Phytothérapie. Mal utilisées, les plantes peuvent être toxiques, conseils d'expert

Le chardon à glu, ou encore “aqddad”, est une plante conseillée par les herboristes aux diabétiques. Toutefois, consommée de manière inappropriée, elle peut provoquer de sérieux problèmes de santé, en attaquant le foie et les reins. C’est le cas de plusieurs autres plantes utilisées au Maroc en médecine traditionnelle, notamment pour traiter le cancer. Plusieurs critères doivent donc être pris en considération lors de l’utilisation de ces plantes, tels que la dose à ne pas dépasser ainsi que la partie de la plante à consommer.

Phytothérapie. Mal utilisées, les plantes peuvent être toxiques, conseils d'expert

Le 12 juillet 2023 à 11h27

Modifié 12 juillet 2023 à 15h34

Le chardon à glu, ou encore “aqddad”, est une plante conseillée par les herboristes aux diabétiques. Toutefois, consommée de manière inappropriée, elle peut provoquer de sérieux problèmes de santé, en attaquant le foie et les reins. C’est le cas de plusieurs autres plantes utilisées au Maroc en médecine traditionnelle, notamment pour traiter le cancer. Plusieurs critères doivent donc être pris en considération lors de l’utilisation de ces plantes, tels que la dose à ne pas dépasser ainsi que la partie de la plante à consommer.

Henné, noix de muscade, addad ou encore chih sont toutes des plantes utilisées fréquemment par les Marocains, qui peuvent être bénéfiques ou toxiques. Tout dépend de leur usage, de la dose consommée, de la partie de la plante utilisée (racine ou fleur, tige ou feuilles), ou encore de l’état de santé du consommateur qui peut, dans certains cas, s’aggraver.

Le chardon à glu ou addad, qui peut être bénéfique pour les problèmes d’acné ou contre les pellicules et l'eczéma, peut cependant attaquer le foie et les reins chez les personnes diabétiques ou souffrant d'insuffisance rénale lorsqu’il est consommé à jeun. L'extrait de cette plante est aussi utilisé en milieu rural comme abortif, mais malheureusement, il peut aller au-delà de la fausse couche, et causer le décès de la mère également, lorsque la dose consommée est élevée.

Le henné noir peut pour sa part provoquer des brûlures, tandis que la noix de muscade, utilisée dans certains plats traditionnels marocains, peut provoquer des troubles de fonctionnement cérébral telles que les hallucination ou les vertiges, lorsqu’elle est consommée régulièrement et à fortes doses.

C’est ce qui ressort d’une récente étude réalisée par des chercheurs marocains de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université Mohammed V de Rabat et de la Faculté des sciences de Rabat, ainsi que par d’autres chercheurs étrangers.

"Une plante est bénéfique lorsqu’elle est utilisée de manière appropriée"

Intitulée "Revue toxicologique des plantes anticancéreuses utilisées en médecine traditionnelle au Maroc", cette étude porte sur la valeur thérapeutique potentielle de 13 plantes toxiques utilisées en médecine traditionnelle et dans la cuisine marocaine, qui ont démontré des activités anticancéreuses. Malgré leur toxicité, ces plantes ont une variété d'activités pharmacologiques et biologiques, en raison de leurs diverses compositions phyto-chimiques.

Lorsqu’elles sont utilisées de manière appropriée, ces plantes peuvent aider à réduire l’incidence du cancer et avoir des effets thérapeutiques pour diverses pathologies humaines. Toutefois, lorsque les doses sont dépassées, elles peuvent représenter un grand danger pour la santé de leurs consommateurs.

Contactée par nos soins, le Pr Hanane Benzeid, co-auteur de l'étude, nous explique qu’au Maroc, "nous avons une culture traditionnelle très riche, constituée de plantes médicinales à usage thérapeutique, et d’autres aromatiques, qui rendent nos plats délicieux".

"Nous disposons également de plantes qui sont à la fois aromatiques et médicinales, telles que le thym, utilisé pour calmer les douleurs menstruelles ou abdominales, mais aussi dans certains plats. Cependant, l’utilisation de cette plante peut parfois être néfaste pour une certaine catégorie de personnes, notamment les femmes enceintes en début de grossesse, chez lesquelles elle peut provoquer des fausses couches."

