Textile. En 2023, les exportations marocaines vers l’UE ont baissé

Les importations européennes d’habillement en provenance du Maroc ont baissé de 14% par rapport à l’année 2022. Une baisse généralisée à laquelle a échappé un seul pays, la Tunisie, concurrent direct du Maroc. Analyse.

Textile. En 2023, les exportations marocaines vers l’UE ont baissé

Le 7 mars 2024 à 12h35

Modifié 7 mars 2024 à 14h40

Les importations européennes d’habillement en provenance du Maroc ont baissé de 14% par rapport à l’année 2022. Une baisse généralisée à laquelle a échappé un seul pays, la Tunisie, concurrent direct du Maroc. Analyse.

Les exportations marocaines des vêtements confectionnés ont augmenté de 6,9% en 2023 à 29,5 MMDH. Mais à l’intérieur de cette hausse se cache une autre dynamique plutôt inquiétante. Les exportations vers l’Union européenne, principal marché marocain, sont, elles, en baisse.

Selon les chiffres de la base de données statistiques Comext (Eurostat) et traités par l’expert textile européen et président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement, Jean-François Limantour, les exportations marocaines vers l’UE ont baissé de 14,2% entre 2023 et 2022.

"Elles ont, comme celles de la plupart des fournisseurs de l’UE, subi une sévère correction à la baisse. Elles ont reculé de 14,2% pour une valeur de 2,55 milliards d’euros (27,8 MMDH), mais je rappelle qu’elles avaient augmenté de 20,1% en 2022 par rapport à l’année 2021", explique-t-il dans un échange avec Médias24.

Et d’ajouter : "Malgré les apparences, la chute des exportations marocaines de 2023 n’a rien de très préoccupant, car le Maroc conserve solidement son huitième rang de fournisseur d’habillement de l’Europe avec une part de 3,1%. Au-delà de cet aspect conjoncturel, j’estime que l’industrie marocaine de l’habillement a de bonnes performances et qu’elle relève avec énergie le défi compétitif de la concurrence asiatique."

Une baisse considérable, selon les acteurs du secteur textile

Une baisse que nous confirment les opérateurs marocains du secteur. "L’année 2022 a été pour l’UE une année de rattrapage. Elle a été marquée par des importations massives. Et comme il y a une réduction de la consommation de textiles en Europe, beaucoup d’enseignes se sont retrouvées avec des stocks importants. L’UE a donc réduit ses importations en 2023. Cette réduction globale est de l’ordre de 16% par rapport à 2022. Le Maroc se trouve à peu près dans cette moyenne-là (-14 à -15%). Il s’agit d’une baisse considérable du fait que l’Europe (particulièrement l’Espagne) demeure notre principal client", explique un important acteur du secteur à Médias24.

Le président régional pour Casablanca de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) converge dans le même sens. "Il y a eu un recul de la consommation par rapport à 2022 ; recul qui a concerné un certain types de produits dont l’habillement. Les consommateurs ont en effet priorisé l’alimentation, l’énergie et le transport", explique Abderrahmane Atfi.

"La baisse de la consommation des habits, couplée à la guerre en Ukraine et à l’inflation, nous a infligé, à nous opérateurs, des pertes en chiffres", déplore-t-il.

"La chute des importations européennes d’habillement a eu un impact direct sur le Maroc, mais aussi pratiquement sur tous les pays exportateurs. Nous constatons par exemple une très grosse baisse en valeur des importations de Chine, située à plus de 20%, ce qui est inédit ! S’il est vrai que la Chine accapare toujours le commerce de l’habillement, elle n’a jamais connu une baisse aussi massive", souligne Abderrahmane Atfi.

"Un repositionnement des importations européennes vers les pays les plus proches"

Cette chute devrait annoncer un repositionnement des importations européennes vers les pays les plus proches, notamment ceux du bassin méditerranéen, prévoit notre source.

Car en vingt ans, comme le souligne Jean-François Limantour, "du fait de la concurrence asiatique, la part des pays méditerranéens (Turquie, Maroc, Tunisie, Egypte, etc.) dans les importations européennes d’habillement est tombée de 24,5% en 2003 à 19,9% en 2013 et à 18,6% en 2023. Celle du Maroc est passée de 4,7% en 2023 à 3,2% en 2013 et à 3,1 % maintenant".

