Hicham Chaoudri : “Les investissements conventionnés ont triplé après l'adoption de la charte”

Après près d'un an d'opérationnalisation, la Charte de l'investissement a-t-elle eu l'effet escompté ? Selon Hicham Chaoudri, directeur de l'investissement au ministère de l'Investissement, la réponse est 'oui', chiffres à l'appui. Dans cet entretien, nous abordons également les objectifs de création d'emplois, les IDE, l'état d'avancement de l'Observatoire de l'investissement.

Hicham Chaoudri : “Les investissements conventionnés ont triplé après l'adoption de la charte”

Le 27 février 2024 à 16h29

Modifié 27 février 2024 à 19h14

Après près d'un an d'opérationnalisation, la Charte de l'investissement a-t-elle eu l'effet escompté ? Selon Hicham Chaoudri, directeur de l'investissement au ministère de l'Investissement, la réponse est 'oui', chiffres à l'appui. Dans cet entretien, nous abordons également les objectifs de création d'emplois, les IDE, l'état d'avancement de l'Observatoire de l'investissement.

La Charte de l'investissement va boucler sa première année en mars 2024. Depuis son entrée en vigueur, quatre Commissions nationales des investissements (CNI) ont été tenues sous la présidence du chef du gouvernement approuvant des dizaines de milliards de dirhams d'investissement, avec des dizaines de milliers d'emplois projetés.

Selon le ministère de l'Investissement, la charte porte ses fruits en orientant les investissements vers des provinces qui n'étaient pas généralement dans les radars et en augmentant le nombre d'emplois projetés.

Après une année de mise en place, c'est plus d'investissements, plus d'emplois projetés et aussi plus de projets du secteur privé marocain.

Mais cette dynamique s'inscrit-elle dans la continuité de ce qui se faisait auparavant ou est-elle plus importante ? Pourquoi ces investissements annoncés ne sont-ils pas visibles dans les données officielles ? Comment obtenir des indicateurs nationaux fiables et crédibles ?

Dans cet entretien, Hicham Chaoudri, directeur de l'investissement au ministère de l'Investissement, de la convergence et de l'évaluation des politiques publiques répond à toutes ces questions et bien d'autres.

Nous sommes passés de 30 à 150 milliards de DH d’investissements approuvés par an, et de 11.000 à 70.000 emplois créés

Médias24 : Les deux premières CNI de l’année ont validé 43,9 MMDH d’investissements (publics et privés). On peut donc dire que la dynamique d’investissement va bien...

Hicham Chaoudri. La dynamique est bonne, voire très bonne. C’est un fait. L’impact de la nouvelle Charte de l’investissement en termes de montants d'investissement approuvés et de création prévisionnelle d’emplois est déjà une réalité.

L’analyse des chiffres parle d’elle-même : nous avons travaillé sur un petit comparatif entre trois périodes pour illustrer cette dynamique en calculant la moyenne annuelle des investissements approuvés et des emplois projetés sous l’ancien gouvernement, l’actuel gouvernement avant l’adoption de la charte, et après son adoption.

Pendant les dernières années de l'ancien gouvernement, on approuvait, en commission d’investissements, en moyenne 30 milliards de DH et 11.000 emplois par an. Depuis la formation du nouveau gouvernement, soit entre octobre 2021 et mars 2023 (avant l’opérationnalisation de la nouvelle charte), nous en sommes en moyenne à 50 MMDH d’investissement et 30.000 emplois. Déjà, là, nous avons fait une fois et demie plus d’investissements et près de trois fois plus d'emplois.

Après l’opérationnalisation de la charte, en un an, nous avons approuvé des projets pour 152 MMDH d'investissements pour la création prévisionnelle d’environ 70.000 emplois. Nous sommes donc passés de 30 à 150 MMDH d’investissements approuvés par an en commission d’investissements. Et en termes d'emplois, nous sommes passés de 11.000 à 70.000 emplois.

C’est une démonstration concrète et objective de la dynamique des investissements approuvés en Commission nationale des investissements et, plus précisément, des effets de la nouvelle charte.

Nous sommes convaincus que les IDE annoncés vont de plus en plus se voir dans les statistiques officielles à partir de cette année

- Les deux dernières commissions ont approuvé des projets portant sur la création de 7.800 emplois directs. Soit 5,6 MDH pour un emploi créé. Si l'on exclut la deuxième CNI où les investissements sont essentiellement portés par OCP, le chiffre ressort à 1,2 MDH pour un emploi créé. Mais cela reste élevé, non ?

