Féminicides : pourquoi une reconnaissance sociale s'impose

FÉMINICIDES (1/2). Au jeudi 10 août 2023, la plateforme @feminicides.maroc recensait 29 féminicides depuis le début de l’année. Si le terme n’a toujours pas d’existence juridique au Maroc, il s’impose de plus en plus dans le débat public grâce à des actions militantes dont le but est de lever le voile sur une réalité complexe, très peu médiatisée et conscientisée.

Féminicides : pourquoi une reconnaissance sociale s'impose

Le 16 août 2023 à 18h59

Modifié 18 août 2023 à 8h26

FÉMINICIDES (1/2). Au jeudi 10 août 2023, la plateforme @feminicides.maroc recensait 29 féminicides depuis le début de l’année. Si le terme n’a toujours pas d’existence juridique au Maroc, il s’impose de plus en plus dans le débat public grâce à des actions militantes dont le but est de lever le voile sur une réalité complexe, très peu médiatisée et conscientisée.

"Le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme”, voilà comment est défini le féminicide. Il s'agit de la forme la plus extrême des violences à l’égard des femmes, et "se distingue des homicides masculins par des particularités propres. Par exemple, la plupart des cas de féminicide sont commis par des partenaires ou des ex-partenaires, et sous-entendent des violences continuelles à la maison, des menaces ou des actes d’intimidation, des violences sexuelles ou des situations où les femmes ont moins de pouvoir ou moins de ressources que leur partenaire”, détaille l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Définir le féminicide, c’est avant tout le différencier de l’homicide et montrer qu’il ne s’agit pas simplement d’un meurtre ou d’un assassinat ordinaire à l’encontre d’une femme, mais de l’aboutissement ultime des violences de genre systémiques.

Au Maroc, le terme se démocratise de plus en plus dans l'imaginaire commun grâce à des actions militantes qui investissent l'espace numérique pour éveiller les consciences collectives sur l'importance de reconnaitre socialement ce fait social méconnu et invisibilisé.

On ne tue pas par amour

Les féminicides ont longtemps été romancés par un traitement médiatique qui édulcore les faits et crée, dans certains cas, de l’empathie envers le meurtrier qui s'en trouve dédouané. Le caractère sensationnel des faits est souvent exploité et l’ampleur de l’acte meurtrier banalisé, contribuant notamment au renforcement des attitudes patriarcales et des comportements de domination à l'égard des femmes.

"Drame familial", "dispute conjugale", "crime d’honneur" ou encore "drame passionnel", le féminicide est souvent renvoyé à la sphère privée ; et ses circonstances sont atténuées par une trame narrative qui reconstitue les faits sous le prisme de l’amour, de la passion ou des dérives causées par des substances illicites, remarque-t-on lorsqu'on épluche la presse nationale.

"Romantiser ces crimes à travers l’utilisation d’un vocabulaire amoureux est dangereux, car cela normalise l’idée qu’aimer peut mener au meurtre. L’amour ne tue jamais. C’est tout simplement un crime de propriétaire : l’homme considère sa femme comme un objet qui lui appartient et sur lequel il a un droit de vie et de mort. C’est souvent lorsque sa femme ne lui obéit plus, qu’elle tente de se libérer de son emprise, d’exister en tant que sujet, que l’homme passe à l’acte ", nous explique Camélia Echchihab, journaliste féministe, fondatrice de la plateforme @feminicides.maroc qui recense les cas de féminicides depuis novembre 2022.

Nommer pour mieux appréhender

La méconnaissance du féminicide, et des violences de genre en général, donne lieu à plusieurs croyances invalidantes et idées reçues. Entre autres, le fait que celles-ci soient un problème de classe, propre aux individus précarisés, alors qu’il s’agit d’un problème social lié à la domination masculine.

Nommer le féminicide pour ce qu’il est, et le différencier des homicides, permet ainsi d’orienter notre façon de voir les choses et de développer un contre-discours qui s’oppose à la banalisation et l’invisibilisation des meurtres de femmes.

Par ailleurs, comprendre le mécanisme des violences de genre et la particularité du féminicide, qui arrive en bout de chaîne des violences, c’est également se donner les moyens de le combattre. C’est pour cela que la définition et la reconnaissance sociale du féminicide est un préalable indiscutable, nous explique-t-on.

Il s'agit en effet de faire en sorte que l'utilisation et la compréhension de ce terme dépassent le cercle des militantes féministes et soient généralisées dans la société. La reconnaissance sociale passe également par la formation des professionnels de la justice, l’adoption par les autorités d’une approche proactive pour lutter contre les violences faites aux femmes et la prise en charge des victimes.

Prévenir les violences à l’égard des femmes

La reconnaissance sociale des violences de genre est nécessaire pour les militantes féministes. Elle prend la forme d’une prise de conscience collective de l’existence des violences faites aux femmes, de leur fondement patriarcal, ainsi que de leur dangerosité dans le sens où elles peuvent conduire au féminicide.

Au Maroc, les militantes féministes s’accordent sur la valeur symbolique de la reconnaissance légale du féminicide, mais n’en font pas une revendication prioritaire. "La reconnaissance légale du féminicide n’est pas une priorité, c’est même irréaliste", explique Camélia Echchihab,

"Le plus important, c'est de protéger les femmes en renforçant les lois qui pénalisent les violences faites aux femmes. Il s’agit notamment de mettre en place des dispositifs pour mieux les protéger et anticiper les féminicides : les centres d'hébergement d'urgence pour les femmes victimes de violences, l'éloignement des maris violents, et le droit à des bourses d'urgence pour quitter le foyer, entre autres", poursuit-elle.

"Il faut également faciliter le recours à la plainte, et former les policiers à recueillir les plaintes avec précaution et à ne surtout pas renvoyer les femmes chez un mari violent. Il s'agit aussi de lancer des campagnes de sensibilisation dans tout le pays pour que les gens comprennent qu’il est inacceptable de frapper une femme, encore moins de la tuer."

Le féminicide étant l'aboutissement ultime des violences de genre, il faut donc agir en amont et assurer une prévention des violences à l’égard des femmes. Toutefois, le constat des militantes féministes est contrariant : les politiques publiques en matière de protection des femmes sont défaillantes, et le traitement pénal ne prévoit pas une prise en charge adéquate de cette problématique. Cela conduit à une victimisation secondaire et explique par ailleurs un recensement des cas de féminicides en constante augmentation.

C’est pourquoi Camélia Echchihab conclut sur la nécessité de reconnaître socialement les féminicides et de mener une grande étude sur le sujet pour évaluer leur ampleur réelle au Maroc.

Féminicides : la difficile reconnaissance juridique

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