"Nous sommes engagés au Maroc et nous le demeurerons." C’est l’un des principaux messages sur lesquels insiste Laurent Sacchi, secrétaire général de Danone, lors d’un échange avec Médias24 en marge de sa visite au Maroc pour l’inauguration de la "Green Factory" de l’usine Centrale Danone de Meknès. Il met ainsi un terme aux rumeurs et bruits de couloir qui circulaient, parfois de façon insistante, sur un éventuel désengagement du géant laitier du Royaume.

Depuis le boycott subi en 2018, avec deux autres marques grand public, qui a mis à mal les finances de l’entreprise, suivi de la période Covid, puis de la sécheresse, l’entreprise a traversé une période difficile.

La rencontre qui s’est tenue le lundi 10 juillet dans un hôtel à Casablanca a été l’occasion pour Laurent Sacchi, accompagné de représentants de la filiale marocaine, dont le secrétaire général Rachid Khattate, de nous détailler la feuille de route de l’entreprise pour reconquérir ses parts de marché et reprendre sa place de leader incontesté.

Investissements, transition énergétique, amont laitier, innovation et qualité, post-boycott, poids du Maroc dans le groupe... Voici l'éclairage de Laurent Sacchi, secrétaire général de Danone.

Nous avons beaucoup d’actifs stratégiques et une histoire qui nous lie à ce pays pour songer à le quitter

Médias24 : On connaît la place de Centrale Danone au Maroc, mais on connaît peu la place qu’occupe le marché marocain pour le groupe Danone. Quel regard portez-vous sur votre présence dans le Royaume et comment jugez-vous son évolution ?

Laurent Sacchi : Pour Danone, le Maroc a une importance forte. Sur le plan historique, il représente la première franchise internationale de Danone en dehors de l’Europe. Nous avons une présence ici de plus de 70 ans. Nous en sommes à la quatrième génération de consommateurs marocains. C’est un lien unique qui nous lie aux familles marocaines.

En chiffres, le Maroc fait partie du top 20 des pays les plus importants de Danone dans le monde. Avec 4.700 collaboratrices et collaborateurs, les salariés de Danone au Maroc représentent 5% des effectifs du groupe. Nous avons quatre usines ici, à Meknès, Fkih Ben Salah, Salé et El Jadida, soit autant d’usines qu’en Espagne et en France. Nous travaillons au quotidien avec 50.000 éleveurs, dont la majorité sont des petits éleveurs, et nous desservons plus de 70.00 points de vente.

C’est l’un des rares pays où nous avons une empreinte socio-économique aussi forte : 4 usines, 24 plateformes et dépôts, des milliers de petits éleveurs-partenaires, une ferme-modèle Lait Plus et une logistique qui se déploie sur tout le territoire national. Ce sont des actifs stratégiques pour nous. Nous sommes engagés au Maroc et nous le demeurerons.

- Pour appuyer ce développement et renforcer votre présence, il a bien fallu un investissement important. Combien avez-vous investi jusqu’à présent ? Des chiffres à communiquer ? 

- Nous avons beaucoup investi durant les dernières années et nous continuons de le faire comme en témoigne l’inauguration de la "Green Factory" à Meknès dans le cadre de la convention d’investissement 2020-2024 avec le gouvernement, et dont le montant global est de 161 MDH. Cette inauguration rehaussée par la présence de Monsieur le ministre du Commerce et de l’industrie et des autorités locales de la région atteste clairement de notre volonté d’accompagner le développement de la filière laitière au Maroc, dans une optique de croissance durable et dans le cadre de la souveraineté alimentaire du pays.

Les équipes locales ont donc tiré les leçons qui s’imposaient et se sont attachées, durant ces cinq dernières années, à reconstruire patiemment les liens avec les différentes parties prenantes

Les enseignements de la période boycott

- Il y a quelques années, les consommateurs ont boycotté plusieurs marques dont Danone. Avec le recul, quelle lecture faites-vous de ce mouvement contestataire et quelles conclusions en tirez-vous ? 

- Un des aspects importants des crises, c’est qu’elles permettent avec le recul de tirer des enseignements. Et le principal enseignement, à mon avis, de ce qui s’est passé, c’est qu’à un moment donné, l’entreprise a perdu le lien avec ses parties prenantes, notamment les consommateurs.