- L’objectif premier de la nouvelle Charte de l’investissement est la création d’emplois.

Pour mesurer l’impact de la nouvelle charte sur l’emploi, nous utilisons généralement le ratio Emplois/CAPEX ; c'est-à-dire pour 1 million de dirhams investi par une entreprise, combien d’emplois directs sont créés. Plus le ratio augmente, plus l’investissement est créateur d’emplois. L’objectif ultime de la nouvelle charte est que ce ratio soit d’au moins 1 ; c'est-à-dire pour 1 million de dirhams investi, au moins 1 emploi direct est créé.

Pour la troisième CNI par exemple, qui a été entièrement consacrée aux projets portés par des entreprises privées, 7,4 MMDH d’investissement ont été approuvés, permettant la création de 5.900 emplois directs. Le ratio moyen lors de cette CNI est donc de 0,8. C’est moins que l’objectif fixé, certes, mais c’est mieux que ce qui se faisait avant. Ce ratio était d’à peine 0,6 avant l’adoption de la charte. Il y a donc une nette amélioration, mais notre objectif est de continuer sur cette voie pour arriver à un ratio de 1 au moins, voire plus.

Deux éléments sont toutefois à prendre en compte :

1. Parmi les projets approuvés lors de cette CNI ; 3, 65% d’entre eux ont obtenu la prime emploi, c’est-à-dire qu’ils avaient un ratio Emplois/CAPEX d’au moins 1. Cela démontre que même si le ratio moyen demeure inférieur à 1, les deux tiers des projets étaient au-dessus de l’objectif.

2. Le ratio dont on parle ne concerne que les emplois directs, or ces projets permettent de créer également des emplois indirects et induits. Ce sont des emplois qui, certes, ne sont pas créés directement par l’entreprise qui investit, mais ce sont des emplois durables et de qualité qui seront créés par d’autres acteurs de l’écosystème, grâce à la réalisation du projet.

- Ces réalisations répondent-elles aux objectifs que vous vous fixez en termes de concrétisation des investissements ?

- Il est tout d’abord important de noter qu’il y a plusieurs étapes qui sont parcourues avant la concrétisation d’un investissement.

En premier lieu, il y a la phase d’expression d’intention de l’investisseur. Cette phase se matérialise généralement par la définition des caractéristiques du projet et la tenue de plusieurs réunions avec les différentes parties prenantes, publiques et privées.

Cette phase est généralement suivie par la signature d’un MoU avec l’Etat. Ce MoU, non contraignant juridiquement, est une première formalisation des détails du projet et démontre le soutien de l’Etat à cet investissement.

Ensuite, l’investisseur prépare son dossier d’investissement en collaboration avec le CRI concerné et le soumet pour approbation à la Commission régionale unifiée de l’investissement.

Une fois approuvé, si le projet est éligible à la nouvelle charte, il nécessite la signature d’une convention d’investissement avec l’Etat afin de bénéficier des avantages prévus par la Charte de l’investissement. C’est l'étape de contractualisation. À la suite de cette signature, l’entreprise lance les travaux et concrétise son projet sur le terrain.La nouvelle Charte de l’investissement profite tout d’abord au secteur privé marocain

Nous faisons un suivi rigoureux du passage des projets d’une étape à l'autre, à travers un indicateur qui est le taux de conversion. Cet indicateur est en constante amélioration : nous avons de plus en plus d’investisseurs qui passent de l’expression d’intérêt à la signature d’un MOU, du MOU à la signature de la convention et de la signature de la convention à la réalisation effective du projet.

Aujourd’hui, une fois que la convention est signée, la très grande majorité vont au bout de leur investissement, et ce projet devient une réalité sur le terrain. D’ailleurs, il y a des projets qui ont signé leur convention en 2023, et dont les travaux sont bien avancés. Certains sont même finalisés et déjà opérationnels.

- Il y a une question qui revient souvent. Pourquoi ces investissements en milliards annoncés ne sont-ils pas visibles dans les chiffres officiels des IDE ?

- Comme déjà précisé, un projet d'investissement prend plusieurs mois, voire quelques années à se concrétiser. N’oublions pas que les conventions d'investissement que nous signons s’étalent sur une durée globale de cinq ans. Donc, l’investisseur dispose de ce temps pour finaliser son projet.

