Benslimane, la sécheresse tue l'agriculture vivrière à petit feu

REPORTAGE. Avec une sixième année de sécheresse qui s’annonce, l’agriculture vivrière cède de plus en plus la place à d’autres activités. Reportage.

Benslimane, la sécheresse tue l'agriculture vivrière à petit feu

Le 8 janvier 2024 à 11h00

Modifié 8 janvier 2024 à 7h22

REPORTAGE. Avec une sixième année de sécheresse qui s’annonce, l’agriculture vivrière cède de plus en plus la place à d’autres activités. Reportage.

Sur la route entre Mohammedia et Benslimane, jusqu’à la route de Rommani, la palette des couleurs est très contrastée sans être riche. En effet, les nuances de vert sont assez rares et tournent souvent au roux ou au noir et rouge.

"Cette saison agricole est pire que la précédente, ce qui a germé a commencé à être brûlé par l’alternance du chaud et du froid et ce qui n’a pas germé est toujours sous terre", témoigne Hakim, un agriculteur installé à quelques kilomètres au sud-est de la ville de Benslimane. "Nous sommes dans une zone bour. C’est dire que la plupart des agriculteurs sèment des céréales (blé ou orge) et des légumineuses (pois chiche, fèves, lentilles…). Certes, ces cultures ne nécessitent pas beaucoup de pluies, mais s’il ne pleut pas au bon moment, c’est mort", continue-t-il en montrant le paysage anormalement découvert pour la saison. Dans une saison normale, les nuances de vert devraient être la couleur dominante. Ce qui n’est pas le cas cette année.

Espoir perdu pour 2023-2024

Et selon les divers agriculteurs, l’espoir de sauver la saison dans cette région à la lisière de la Chaouia est quasiment perdu. "Que Dieu nous baigne de sa miséricorde et nous donne suffisamment de pluie, ils ont dit qu’il va pleuvoir cette semaine, j’espère que ce sera suffisant", témoigne Abdallah, un kessab (petit éleveur) de la région. Lui, il sème de l’avoine fourragère pour son troupeau qui a littéralement été sacrifié les deux dernières années.

"Avant, nous avions une quinzaine de vaches laitières en plus des moutons et des chèvres qu’on menait à paître dans la forêt. On avait aussi deux chamelles, on donnait leur lait gratuitement pour la baraka. On produisait du lait de vache pour une coopérative locale, ainsi que de l'agneau pour l’abattage, surtout durant l’aïd. L’année dernière, nous avons quasiment tout vendu, y compris nos vaches. C’est parti à l’abattoir. Nous n’avions plus de quoi les nourrir. Cette année, on comptait commencer à reconstituer un petit cheptel. Mais comme tu vois, l’avoine n’a quasiment pas grandi, nous n’avons rien à donner aux bêtes, que Dieu nous préserve". Aujourd’hui, Abdallah maintient encore trois vaches et quelques moutons et chèvres, profitant de la proximité de la forêt, sinon il les aurait aussi vendus.

Ces deux activités ne sont pas les seules à voir été touchées. Le maraichage vivrier aussi pâtit du manque d’eau.

"De nombreux agriculteurs avaient de petits jardins pour cultiver leurs propres légumes. De la carotte, des navets, des poivrons, des herbes aromatiques, de la pomme de terre etc. Mais avec la rareté de l’eau, cette activité a drastiquement diminué. La plupart des puits se sont asséchés. On préfère utiliser l’eau pour abreuver quelques bêtes et boire nous-mêmes", affirme Hakim. Et d’ajouter: "avant, on trouvait l’eau à 30-50 mètres, aujourd’hui il faut creuser plusieurs puits à plus de 160-180m pour espérer trouver un bon débit. Je connais des gens qui ont creusé deux puits il y a deux ans, et qui ont été obligés d’en creuser un autre cette année car il s’étaient asséchés. Le niveau de l’eau baisse rapidement avec les années de sécheresse", témoigne-t-il. Le coût de creusement d’un puits est compris entre 30.000 et 40.000 dirhams s’il est fructueux dès le premier essai, sinon il faut compter en 60.000 et 70.000 dirhams. Une somme importante même pour une région relativement riche comme celle de Benslimane.

Une reconversion à grands pas

L’autre élément qui a fait disparaitre le maraichage vivrier est sa transformation en plantation d’oliviers ou d’autres arbres fruitiers. Avec les subventions du plan Maroc Vert, depuis une dizaine d’années, plusieurs parcelles ont été graduellement transformées en monoculture fruitière commerciale. Aujourd’hui, de nombreux vergers sont déracinés par manque d’eau, malgré l’équipement des parcelles en goutte à goutte. Les arbres sont revendus pour l’ornementation des nombreuses fermettes avec villas qui commencent à fleurir dans la région.

Grâce à la proximité avec Casablanca et Rabat, la région s’est de plus en plus transformée en banlieue chic de ces villes. La revente de terrains agricoles à des urbains que ce soit pour des projets agricoles ou de simples logements secondaires a ainsi connu une très forte accélération, ces 10 dernières années et surtout depuis 2020.

"Je reçois des visites de gens qui me demandent s’il y a des terrains à vendre quasiment toutes les semaines, surtout les weekends", affirme Abdellah. "Deux de mes frères et mes deux sœurs ont vendus leurs terrains, et se sont installés en ville, pour mieux s’occuper de leurs enfants. Il ne reste plus qu’un de mes frères, ma mère et mes enfants. Aujourd'hui, mes voisins sont un enseignant du supérieur, un avocat, un pharmacien... Il y a même un pilote de ligne", témoigne, non sans humour, Abdallah. À côté, quelques projets touristiques fleurissent, portés essentiellement par des investisseurs venus s’installer dans la région et accessoirement par quelques agriculteurs en reconversion.

Alors que les années de sècheresse se succèdent, les panneaux "terrain à vendre" se multiplient sur cette route récemment élargie. Se succèdent aussi les investissements dans les stations-services et les et autres projets d’immobilier agricole ou touristique changeant la vocation économique de la région mais aussi sa composition sociale.

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