Avis d’experts : Air Algérie pourra-t-elle vraiment supplanter la RAM en Afrique ?

L’ensemble de la presse algérienne s’est félicitée d’un voyage d’affaires à Dakar de dirigeants d’Air Algérie, qui ouvrira la voie à une association fructueuse avec le transporteur Air Sénégal. Si leur intention est clairement de détrôner la RAM sur le continent, plusieurs experts remettent en question la faisabilité d’un tel défi.

Avis d’experts : Air Algérie pourra-t-elle vraiment supplanter la RAM en Afrique ?

Le 3 avril 2023 à 17h44

Modifié 3 avril 2023 à 21h18

L’ensemble de la presse algérienne s’est félicitée d’un voyage d’affaires à Dakar de dirigeants d’Air Algérie, qui ouvrira la voie à une association fructueuse avec le transporteur Air Sénégal. Si leur intention est clairement de détrôner la RAM sur le continent, plusieurs experts remettent en question la faisabilité d’un tel défi.

"Une délégation d’Air Algérie a rencontré, le 8 mars dernier à Dakar, des responsables d’Air Sénégal pour examiner les moyens de renforcer leur partenariat dans le domaine du transport de passagers du Sénégal vers des destinations internationales, via l’aéroport d’Alger", ont repris en cœur l’APS et plusieurs médias algériens avec des couvertures tout aussi ridicules les unes que les autres, comme "Air Algérie fait trembler la RAM" ou "Air Algérie joue un sale tour à la RAM".

Le défi sera pourtant difficile à relever, selon plusieurs experts et nos confrères de Maghreb Intelligence, si l'on fait le décompte des dessertes africaines respectives des deux compagnies maghrébines.

Comment en effet détrôner la RAM avec l'ambition embryonnaire de faire d'Alger un hub aérien?

Une ambition qui ne date pas d’hier

Le renforcement projeté des vols entre les aéroports d’Alger et de Dakar permettra, selon eux, de lancer de nouvelles liaisons entre le Sénégal et plusieurs destinations européennes et africaines, via une escale dans la capitale algérienne.

Il s'agit de concurrencer directement le hub casablancais de la RAM, devenu une plateforme incontournable de transport aérien entre l’Afrique et le reste du monde.

Si aucune source officielle n’a souhaité réagir à "cette ambition qui n'est pas nouvelle", plusieurs experts aériens rappellent, sous couvert d’anonymat, que ce n’est pas la première fois qu’Air Algérie tentera de mettre un terme à la suprématie de l’opérateur marocain sur le continent, sans aucun succès sur le terrain africain.

Air Algérie opère 60 vols hebdomadaires vers l’Afrique contre 262 pour la RAM

"Comment sa place historique en Afrique pourrait-elle être menacée lorsque l’on sait que la flotte d’Air Algérie compte 55 avions et que celle d’Air Sénégal dispose de six aéronefs contre une cinquantaine pour la RAM ?", s’interroge un expert aérien. Il insiste sur "l’ancienneté du réseau africain de la compagnie nationale qui a inauguré, en mars 1958, le premier vol Casablanca-Dakar juste après Casablanca-Paris".

Selon notre interlocuteur, avec ses huit destinations africaines dont le Sénégal, la Tunisie, l’Egypte, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et enfin la Côte d’Ivoire, à une fréquence maximale de cinq vols par semaine, soit moins de 60 liaisons hebdomadaires, Air Algérie aura en effet beaucoup de mal à rattraper sa concurrente, qui couvre 25 pays à travers 262 dessertes par semaine et 901.800 sièges.

Un PDG interdit de voyager, et la volonté d’acquérir 15 avions à l’origine de plusieurs arrestations

"Sachant qu’elle ne dessert même pas New York, et qu’Air Sénégal le fait à raison de quelques vols par semaine, c’est plutôt le Sénégal qui devrait aider l’Algérie à transporter ses propres ressortissants, ainsi que les nombreux membres de la diaspora africaine qui résident aux Etats-Unis", ironise notre source, ajoutant que le PDG de l’opérateur algérien est interdit de voyager à l’étranger.

Sur l’intention, rendue publique le 22 septembre dernier, d’Air Algérie d’acquérir 15 nouveaux avions qui pourraient menacer la place privilégiée de la RAM sur certaines lignes africaines, notre interlocuteur tient à rappeler que ce n’est pas la première fois qu’une telle annonce est faite... sans jamais aboutir.

Sans compter qu’il faudra plusieurs années avant de concrétiser une commande qui n’a toujours pas été lancée et qui, de surcroît, a provoqué l’arrestation du fils de l’ancien Premier ministre Ali Benflis, accusé d’avoir fait fuiter le cahier des charges d’un marché estimé entre 1,5 et 2 milliards de dollars.

Dubitatif sur l’intention d’Air Algérie de détrôner le transporteur officiel de l’équipe nationale, qui a bénéficié d’une publicité mondiale, l’expert conclut son analyse en soulignant que la flotte du voisin de l’Est se trouve "dans un état tellement lamentable et si mal entretenue qu’elle ne parvient même pas à satisfaire sa communauté expatriée en France qui constitue l’essentiel de ses recettes".

"L’ADN de la RAM est profondément africain"

Tout aussi pessimiste quant à la réussite d’une éventuelle association entre les compagnies algérienne et sénégalaise, une source interne de la compagnie nationale avance qu’il sera difficile, voire impossible à court ou moyen terme, de détrôner la place de la RAM, qui a un "ADN enraciné en Afrique" malgré plusieurs tentatives précédentes toutes échouées.

"Sachant que l’ancien président libyen Mouammar Kadhafi avait déjà essayé de fonder une compagnie panafricaine pour s’assurer un monopole continental, ce n’est donc pas la première fois qu’elle sera confrontée à une volonté étrangère de la concurrencer sur son terrain extérieur de prédilection", rappelle l’expert en insistant sur le fait que "la RAM a une vocation de transport essentiellement africaine."

"Une différence structurelle qui empêche toute concurrence possible"

De plus, tant que l’Algérie n’aura pas ouvert son ciel au reste du monde, en adhérant comme le Maroc en 2006 à l’accord de l’Open Sky, la RAM ne craindra pas la concurrence de la compagnie algérienne, confrontée depuis longtemps à de nombreux problèmes structurels.

En effet, pour une flotte quasi identique en termes d’aéronefs (52 pour la RAM contre 55 pour Air Algérie), la principale différence tient à l’effectif démesuré d’Air Algérie, qui compte pas moins de 9.600 employés contre 3.000 salariés pour la RAM avec toutes ses filiales (PNT, PNC, catering, handling…).

"La véritable menace vient plutôt des compagnies d’Éthiopie et du Kenya"

"Ne jouant pas dans la même cour, il n’y donc aucune raison de se laisser impressionner par des effets d’annonce démentis par la solidité des fondamentaux de la RAM et par l’inconstance d’une compagnie toujours gérée à la manière des années soixante", juge notre source, qui craint plus l’avance africaine de Ethiopian Airlines et de Kenya Airways ainsi que, dans une moindre mesure, de Egyptair.

Si la pandémie a ralenti le rythme des ouvertures de lignes sur le continent et obligé la RAM à céder six aéronefs, notre interlocuteur avance que la véritable priorité de l’opérateur marocain ne sera pas d’augmenter le nombre de ses avions, qui peuvent toujours être loués, mais de continuer à densifier son réseau de destinations africaines, qui constituent son véritable espace naturel de développement...

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