Séisme. Flou autour de l'intervention du Fonds contre les événements catastrophiques

Le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC) opérationnel depuis 2020 n’a pas été cité comme source de financements potentielle pour l’opération de reconstruction des zones sinistrées par le séisme d’Al Haouz. Le fonds est lui-même en phase de construction et ne détient pas une dotation suffisante pour faire face à l’ampleur de la catastrophe.

Séisme. Flou autour de l'intervention du Fonds contre les événements catastrophiques

Le 1 octobre 2023 à 18h14

Modifié 2 octobre 2023 à 11h42

Le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC) opérationnel depuis 2020 n’a pas été cité comme source de financements potentielle pour l’opération de reconstruction des zones sinistrées par le séisme d’Al Haouz. Le fonds est lui-même en phase de construction et ne détient pas une dotation suffisante pour faire face à l’ampleur de la catastrophe.

Après l’annonce des 120 milliards de dirhams en faveur des régions sinistrées, le plus grand absent du dispositif public annoncé à ce stade est le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC). Pourtant, en théorie, il est le premier mécanisme qui doit entrer en action tant son objet cadre avec la situation actuelle.

Or, aucune mention de ce fonds n’a été faite pour parler des sources de financement du montant annoncé pour la reconstruction des zones sinistrées ou l'indemnisation des victimes. Un silence qui laisse perplexe, au vu de la grande mobilisation nationale en faveur des zones sinistrées.

L’Etat n’a pas encore versé sa dotation

Il est vrai que le FSEC est un mécanisme nouveau. Entré en activité le 1er janvier 2020, il est arrivé l’année de la pandémie du Covid19. Le Fonds n'a jamais été sollicité sur sa principale vocation : indemniser les victimes non assurées contre les risques de catastrophes (naturelles ou générées par l'homme).

Si les mécanismes de son activation sont fixés par la loi, ainsi que les méthodologies de calcul des montants à déboursers, leurs plafonds et leurs plancher, ainsi que les personnes concernées, on ne sait rien sur ses capacités financières, ni sur le déblocage ou non de sa dotation de démarrage par l’Etat. Celle-ci a été fixée par Mohamed Benchaâboun, alors ministre des Finances, lors du lancement du fonds à 800 millions de dirhams à débourser par le budget de l’Etat.

Par ailleurs, à la faveur d’une très forte implication de la Banque Mondiale dans la mise en place de ce mécanisme assurantiel national, le Maroc a pu bénéficier d’un soutien financier et technique de l’institution de Bretton Woods ainsi que d’un crédit sous forme d’"une ligne de précaution de 275 millions de dollars qui peut être utilisée en cas de survenance d’un événement catastrophique". Ce prêt avec "option de tirage différé" devait ainsi venir compléter la dotation étatique, précisait alors le ministre.

Pour le moment, les seuls éléments publics disponibles sont à retrouver dans le dernier rapport sur le secteur des assurances, publié en mars 2023 par l'Autorité de contrôle des assurances et de prévoyance sociale (ACAPS). Le rapport évalue les produits d'exploitation du fonds à 235,8 millions de DH en 2021, en hausse de 16,9% comparé à 2020. Les charges d’exploitation se sont établies, elles, à 235,9 MDH, en hausse de 19,2% par rapport à 2020.

Mur de silence

Fait intéressant, le document de l'ACAPS cantonne les produits d'exploitation aux recettes alimentées "mensuellement par la taxe parafiscale dénommée la Taxe de solidarité contre les événements catastrophiques". Or, il ne s'agit théoriquement que d'une ressource parmi d'autres citées par la loi instituant le FSEC, qui est censé également bénéficier d'une "dotation initiale de l'Etat fixée par une loi de finances".

En creusant plus, nous n’avons pas pu obtenir le montant actualisé de la provision du fonds, ni de la part de la direction du Trésor, dépendant du ministère des finances, injoignable, ni de la part de l’institution elle-même. Pour sa part, l'ACAPS nous a indiqué que le Fonds n'entre pas dans son scope de supervision.

Nous avons par ailleurs contacté divers intervenants du secteur, touchant au fonds de près, pour en savoir plus. C’est le même mur de silence que nous avons rencontré. Personne n'est en mesure de nous répondre sur la situation financière du fonds ni sur le rôle qu'il va jouer dans le cadre de la gestion du séisme.

Toutefois, ce que nous pouvons d’ores et déjà affirmer, est que le montant de la dotation initiale publique du fonds de 800 millions de dirhams n’a pas été débloqué par l’Etat. En effet, il n’y a aucune budgétisation au niveau des lois de finances de 2020 à 2023 qui font référence au fonds.

Selon une source sûre, bien que l’engagement de l’Etat soit légal, c’est-à-dire qu’il figure noir sur blanc dans la loi 110-14, instituant un régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques, rien dans cette même loi ne donne un délai à l’Etat pour les inscrire dans la loi des finances.

Nous avons aussi eu confirmation que les charges d'exploitation sont destinées en partie à la souscription de réassurances. Le reste des produits, constitués de 1% au titre d’une taxe parafiscale appliquée à toutes les primes relatives à tous les contrats d’assurances en dehors des Assurances Vie et des assurances sur les Accidents de Travail, est reversé à une provision de stabilité du fonds.

20 réassureurs internationaux impliqués

Des arrêtés régissant le fonctionnement du FSEC l'obligent à avoir un résultat d’exploitation nul et que l’ensemble des bénéfices soit accumulés pour faire face à des sinistres futurs. Ainsi selon nos calculs, en 2022, des produits de l’ordre de 259 millions de dirhams, en hausse de 10,5% par rapport à 2021, ont alimenté le fonds.

