Les nappes profondes au Maroc, des ressources hydriques précieuses mais coûteuses et non renouvelables

CARTE. Le Maroc comprend 32 nappes d'eau profondes, dont certaines se sont constituées au cours de millénaires, d'où l'appellation dans certains cas, d'eau fossile.

Les nappes profondes au Maroc, des ressources hydriques précieuses mais coûteuses et non renouvelables

Le 21 août 2023 à 15h55

Modifié 27 août 2023 à 19h39

CARTE. Le Maroc comprend 32 nappes d'eau profondes, dont certaines se sont constituées au cours de millénaires, d'où l'appellation dans certains cas, d'eau fossile.

On l’appelle 'eau fossile' ou encore 'l’or bleu' du désert. Il s’agit d’eau douce contenue dans les nappes profondes désertiques, à l'image de celle du Sahara marocain, l'une des 32 nappes profondes du Royaume.

L’analogie avec l’or tient à la rareté de l'eau et à sa grande valeur dans les régions désertiques. On la qualifie parfois de fossile parce qu'elle est profondément enfouie, entre 200 et 1.000 mètres de profondeur, pour son niveau le plus proche de la surface et s'est constituée par des accumulations qui ont duré des millénaires.  

D’après la Direction de la recherche et de la planification de l’eau (DRPE), relevant du ministère de l’Equipement et de l’eau, les eaux souterraines renouvelables sont évaluées à 4 milliards de mètres cubes en année moyenne, avant la sécheresse qui semble s'installer. 4 milliards donc de potentiel annuel moyen renouvelable (de rechargement des nappes), tandis que les prélèvements ont atteint 5,1 milliards de mètres cubes par an. Les réserves souterraines sont contenues dans 130 nappes inventoriées : 

- 98 nappes superficielles ; 

- 32 nappes profondes.

Les nappes profondes sont un type de nappes captives, dont le réservoir a la particularité d’être inséré entre un toit et un mur imperméable. Ces nappes captives se déclinent sous la forme de :

- nappe artésienne, dont le niveau piézométrique est plus haut que la surface du sol ;

- nappe fossile ou non renouvelable, dont la profondeur dépasse les 1.000 mètres ;

Ces nappes profondes, qu’elles soient fossiles ou pas, sont situées en majorité dans le sud du pays. La nappe fossile la plus emblématique est localisée dans le Sahara marocain. "C’est une nappe thermale dont l’eau est à une température élevée, car le gradient thermique est de trois degrés supplémentaires tous les cent mètres. Donc si la ressource est extraite à 1.000 mètres de profondeur, la température de l’eau sera supérieure de 30 degrés à la température ambiante", indique à Médias24 le Pr Lhoussaine Bouchaou, expert en gestion des ressources hydriques, qui officie à l’Université des sciences Ibn Zohr à Agadir.

Contrairement aux nappes artésiennes, les nappes fossiles ne peuvent être aisément alimentées par des eaux de surface. Preuve en est, les ressources qu’elles contiennent datent de plusieurs milliers d’années, "à des époques situées à 5.000 ou 10.000 ans", précise l’expert.

En ces temps anciens, le Sahara était vert et recouvert de lacs de grande dimension, sous un climat favorable qui a permis l’accumulation d’immenses réserves d’eaux dites fossiles. Ainsi, à l’image du grand bassin sédimentaire régional s'étendant entre la Libye, l'Egypte, le Soudan et le Tchad, connu sous le nom de l'aquifère des Grès de Nubie, la nappe fossile du Sahara marocain a, elle aussi, bénéficié d'une recharge importante au cours de la période verdoyante du Sahara.

Deux nappes profondes exploitées

Actuellement, deux nappes profondes sont exploitées. Ainsi, l’immense nappe profonde fossile qui se situe dans le Sahara marocain est productive et alimente plusieurs villes dont Laâyoune, Dakhla et Tarfaya. 

Dans le bassin du Sebou, la nappe de Saïss est également exploitée pour l’eau potable. Mais la baisse de son niveau piézométrique a imposé une diminution de l’exploitation de ses ressources. En effet, un basculement vers les eaux de surface pour l’alimentation en eau potable a été opéré, afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable des villes de Fès et Meknès et économiser 70 Mm3/an des eaux mobilisé de la nappe profonde. 

Une exploitation qui n'est pas sans risque 

En temps de crise hydrique, l’exploitation des ressources en eau des nappes profondes s’avère salvatrice. Cependant, c’est un procédé coûteux qui n’est pas à la portée de tous. Les expériences libyennes et jordaniennes ont de quoi calmer les ardeurs des plus optimistes. 

Selon un article de La Stampa, repris par Courrier International, la grande rivière artificielle libyenne a nécessité un budget de 22 milliards d’euros. Le coût de revient de la station jordanienne d’exploitation de nappes profondes, beaucoup moins élevé, est estimé à 1,1 milliard d’euros pour un pompage annuel de 100 millions de m3 par an. 

"Quand la nappe profonde est artésienne, il faut moins d'énergie pour exploiter la ressource, contrairement aux nappes fossiles qui nécessitent un forage plus profond et donc plus d’énergie", indique l’expert en gestion des ressources hydriques. 

Au-delà de l’aspect financier, l’exploitation des nappes profondes risque de favoriser l’intrusion marine, car "nous allons dénoyer et faire baisser le niveau de ces nappes profondes. Et s'il n'y a pas de recharge, ce sera rapidement problématique", prévient le Pr Lhoussaine Bouchaou. 

En plus, si l’on crée des dépressions, l'aquifère perd sa stabilité et favorise l’intrusion marine dans les nappes côtières, parce qu'à un moment donné, le niveau de l’eau marine va se trouver à un niveau supérieur à celui de l’eau de la nappe", poursuit-il. 

Cet inconvénient est accentué par le fait qu’il y ait "moins de neige dans le Moyen Atlas, qui constitue la source de recharge des nappes profondes. Moins de précipitations également et plus de pompage", souligne le Pr Lhoussaine Bouchaou. 

Bref, cette technique n’est pas une solution durable. Elle est trop coûteuse pour une réserve qui est loin d’être inépuisable. Néanmoins, les nappes profondes peuvent constituer une aide momentanée en cas de stress hydrique sévère. 

"C'est la raison pour laquelle le Maroc a défini les eaux souterraines comme une ressource stratégique, censée être exploitée en cas de stress hydrique dans des régions où il est impossible d’utiliser l’eau dessalée par exemple", conclut notre interlocuteur. 

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