"Ce déclin doit bien sûr interpeller l’industrie et les pouvoirs publics marocains, et les inciter à la mobilisation pour mettre en œuvre une politique industrielle active de valeur ajoutée et de partenariat dynamique euro-marocain, afin de s’imposer comme un acteur majeur sur un marché européen de l’habillement en profonde mutation !"

Car tout le monde s’accorde sur un point : la transformation du marché européen ne peut que bénéficier aux pays maghrébins… les plus compétitifs.

"La Tunisie est actuellement favorite. C’est le seul pays exportateur vers l’UE qui connaît une croissance en 2023 par rapport à 2022. Elle se situe à environ +4%. Grâce à la dévaluation, le secteur textile tunisien a bénéficié d’une forte compétitivité qui devrait s’améliorer davantage en 2024, suite à l’assouplissement des règles d’origine obtenu par la Tunisie auprès de l’UE, et qui entrera en vigueur lors de ce premier trimestre 2024", détaille un industriel marocain.

Un constat que confirme le président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement. Pour lui, le contraste entre la Tunisie, qui augmente ses exportations, et le Maroc, qui enregistre une baisse, s’explique par le fait que "la Tunisie a un positionnement moyen/haut de gamme alors que l’offre marocaine est centrée sur le moyen de gamme, segment du marché européen tout particulièrement affecté en 2023 par l’inflation qui a rongé le budget des consommateurs".

"Le 'modèle' tunisien doit donc servir de référence au moment où le marché européen semble s’orienter structurellement vers le bas de gamme alimenté par l’Asie et le moyen/haut de gamme fourni par les pays européens eux-mêmes, y compris la Suisse, et des pays comme la Tunisie. Tout ceci au détriment du milieu de gamme", poursuit Jean-François Limantour.

Et Abderrahmane Atfi de compléter en précisant qu’"actuellement, la Tunisie surpasse le Maroc et la Turquie au niveau de la Méditerranée, en termes de valeur unitaire moyenne de ventes, qui est de 17 euros la pièce en Tunisie. Au Maroc, cette valeur est de 12 euros par pièce, contre 13 euros en Turquie".

Une hausse des prix moyens à cause de l’inflation

Baisse des exportations certes, mais le Maroc a également enregistré une hausse des prix moyens en 2023 de +9,5% par rapport à 2022, selon le traitement statistique fourni par l’expert Jean-François Limantour.

Selon un industriel textile marocain, l’hypothèse selon laquelle l’amélioration de la valeur ajoutée marocaine serait à l’origine de la hausse des prix moyens est à écarter. Et pour cause, le Maroc demeure un simple confectionneur. Ainsi, il estime que cette hausse est due, essentiellement, à l’inflation, le coût des matières premières et des intrants ayant augmenté depuis la crise Covid.

Sur un ton optimiste, notre source considère que les pouvoirs publics et le secteur privé vont travailler main dans la main pour en limiter l’impact. "Des solutions, il y en a. Aujourd’hui, les consommateurs veulent savoir d’où proviennent leurs achats. Il y a une conscience écologique qui s’installe de plus en plus, ce qui pousse les distributeurs à acheter de plus près. Il y a en plus une réflexion dans l’UE sur des taxes contre la fast fashion, essentiellement les sites de e-commerce chinois. Tout cela devrait encourager le sourcing de proximité", propose-t-il.

2024, une année difficile en perspective

Comment s’annonce 2024 dans ce contexte ? "Elle s’annonce difficile pour le Maroc. En ce moment, les données demeurent les mêmes. Pis, elles se complexifient. Aujourd’hui, tout le business model de l’habillement est en voie de changement. La problématique de l’environnement et de la durabilité (la taxe carbone par exemple) se pose de plus en plus. En plus, l’e-commerce prend davantage le dessus. Autant d’éléments qui freineront en quelque sorte le business model actuel", souligne Abderrahmane Atfi, le président régional pour Casablanca de l’AMITH.

"Au Maroc, il y a une nouvelle réflexion qui émerge, avec les pouvoirs publics, pour renforcer le positionnement du pays dans l’habillement durable. Pour ce faire, il faut avoir accès à l’énergie renouvelable, qui est déjà un des points fort du Maroc. Notre compétitivité, qui connaît des lacunes, est l’autre levier de renforcement", poursuit-il.

"En gros, notre business model doit créer plus de valeur ajoutée et de durabilité, s’inscrire dans le recyclage et s’ouvrir davantage sur l’Afrique, en faisant émerger une synergie de sorte que les pays africains fournissent au Maroc les matières premières et que le Royaume en assure la transformation", conclut Abderrahmane Atfi.

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