Inattendue, la flambée du prix de l'ail surprend le marché

Avec plus de 70 DH/kg, l’ail, un des légumes condiments essentiels dans la cuisine marocaine, a atteint un niveau rarement vu. Explication d’un phénomène appelé à durer.

Inattendue, la flambée du prix de l'ail surprend le marché

Le 16 novembre 2023 à 18h06

Modifié 16 novembre 2023 à 19h01

Avec plus de 70 DH/kg, l’ail, un des légumes condiments essentiels dans la cuisine marocaine, a atteint un niveau rarement vu. Explication d’un phénomène appelé à durer.

Les prix de l’ail ont bondi de près de 80% à 85% par rapport à leurs niveaux historiques, ces deux dernières semaines. Vendu entre 40 et 50 DH habituellement, voire moins en été, le kilogramme d’ail est disponible sur les étals à un prix allant de 70 à 85 DH, aussi bien dans la distribution traditionnelle que moderne.

Des prix rarement atteints et qui laissent les producteurs locaux perplexes. "Je ne comprends pas ce qui se passe. J’ai même contacté quelques collègues en Espagne pour m’enquérir des raisons de la hausse", confie Hicham Mouha, président de la coopérative Igran situé dans la région de Taliouine, un des bassins de la production nationale.

S'il est vrai que la production locale a baissé en raison des années de sécheresse et de l’apparition d’un virus inconnu qui a réduit les superficies cultivées, cela n’explique pas pour autant la hausse actuelle, et surtout son ampleur.

Une dépendance accrue aux importations

Selon notre interlocuteur, par ailleurs cofondateur de la Maison de l’Ail à Assaki, et d’un GIE de commercialisation de l’ail dans ses différents conditionnements (frais, séché en poudre ou granulé, fumé, etc.), destinés essentiellement à la grande distribution nationale,  la consommation marocaine atteint 40.000 tonnes annuellement.

Or, les superficies dédiées à cette culture ne dépassent pas les 2.000 hectares, soit une production moyenne de 12.000 tonnes. Celle-ci se concentre dans la région de Taliouine et de Taznakht dans le Haut Atlas, mais surtout dans plaine du Saïss, dans la région de Hajeb, Boufekrane, et plus généralement aux alentours de Meknès et Fès.

Toutefois, précise-t-il, "vu que le cycle de culture de l’ail dure 9 mois (entre octobre et juin ou juillet), les producteurs du Saïss préfèrent de plus en plus s’orienter vers l’oignon, dont la mobilisation du sol ne dure que 3 mois". En effet, la demande mondiale de l'oignon a explosé ces deux dernières années. Il s’exporte de plus en plus vers les pays voisins et génère plus de débouchés et de revenus aux agriculteurs.

Au sein de la Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d'exportation des fruits et légumes (FIFEL), c’est l'incrédulité générale. "Nous ne suivons pas particulièrement ce marché parce qu’il est trop petit et trop éclaté, mais nous allons quand même nous enquérir de la situation", promet un haut cadre de la fédération. Un marché donc de plusieurs milliards de dirhams qui échappe aux producteurs locaux, tout en restant dépendant des cours internationaux.

Le pays s'approvisionne essentiellement en Chine, premier producteur mondial (80% du marché international), en Egypte, en Espagne (1er producteur et exportateur européen avec près de 70% de la production) et en France. Avec la sécheresse en Europe, les cours de l’ail sur les marchés de gros français ont augmenté de 40% durant la saison 2022-2023, comme le rapporte la note de veille du Réseau des nouvelles des marchés, dépendant du ministère de l’Agriculture et de l'alimentation français.

L'Espagne, premier producteur européen avec plus de 100.000 tonnes par an, et dont plus de 70% de la production est destinée à l’export, a vu le rendement de ses premières régions productrices, l’Andalousie et la Castille, baisser de près de 40% du fait de la réduction des zones cultivées, liée à la sécheresse.

