritable chacun pour soi dans le monde. Il faut des armes de bataille et la première, c’est le capital humain. Il est de plus en plus pointu. Si vous ne développez pas votre capital humain dans ce sens, vous n’y arriverez pas. Si les sauts qualitatifs ne sont pas faits aux bons moments, c’est difficile. Il faut être proactif. C’est là où il faudrait une planification de convergence.
"Je suis optimiste car nous avons beaucoup d’atouts, mais nous devons prendre les bons tournants et être proactifs.
"Je tiens à dire que nous n’avons pas une monnaie qui se dévalue, nous n’avons pas un taux d’inflation comme dans d’autres pays. Il faut veiller à ces équilibres. Ce sont des données fondamentales qui font partie de la souveraineté".
Éviter à tout prix le désancrage des anticipations d’inflation
"Lorsque nous avons fait le cycle de resserrement des taux, il y avait des craintes sur la croissance et l’emploi. Il faut expliquer cela clairement. Quand nous avons compris que l’inflation n’allait pas être temporaire, toutes les banques centrales ont eu pour objectif de juguler l’inflation dans un premier temps avant d’attaquer les problèmes d’emplois et de croissance.
Si vous laissez les anticipations d’inflation dériver, vous êtes dans une spirale qui s’autoentretient.
"Les exemples et la littérature existent. Si vous laissez les anticipations d’inflation dériver, vous êtes dans une spirale qui s’autoentretient. Dès lors que sur les grands marchés, les prix augmentent sur les produits de première nécessité… Je vous garantis que pour les ramener à des niveaux convenables, c’est la croix et la bannière. C’est ce que l’on appelle le désancrage.
"C’est pour cela que nous disons d’un côté, nous augmentons les taux directeurs pour qu’il n’y ait pas ce désancrage, mais de l’autre côté, je fournis les liquidités que me demande le système bancaire sur le marché monétaire sans limite. Toutes les demandes ont été satisfaites".
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