Selon une source sûre, le FSEC a souscrit à une vingtaine de réassureurs internationaux. Ceci a été permis en contractant une assurance auprès d’un pool de 3 assureurs nationaux, avec pour chef de file, un assureur international installé au Maroc. Ce recours à des assurances nationales pour négocier les réassurances est en lien avec le fait que le FSEC ne dispose pas d’un agrément d’assurance.

Il est obligé de recourir à un contrat de ‘fronting’ pour pouvoir se réassurer. Parmi les réassureurs contractés, il y a SuissRe ; Hanover Re ; Liberty Syndicat, Axa XL ; etc. Le montant qui devrait être touché par le fonds au titre de cette réassurance est compris entre 250 à 300 millions de dollars, selon nos sources. Ce montant devrait être le plus important jamais touché pour un sinistre au Maroc. Il dépasse ainsi celui touché aux termes de la réassurance de l’incendie de la raffinerie Samir en 2003-2004 estimé à l’époque à plus de 100 millions de dollars. Selon un calcul sommaire, les montants disponibles au FSEC sont estimés à 3,5 ou 4 milliards de dirhams.

Le montant reste tout de même faible, face au sinistre et dont le plan d'urgence relatif à la reconstruction est estimé à 22 milliards de dirhams. Cette faiblesse du montant de la réassurance attendue est en lien, selon des sources expertes consultées, à la faiblesse probable des montants des primes souscrites, elle-même due, à la faible dotation du fonds, et de l’explosion des montants des primes de réassurance au niveau international, en lien avec la montée des risques climatiques.

Sur le plan opérationnel, nos sources nous expliquent que si le FSEC devait entrer en activité, il s'appuiera sur la Caisse Nationale de Retraites et d'Assurances (CNRA) pour la gestion des demandes de remboursement. Le FSEC et la filiale de la CDG sont liés par une convention.

La CNRA, est en effet dotée de plus de moyens logistiques et humains pour faire face à la montée en charge des besoins en termes d’évaluation et de demande de remboursement des sinistres liés aux catastrophes naturelle. La CNRA gère, déjà, une vingtaine d’établissements accordant des rentes, des retraites complémentaires ou de la prévoyance que ce soit dans son périmètre institutionnel ou pour des tiers.

L’opération de recensement des victimes est, elle, dévolue à la Direction de gestion des risques naturels (DGRN) du ministère de l’Intérieur qui doit tenir un registre de recensement des victimes.

Mécanismes de remboursement établis

Aujourd’hui, alors que tout le mécanisme a une assise juridique fixée par l’ensemble des textes adoptés en 2019 en plus d’une assise opérationnelle à travers le CNRA et la DGRN, tout monde se pose la question sur les raisons pour lesquels ce fonds est mis à l'écart, du moins, dans le discours des officiels et leur déclaration.

D'aucuns expliquent cela par le fait que l'état de catastrophe naturelle n'a toujours pas été enclenché par le Chef du gouvernement. Car, selon la réglementation; le FSEC ne peut entrer en action qu'après déclaration, à travers un arrêté du Chef de Gouvernement, de l'état de catastrophe naturelle suite à l’avis de la commission de suivi des événements catastrophiques.

Selon des sources sûres, la décision a été prise. Et ce n'est qu'une question de temps, quelques jours, pour que l'arrêté soit signé.

Une fois cela fait, est-ce que le FSEC sera capable de faire face? Et comme on l’a vu plus haut, ses dotations sont minimes par rapport au montant du sinistre, y compris avec les réassurances souscrites.

Au bas mot, selon la formule de calcul adoptée par la loi, le montant de l'indemnité pour la réhabilitation des locaux de la résidence principale, peut atteindre les 10 milliards de dirhams si on prend une hypothèse de 50.000 logements et un montant moyen de 200.000 DH. A noter que le montant de l’indemnité calculé selon la formule peut être réduit en appliquant un taux de réduction fixé par le Ministère chargé des Finances en tenant compte de la capacité financière du Fonds de Solidarité.

À cela, il faudra ajouter, comme le prévoit la loi, l’indemnisation des victimes au titre de la privation de jouissance du logement principal (estimée à 3 fois la valeur locative d’un bien) ; l’indemnisation dûe à l’incapacité physique permanente et l'indemnisation des ayants droit pour perte de ressources.

La seconde question est l’étendue de l’intervention. La loi prévoit en effet la détermination « des zones sinistrées ». Dans le cas du séisme, les zones touchées sont étalées et ont atteint  jusqu’à Casablanca à plus de 300 km de l’épicentre.

Si l'on se réfère aux communications officielles, les zones sinistrées considérées pour l'heure sont 6 provinces ; Marrakech, Al Haouz, Taroudant, Chichaoua, Azilal et Ouarzazate.

En tous les cas, ce sont les zones qui bénéficieront du programme des 120 MMDH. Seront-elles les mêmes prises en compte pour le FSEC s'il est appelé à intervenir ?

Selon la réglementation, un travail de cartographie précis de la Direction de gestion des risques naturels avec l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie est un préalable pour ce zonage, lui-même un élément fondamental pour le travail de la commission d’évaluation, que pour l’Arrêté du Chef de Gouvernement.

Interviendra ou n'interviendra pas ? Pour l'heure, le FSEC est en dehors des radars des mécanismes actionnés annoncés officiellement. Le gouvernement veut-il le laisser comme un plan de secours ? Il est vrai que l'Etat a le choix, même on peut dire l'embarras du choix, tant il dispose d'une panoplie de sources de financement possibles allant du budget général au fonds 126 dont le montant collecté dépasse les 10 MMDH en passant par les lignes de financement internationaux, ou alors la LCM voire la dernière ligne accordée au titre des changements climatiques par le FMI.

Quoi qu'il en soit, une communication transparente sur le FSEC et son rôle est plus que nécessaire.

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