De ce fait, il y a nécessairement un décalage dans le temps. Pour schématiser, on pourra évaluer ce qui a été signé en 2022 ou 2023 par exemple, sur les cinq années qui suivent. Nous sommes convaincus que les IDE annoncés vont de plus en plus se voir dans les statistiques officielles, à partir de cette année, et se poursuivront en 2025, 2026 et même au-delà.

- Quelle est la part des investisseurs marocains et celle des étrangers dans les investissements approuvés depuis l’entrée en vigueur de la Charte de l’investissement ?

- C’est simple : sur les quatre Commissions nationales des investissements tenues depuis l’adoption de la nouvelle charte, les investissements marocains représentent plus de 70% des projets approuvés.

Je profite donc pour rappeler un fait important : comme vous le voyez dans les chiffres, la nouvelle Charte de l’investissement profite tout d’abord au secteur privé marocain.

- Six projets, puis quatre autres se sont vu attribuer le caractère stratégique, lors des deux premières commissions en 2023, et encore cinq projets lors de la dernière CNI en 2024. Où en sont les dix premiers projets ? Peut-on connaître leur état d’avancement ?

- Sur les dix projets ayant reçu le caractère stratégique en 2023, quatre ont déjà été approuvés par la commission. Pour les autres, le travail se poursuit avec les investisseurs, en collaboration avec l’ensemble des départements ministériels concernés.

Il ne faut pas oublier que ce sont des projets de très grande envergure qui prennent du temps à se concrétiser. Pour vous donner une échelle de comparaison, ce sont des projets de montants d’investissement similaires, voire plus importants que ceux lancés par Renault ou Stellantis au Maroc par exemple.

Ces projets peuvent prendre quelques années avant de se concrétiser, or nous sommes à peine à une année du démarrage des échanges. Les discussions portent sur plusieurs sujets, notamment le foncier, les infrastructures hors-site, le raccordement en électricité ou en eau potable… Les choses avancent bien, et nous comptons pouvoir les lancer dans les semaines à venir.

Nous comptons sur une opérationnalisation de l'Observatoire de l'investissement au cours du deuxième semestre

- Vous nous parlez souvent de "pipe de projets d’investissement". Qu’est-ce que cela veut dire concrètement et de combien est ce pipe ?

- Quand on dit pipe, il s’agit du réservoir de projets d’investissement annoncés par les entreprises qui les portent, et avec lesquelles nous discutons. Nous travaillons donc avec ces investisseurs pour les transformer sur le terrain en création de valeur ajoutée et d’emplois.

Ce pipe est considérable et démontre le réel engouement actuel pour l’investissement au Maroc ; ce que nous appelons communément le "Momentum Maroc".

- L’autre chantier parallèle que vous menez, c’est celui de la fiabilisation des données sur l’investissement à travers la création d’un observatoire. Où est-ce que vous en êtes ?

- C’est un important sujet auquel nous consacrons beaucoup de temps. Nous avons, en 2023, réalisé une étude conceptuelle pour définir les missions, le positionnement et le fonctionnement futur de l’Observatoire national de l’investissement.

L’objectif de cet observatoire sera de fédérer l’ensemble des parties prenantes productrices de données liées directement ou indirectement à l’investissement autour d’un outil qui permettra en premier lieu de piloter les objectifs nationaux en matière d’investissements privés et d’emplois, et de communiquer aux investisseurs potentiels l’ensemble de l’information relative à ce domaine.

Cet observatoire, qui combinera des méthodes de calcul basées sur le Big Data et l’Intelligence artificielle (IA), nous permettra d’obtenir des chiffres fiables et exhaustifs.

- Quelle est la prochaine étape ? 

Nous venons de lancer l’étude pour la conception et le développement technique de l’outil informatique. Cet outil consiste, d’une part, en une plateforme Data et, d’autre part, en un portail qui servira d’interface vis-à-vis des investisseurs et des professionnels désirant avoir un accès complet aux données produites par cet observatoire.

En parallèle, nous menons des réunions de travail avec nos partenaires clés sur ce projet, qui sont, entre autres le HCP, la CNSS, le ministère de l’Economie et des finances (DGI, Office des changes, DEPF, DEPP…), et les CRIs pour définir le cadre de partenariat et d'échange d'informations pour alimenter l’observatoire.

Nous comptons sur une opérationnalisation au cours du deuxième semestre. C’est donc imminent !

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