Baisse inédite d'activité des médecins privés au Maroc au mois de ramadan (sources professionnelles)

Plusieurs médecins du secteur privé nous ont annoncé une baisse inédite du nombre de consultations au cours de la deuxième quinzaine de ramadan. Une information confirmée par des sources associatives pour qui la santé est parfois reléguée au second plan. Ces sources soulèvent la nécessité de revaloriser le TNR, tarif national de référence.

Baisse inédite d'activité des médecins privés au Maroc au mois de ramadan (sources professionnelles)

Le 24 avril 2023 à 8h49

Modifié 24 avril 2023 à 9h51

Plusieurs médecins du secteur privé nous ont annoncé une baisse inédite du nombre de consultations au cours de la deuxième quinzaine de ramadan. Une information confirmée par des sources associatives pour qui la santé est parfois reléguée au second plan. Ces sources soulèvent la nécessité de revaloriser le TNR, tarif national de référence.

  • La cherté de la vie pousse les patients à reléguer la santé au second plan.
  • Les actes pris en charge à 100% se font désormais dans le secteur privé.
  • Selon les professionnels, le TNR doit être révisé au plus vite, pour faciliter l'accès aux soins et éviter les complications.

"Nous avons l’impression de revivre les débuts de nos carrières, lorsque l’activité était encore faible. Et même à cette époque, elle était meilleure", nous confie le Dr Saïd Afif, président du Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP).

La santé reléguée au second plan

"Comme la vie est devenue chère, les gens ne viennent consulter que lorsqu’il y a une urgence, ou lorsque leur état de santé s’aggrave", regrette-t-il.

Même constat auprès du Dr Tayeb Hamdi, président du Syndicat national de médecine générale (SNMG). "Les médecins, un peu partout au Royaume, relèvent une baisse de l’activité", nous dit-il.

"La situation s’explique par différents facteurs, notamment la crise du Covid, dont les effets se font encore sentir. Il y a également les nombreux problèmes dont souffre la population, à leur tête la cherté de la vie. Les problèmes de santé sont donc relégués au second plan. Les gens ne consultent qu’en cas d’urgence", ajoute le médecin.

Retard de la révision du TNR

"Les consultations et hospitalisations ont en revanche augmenté pour les pathologies lourdes, qui sont prises en charge à 100%. Il s’agit des cancers et des maladies cardiaques entre autres", dont bénéficient notamment les assurés TADAMONE (ex-Ramed), nous fait savoir le Dr Afif. Ces derniers "n’ont pas les moyens de consulter un médecin privé, puisqu’ils doivent payer de leur poche et attendre le remboursement".

"Tant que le TNR (tarif national de référence) n’est pas encore revalorisé, cette catégorie ne se rendra pas dans le secteur privé", estime-t-il, rappelant que les consultations représentent à peine 4 à 5% des dépenses de l’AMO.

"Lorsque les gens ne consultent pas, il n’y a pas de dépistage précoce des maladies graves, comme le diabète, les maladies rénales et l’hypertension. Le suivi n’est donc pas effectué et les probabilités de complication augmentent, ainsi que la survenue d’un accident cérébral pour les gens souffrant d’hypertension par exemple, ou la nécessité de recourir à une amputation pour les diabétiques."

"La consultation doit donc être remboursée sur la base des prix réels pratiqués, à savoir 300 DH pour les spécialistes et 200 DH pour les généralistes."

"Il faut mettre en place le tiers payant"

Pour sa part, le Dr Tayeb Hamdi souligne que "la généralisation de la couverture médicale ne profite pas à tout le monde, dans la mesure où il n’y a pas encore de tiers payant. Elle profite plutôt aux maladies lourdes, qui sont prises en charge à 100%".

"Les assurés TADAMONE ne vont jamais pouvoir accéder au secteur privé. Ils sont encore obligés de payer de leur poche pour se faire rembourser par la suite, alors qu’ils ne peuvent pas se le permettre. Tant qu’il n’y aura pas de tiers payant, ils ne pourront pas consulter dans le privé."

"Pour les autres catégories, ils continuent à consulter, mais de la même manière et avec la même cadence qu’auparavant", qui était déjà faible. "Le TNR doit donc être révisé pour faciliter l’accès aux soins." De cette manière, "les résultats escomptés de la généralisation de l’AMO ne seront pas atteints".