"Une plante est donc bénéfique, lorsqu’elle est utilisée à une dose conditionnée, par une personne bien conditionnée", souligne le Pr Benzeid.

13 plantes à multiples usages, mais dont l'efficacité n'est pas prouvée scientifiquement

L'étude s'interroge sur les effets thérapeutiques potentiels des molécules bioactives de ces 13 plantes, qui sont les plus utilisées dans le Royaume. Selon notre source, cette sélection a été établie sur la base d’un rapport du Centre antipoison et pharmacovigilance au Maroc, qui a réalisé un recensement de toutes les réclamations faites au niveau de tous les hôpitaux publics du pays, suite à leur consommation.

Il s’agit de l’A. Longa (barraztam), A. Herba-Alba (chih), C. Procera (pommier de Sodome), Cannabis Sativa (cannabis), Chenopodium ambrosioides (absinthe), Conium Maculatum (pruche), Lawsonia inermis (henné), Nerium oleander (defla ou laurier de rose), Nigelle sativa (sanouj), Marrubium Vulgare, Myristica fragrans (noix de muscade ou gouza), Peganum Harmala (harmel) et Taxus baccata.

L’A. Longa est supposée exercer une activité antitumorale par ses effets immuno-stimulateurs. Plusieurs recherches antérieures ont démontré que l’extrait aqueux de l’A. Longa, à une dose de 1,25 g/kg, ne produisait pas d’effets toxiques chez les souris. Cependant, à une dose de 2,5 g/kg, après six semaines de traitement par voie orale, il peut provoquer de l’anorexie, de l’asthénie et de la diarhée.

Connue sous le nom de barraztan, cette plante, dont la poudre est mélangée au miel et au beurre salé, est également fréquemment utilisée pour traiter les infections des voies respiratoires supérieures et les douleurs abdominales. Ses racines sont pour leur part couramment utilisées pour traiter les troubles digestifs, la constipation et les palpitations.

L’autre plante étudiée par ce groupe de chercheurs et qui est très consommée au Maroc est l'A. Herba-Alba, appelée communément chih. Elle est utilisée comme répulsif contre le venin et antidiabétique, outre ses usages contre le cancer. Le Calotropis Procera ou pommier de Sodome est pour sa part traditionnellement utilisé comme vermifuge, à faible dose.

A. Herba-Alba (chih). Crédit photo : atlas-sahara.org

Le Cannabis Sativa, appelé également chanvre, est, lui, utilisé à de multiples fins (médicinale, récréative, cosmétique, etc). Ses constituants psychoactifs se trouvent dans les fleurs, et dans une moindre mesure dans les feuilles, les tiges, et les graines. Le principal  composant psychoactif du cannabis, à savoir le tétrahydrocannabinol (THC), interagit avec le système endo-cannabinoïde de l'organisme, qui joue un rôle important dans la modulation de la fonction du système nerveux. La dose quotidienne maximale de THC que l'homme peut consommer est d'environ 1 mg par 24,5 g de cannabis. Cependant, l'ingestion accidentelle de cette plante, en particulier par les enfants, peut entraîner de graves troubles psychomoteurs, tels que l'ataxie, la somnolence et le coma. De plus, le cannabis vendu sur le marché illégal peut contenir des substances potentiellement toxiques.

Cannabis Sativa (Cannabis)

Source : Étude sur les aspects taxonomiques, botaniques et chimiques du Cannabis Sativa L. cultivé au Maroc, École normale supérieure, Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan 

Lawsonia Inermis ou henné est également utilisé pour le traitement du cancer. Compte tenu de son utilisation cosmétique répandue dans le monde entier au cours des derniers siècles, et du faible nombre de réactions allergiques rapportées, le henné est généralement considéré comme un agent faiblement sensibilisant. Des études ont montré qu'un extrait aqueux de racine de henné est légèrement toxique lorsqu'il est administré par voie orale, provoquant des symptômes de toxicité retardée, tels que la paralysie, l'effondrement total du corps, la faiblesse, la lenteur et la perte d'appétit.

