Politique monétaire, banques, flexibilité des changes : Jouahri répond à Médias24

En marge des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, Médias24 s’est entretenu avec le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri. Voici l’échange.

Ph. Médias24

Politique monétaire, banques, flexibilité des changes : Jouahri répond à Médias24

Le 11 octobre 2023 à 20h04

Modifié 12 octobre 2023 à 19h01

En marge des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, Médias24 s’est entretenu avec le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri. Voici l’échange.

Très sollicité, Abdellatif Jouahri est difficile à approcher pendant ces Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI. L’homme est connu dans le monde, sa compagnie est recherchée, il préside le comité scientifique de l’événement et est impliqué dans de multiples échanges officiels et officieux. Ce mercredi 11 octobre 2023, il reçoit Médias24 dans son bureau sur le site de Bab Ighli. Quatorze minutes d’échanges, pas une de plus. Très intéressant.

Médias24 : Monsieur le wali, nous commençons par une question relative à la politique monétaire. Dans quelle mesure Bank Al-Maghrib va-t-elle garder une stabilité ou revenir à une petite baisse du taux directeur ?

Abdellatif Jouahri : Ces questions sont traitées par le Conseil lui-même. Et nous, en tant que Banque centrale, préparons tous les éléments à l’intention du Conseil, bien évidemment avec un rapport en bonne et due forme une semaine à l’avance à chacun des membres du Conseil. Et nous discutons. Chacun apporte son appréciation, son analyse, et on prend la décision.

Les éléments d’incertitude, aussi bien sur le plan extérieur qu’intérieur, nous empêchent d’avoir une vision pour dire à l’avance quelle trajectoire nous allons prendre. Nous le disons d’ailleurs dans nos communiqués. La Banque suivra les analyses et sera amenée, réunion après réunion, à actualiser ces données et à prendre la décision qu’il faut. Ce que je dois dire, jamais, au grand jamais, depuis vingt ans, aucune décision de politique monétaire n’a été prise sans l’unanimité. Ce n’est pas parce que je le veux, mais parce que les analyses convergent vers la décision qui a été prise.

En juin et septembre, nous avons marqué une pause. La première, nous l’avons expliquée par le fait que nous avons doublé le taux et que nous allons attendre de voir, avec les mesures prises par le gouvernement également, l’impact sur l’économie réelle. Pour septembre, il y a eu malheureusement le séisme qui nous a amenés à temporiser encore plus, mais avec un indicateur que nous regardons de près qui est l’évolution de l’inflation.

Selon les projections, le niveau de l’inflation sera en moyenne à 6% pour 2023, mais à 2,6% en 2024 ; c’est-à-dire que nous rejoignons de près le ciblage de la Banque centrale. Entre ces deux facteurs, nous avons décidé de prolonger cette période de pause. Nous nous sommes dits : "attendons de voir en décembre ce que nous révèleront les données par rapport aux conséquences du séisme, mais aussi la loi de finances pour 2024 puis la conjoncture internationale".

- Concernant le secteur bancaire, il semble qu’une partie des actifs du portefeuille se dégrade. On nous dit que la Banque centrale soumet (toujours) les banques à un accord préalable, en cas de distribution de dividendes. Confirmez-vous et jusqu’à quand ?

- On traîne les conséquences du Covid où il y a eu toutes les mesures prises par le gouvernement, dont les crédits Damane Oxygène et Relance. Ces derniers commencent à arriver à échéance et nous regardons ce qui tombe. Il y a eu une détérioration des actifs du système bancaire. Maintenant, sur les créances en souffrance, nous sommes à 8,8%. Et les agences de notation commencent à nous dire "attention".

Nous disons aux banques : il faut provisionner. C’est dans le cadre de l’observation des règles prudentielles et avec les stress tests que nous demandons aux banques de nous soumettre semestriellement, que nous leur avons dit de ne pas distribuer de dividendes sans l’accord préalable de la Banque centrale.

Nous l’avons fait pour 2021 et 2022. Donc, nous verrons comment les choses vont se présenter pour 2023. Nous ne sommes pas encore au niveau des résultats pour l’année 2023, ni à la période de l’examen du portefeuille des banques. C’est vers octobre-novembre que les portefeuilles sont examinés pour les déclassements et les provisions. Les banques en sont conscientes. Tout cela a pour objectif de garder le secteur bancaire résilient et confiant. L’orientation reste la même, nous voulons que le secteur reste résilient et qu’il puisse continuer à assurer son rôle de financement et de partenariat extérieur sans difficultés pour le pays.

- Différents experts connaissant bien les trajectoires du développement économique nous assurent qu’aucun pays n’a décollé, émergé, sans une forte flexibilisation de son taux de changes ? Qu’en pensez-vous ? Un élargissement des bandes de fluctuation est-il pour bientôt ? Pour quand ?

- Le régime de changes fixe nous a beaucoup protégés pendant toutes les périodes de crise que nous avons traversées ; cela a été reconnu par le FMI lui-même. Donc, on ne peut pas venir dire que tel régime est meilleur qu’un autre. C’est faux ; cela cela dépend de plusieurs données et la conjoncture évolue.

Nous avons de nous-mêmes souscrit à flexibiliser, contrairement à beaucoup de pays qui l’ont fait dans le cadre d’une crise de change. Ils sont passés du fixe directement au flottement. Ils ont dû utiliser une partie de leurs réserves de changes pour soutenir la valeur de leur monnaie. Les marchés ont été plus forts et puis ils ont abandonné.

Le Maroc le fait de manière volontaire. Nous le faisons avec des prérequis que le gouvernement connaît : 1- une soutenabilité budgétaire à moyen terme ; 2- un système bancaire fort et résilient ; 3- un niveau de réserves de changes structurellement positif qui puisse donner l’apaisement le plus total sur le moyen terme.

Nous avons ces prérequis. C’est pour cela que le FMI nous dit qu’il faut y aller. On a résisté. On a dit que nous sentions que les opérateurs économiques n’étaient pas prêts. Nous avons un tissu de TPME qui n’est pas prêt. Nous avons mené depuis pratiquement deux ans toute une mission de sensibilisation et d’information pour leur montrer les instruments de couverture mis en place et la façon dont ils peuvent être impactés. C’est une autre paire de manche.

Nous l’avons expliqué au FMI et leur avons dit qu’ils ne peuvent pas connaître mieux que nous le tissu économique marocain. Donc, même s’il y a les prérequis, la décision nous revient, mais il y a ceux qui vont la supporter. Est-ce que ceux qui vont la supporter seront-ils au même diapason que nous ? Et notre argument a porté. Lors des dernières négociations au titre de l’article IV, ils n’ont pas repris ce sujet. Par conséquent, tant qu’il y a de l’incertitude, cette poussée d’inflation, nous prenons le temps de bien réfléchir avant d’y aller.

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