Les équipes locales ont donc tiré les leçons qui s’imposaient et se sont attachées, durant ces cinq dernières années, à reconstruire patiemment les liens avec les différentes parties prenantes de l’entreprise : les consommateurs mais aussi les épiciers, les éleveurs…

- Ce boycott semble avoir été un tournant dans la communication de la firme... 

- L’entreprise a entendu le message des consommateurs et s’attache depuis à être à l’écoute de leurs attentes et à renouer le lien. Centrale Danone a beaucoup innové depuis cinq ans en termes de produits. Je citerais l’exemple d’Actimel, qui est un produit haut de gamme, produit dans peu de pays dans le monde.

Le fait qu’il soit aujourd’hui produit et distribué au Maroc témoigne de cette nouvelle stratégie d’innovation de Centrale Danone et de sa capacité à se hisser aux niveaux les plus élevés en termes de qualité.

- Malgré les pertes subies, en termes d’image, de chiffres d’affaires et de parts de marché, avez-vous jamais envisagé de quitter le marché marocain ?

- Une autre entreprise, ayant vécu les mêmes événements, aurait peut-être songé à quitter... pas Danone ! Nous avons beaucoup d’actifs stratégiques et une histoire qui nous lie à ce pays pour songer à le quitter. Nous n’avons jamais envisagé de nous retirer du marché.

Les effets de la sécheresse sur la filière lait

- La sécheresse et la pénurie d’eau qui sévissent au Maroc n’ont pas épargné les éleveurs de vaches laitières, et par conséquent la production de lait. À quel moment avez-vous pris la mesure de cette problématique et, surtout, quelles sont les mesures mises en place pour y remédier ?

- Chez Danone, au niveau global, nous sommes très attentifs aux questions de l’eau. Nous sommes n°1 mondial de l’eau en bouteille et nous suivons donc de très près les sujets autour de l’optimisation des ressources en eau, les questions de circularité, l’agriculture régénérative.

La contribution que nous pouvons avoir est de partager notre expertise pour accompagner les éleveurs marocains dans l’utilisation rationnée de l’eau à travers de bonnes pratiques qui ont démontré leur efficacité ailleurs. C’est l’un des volets du programme "Hlib Bladi", dont le lancement de la phase II vient d’avoir lieu lors du dernier Salon de l’Agriculture à Meknès.

Le programme "Hlib Bladi" a pour mission de renforcer un modèle de production laitière durable en améliorant les conditions de vie des petits éleveurs et en renforçant leur résilience, notamment face au changement climatique, dont les conséquences ont été sévères pour la filière laitière nationale, à cause notamment des épisodes de sécheresse que connaît le Maroc.

Ce programme ambitionne d’encadrer et de développer les petits éleveurs, opérant dans un système extensif, en parfaite synergie avec les différents programmes menés par l’Etat marocain, plus particulièrement le Plan "Génération Green".

- Avec la baisse de production en matière de lait, la poudre de lait devient un élément important dans la production de produits laitiers. Justement, quels sont les produits concernés ?

- Le lait proposé aux consommateurs marocains est un lait 100% naturel, issu de la passion des éleveurs marocains. La poudre de lait est utilisée dans les préparations destinées à produire des yaourts, des fromages et des desserts.

La poudre de lait n’est jamais utilisée par Danone pour le lait destiné à la consommation. Nous sommes intransigeants en termes de qualité, notamment la qualité nutritionnelle de notre lait.

- Nous avons cru comprendre que l’inauguration de la "Green Factory" à Meknès, ce mardi 11 juillet, est dans la lignée des engagements écologiques de Danone. En quoi est-elle si importante ?

- Chez Danone, nous sommes très attentifs aux questions de la transition énergétique, encore plus dans les pays où nous avons une forte empreinte industrielle comme au Maroc. Sur le plan mondial, Danone déploie son programme "Re-Fuel Danone" destiné à améliorer l’empreinte énergétique des sites de production Danone dans le monde.

Le projet d’excellence énergétique "Green Factory" de Meknès s’inscrit dans cette optique. Il entre également dans le cadre de la stratégie de promotion des énergies renouvelables du Royaume du Maroc.

Grâce à sa "Green Factory", l’usine Centrale Danone à Meknès atteint aujourd’hui 52% d’utilisation des énergies renouvelables pour sa consommation énergétique. L’énergie thermique produite sur le site représente 90% des énergies provenant de source green. Cette usine est à l’avant-garde en matière d’efficacité énergétique au sein du groupe, et nous sommes fiers que ce soit le Maroc qui donne ainsi l’exemple d’une industrie laitière locale, responsable et durable.