"Le henné est une substance peu ou pas toxique, principalement lorsqu'elle est appliquée comme cataplasme sur la peau ou les cheveux. Toutefois, depuis une dizaine d’années, le henné naturel est mélangé avec des produits chimiques tels que l’hexane ou un mélange d’alcanes pour fixer la couleur plus vite et plus intensément, ou encore la paraphénylénediamine, substance chimique de synthèse qui permet d’obtenir une coloration noire et raccourcir le temps de séchage qui ne dure que quelques minutes à 2 heures. Le tatouage ainsi obtenu peut durer plus longtemps. C’est ce qu’on appelle couramment, mais de façon inappropriée, le 'henné noir' appliqué au public notamment aux touristes. Dans le cas de manifestation d’une allergie pour la paraphénylénediamine, un eczéma de contact au site du tatouage labile est révélée, nécessitant une corticothérapie locale forte ou très forte", nous explique notre interlocutrice.

Lawsonia Inermis (Henné)

Enfin, le Myristica Fragrans ou noix de muscade, est traditionnellement utilisé pour inhiber la croissance des cellules de la leucémie lymphoïde humaine. À grande dose, cette plante peut toutefois attaquer le système nerveux. 

Myristica Fragrans (Gouza)

L'étude permet ainsi de conclure qu'il est "essentiel de noter que les propriétés médicinales de ces plantes n'ont pas été étudiées en profondeur. Des recherches supplémentaires sont ainsi nécessaires pour confirmer l'efficacité de ces utilisations traditionnelles."

"La plante la plus toxique au Maroc peut être bénéfique pour la santé"

"Chaque plante à ses spécificités. La toxicité change d’une plante à une autre et repose sur son principe actif toxique, qui peut être réparti dans toute la plante ou dans une ou plusieurs de ses parties (la racine, les baies ou les feuilles, ndlr), mais aussi "sur la notion de dose. Certaines plantes utilisées à visée thérapeutique peuvent, à fortes doses, présenter une menace pour la santé de l’homme", rappelle le Pr Hanane Benzeid.

"C’est le cas du chardon à glu, utilisé pour abaisser le taux de glucose (glycémie) dans le sang. Cette plante a toutefois deux principes actifs qui sont toxiques, et qui attaquent le foie et les reins. Lorsqu’ils conseillent cette plante aux personnes diabétiques, les herboristes recommandent de l’extraire et de la consommer le matin à jeun, sauf que cela peut être très dangereux pour leur santé".

"Nous avons également effectué une enquête, dans le cadre de la thèse d’une doctorante, qui a démontré que cette plante est très utilisée en milieu rural par les filles ayant eu des relations hors mariage, pour avorter. Les herboristes leur conseillent de l’extraire, de cuire la poudre extraite et de la boire. Lorsque cette poudre est utilisée à des doses élevées, ces jeunes femmes peuvent également décéder d’un arrêt cardiaque."

"Cette plante cause de nombreux décès par an chez les diabétiques et les filles en milieu rural. La racine de cette plante ne doit pas être consommée, étant la partie la plus toxique. Sa fleur est en revanche très bénéfique, mais à usage superficiel. Elle est utilisée contre l'eczéma et l’acné notamment, mais aussi pour fortifier les cheveux et pour revivifier le cuir chevelu."

Atractylis gummifera (Addad)

Source : " Atractylis gummifera L. poisoning: a case report, article réalisé par Skalli S., Alaoui I., Pineau A., Zaid A. et Soulaymani R, et publié dans le Bulletin de la société de pathologie éxotique"

Ainsi, "pour faire face aux usages inappropriés des plantes de manière générale, et aux dangers qu'elles peuvent représenter, la sensibilisation des citoyens est nécessaire ainsi que des herboristes. Si ces derniers ne veulent pas adhérer, ils doivent faire face à des sanctions sévères", conclut notre source, en soulignant également que "le Maroc doit absolument financer des recherches sur les différentes plantes dont nous disposons pour les utiliser de manière appropriée", conclut le Pr Hanane Benzeid.

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