Les prix, eux, sont globalement resté stables, tournant autour de 3,3 €/kg toujours selon la même source, en raison de l’atonie de la demande et du maintien du leadership chinois, dont la production exportée vers l’Europe couvre près de 75% des importations extra-communautaires.

La baisse inéluctable des superficies

Pour Mouha, "le Maroc, qui importe la plus grosse part de ses besoins, est donc structurellement dépendant des importations. Il est vrai qu’au niveau international, la hausse des cours est en moyenne de 15% à cause de l’inflation, mais une hausse importante aussi subite n’a pas de sens".

Celle-ci est, selon lui, imputable aux intermédiaires et importateurs qui contrôlent de fait le marché et les prix, et ce, vis-à-vis des producteurs locaux comme des consommateurs finaux. "Il y a quelques années, il nous arrivait de vendre aux intermédiaires l’ail frais à 3 ou 4 DH/kg. Aujourd’hui, avec une meilleure structuration, on arrive à des prix de 11 à 15 DH/kg, ce qui est un minimum si on veut replanter l’année suivante".

En raison des niveaux de prix, des sécheresses successives qu’a connues le Maroc ces cinq dernières années, de la difficulté liée à la culture de l’ail (longue période de culture en plein air et suivi minutieux des niveaux d’hydrométrie en plus de la grande consommation en termes de sels minéraux), et de l'apparition d'une infection virale inconnue, les zones de cultures, et donc la production, ont sensiblement baissé. Ainsi, dans la région de Taliouine par exemple, les surfaces cultivées sont passées de 500 hectares à 200 hectares cette année.

Par ailleurs, lors de cette période de l’année qui coïncide avec les périodes de plantation, une partie des bulbes sont gardés par les agriculteurs pour les utiliser comme semences, contribuant à l’assèchement de l’offre.

Toutefois, selon, Abdelfettah Mzaouri, représentant des marchands de fruits et légumes du marché de gros de Casablanca, et membre de l’association des commerçant de gros, la tendance à la hausse des prix date de 2016. "On est passés d’un prix moyen de 20 DH/kg, à plus de 50 DH ces dernières années. Maintenant, on atteint les 70 à 80 DH, car la plus grande partie de l’offre est issue de l’importation. Les importateurs peuvent fixer n’importe quel prix face à la baisse de l’offre nationale".

Pour lui, cette baisse de l’offre est en lien avec la faiblesse des rendements économiques de la culture de l’ail, les complications de son stockage (dessèchement), le caractère saisonnier de sa culture (très forte offre en été, et sa faiblesse au moment des pics de consommation en hiver), et aussi le changement des habitudes de consommation. "Avant, on achetait de l’ail en été et on le conservait à travers la salaison ou d’autre techniques, ce qui maintenait un niveau de consommation et de revenus acceptable pour les agriculteurs. Or, avec la disponibilité des produits importés à n'importe quelle période de l’année, les Marocains ont abandonné ces habitudes. Cela crée de grandes pertes au moment des récoltes pour les producteurs locaux qui peuvent vendre à perte, et qui ont peu à peu opté pour de nouvelles cultures, plus rémunératrices, notamment au nord du Maroc".

Une hausse durable

Ainsi, en l’absence d’un intérêt pour cette filière, la production nationale tendra inéluctablement vers la baisse, même si les prix élevés du marché, d’une année à l’autre, peuvent encourager certains agriculteurs à maintenir une production, comme c’est le cas dans la région de Taliouine.

"Nous encourageons les agriculteurs à maintenir leur production et à ne pas louer leurs terrains pour d’autres cultures. Toutefois, concernant le consommateur, même si nous espérons une baisse, mais les niveaux de prix aujourd’hui atteints sont un tournant, et même s’il y a une baisse, elle ne sera pas très importante. Il faut s’attendre à un prix de l’ail qui tourne autour de 60DH/kg".

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