Et d’ajouter : "Le but de la généralisation de l’AMO est de booster les choses sur le plan préventif, pour prendre en charge les patients dès les premières étapes de la maladie et non pas attendre les dernières étapes qui, elles, coûtent cher."

Les actes remboursés à 100% se font désormais dans le secteur privé

Le Dr Hassan Afilal, vice-président de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), confirme également que "tout ce qui est remboursé à 100% est désormais réalisé dans le secteur privé. Certains patients, dont les moyens financiers sont faibles, peuvent également accéder au système privé, avec l’aide de bienfaiteurs".

Les problématiques du secteur sont essentiellement les promesses qui ne sont pas tenues, note le Dr Afilal, "laissant le patient seul face sa maladie lorsqu’il s’agit de choses à payer. Les remboursements actuels ne sont pas à la hauteur des valeurs réelles payées".

"Nous avions des promesses de révision du TNR, mais il n’en est rien pour l’instant, et finalement, c’est le citoyen qui est lésé. Prenons l’exemple de la réanimation. En France, le tarif référentiel s’élève à 4.026 euros, contre 1.500 DH au Maroc. L’hospitalisation est fixée à 550 DH, dont 250 DH de consommables. Les gens doivent donc absolument compléter le reste."

"Il y a donc un énorme problème de remboursement. Plus les choses traînent, plus il y aura de pathologies qui se compliqueront. Il y a également l’automédication, induite par le manque de moyens."

Le Dr Afilal appuie ses dires avec des exemples sur le terrain. "Lorsque quelqu’un fait un malaise ou se sent faible, il part de lui-même prendre des vitamines puisqu’il n’a pas les moyens de consulter un médecin. Au bout de six mois, lorsque l’on fait le diagnostic, il s’avère qu’il souffre de diabète et qu’il faut passer à l’amputation."

"Une femme enceinte qui a de la fièvre et qui doit consulter pour prendre des antibiotiques ne le fait pas par manque de moyens. L’infection évolue, et la femme peut donner naissance à un prématuré dont les soins coûtent cher."

"Autre exemple : lorsque quelqu’un a un ganglion, il prend des corticoïdes qui les font fondre. Au bout de quelques mois, il s’avère que c’est un cancer qui n’a pas été pris en charge assez tôt et s’est généralisé."

"Le préventive coûte 1 DH contre 8 DH lorsque l’on passe au traitement. Le TNR doit être révisé au plus tôt", conclut-il.

Où en sont les discussions avec les médecins ?

"Jusqu’à présent, c’est toujours le TNR de 2006 qui est appliqué", rappelle le Dr Tayeb Hamdi. "Les négociations avec les syndicats des médecins sont à l’arrêt depuis des mois", alors que le 11 avril dernier, lors d’une réunion consacrée au suivi de la mise en œuvre du chantier de réforme du système de santé, le chef du gouvernement avait donné ses directives pour la révision de la référence tarifaire et de la grille des soins de santé.

Les représentants du secteur privé avaient tenu le 6 janvier 2023 une rencontre sur la révision du cadre conventionnel type, qui régit les relations entre les organismes de gestion de l’AMO (CNSS/CNOPS) et les prestataires de soins. Une première mouture de ce cadre avait alors été transmise aux médecins pour avis, avec un délai de 10 jours pour proposer leurs remarques.

Celles-ci ont été adressées dans les temps aux parties concernées, notamment le ministère de la Santé, qui n’a plus donné suite à ce dossier.

Ledit cadre conventionnel devait être acté afin d’activer la concrétisation de la convention de 2020 révisant la tarification nationale de référence de plusieurs actes. Celle-ci, signée le 13 janvier 2020 entre la CNSS et les professionnels de la santé sous l’égide de l’ANAM, n’a jamais été appliquée pour des raisons non élucidées. L'équation est complexe: revaloriser les actes médicaux et le Tarif national de référence est une demande juste légitime, qui est dans l'intérêt de la santé publique, de la protection sociale et des praticiens aux-mêmes. Mais elle signifie qu'une importante partie des coûts seront déplacés vers le système de protection sociale. Ce qui signifie que ce dernier doit avoir plus de ressources. Telel est l'équation, la décision ne peut être que politique et le débat transparent doit remplacer les tergiversations et les vagues promesses.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Mutandis : Dividende 2024

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.