Voici pourquoi et comment les importations marocaines de gasoil russe ont augmenté

Les importations marocaines de gasoil russe ont augmenté en 2022 et en ce début d'année. Si les chiffres disponibles de l'Office des changes n'en montrent pas toute l'ampleur, les informations concordantes collectées auprès de plusieurs sources nous permettent d'en établir les motivations et le modus operandi.

Le terminal d'hydrocarbures de Tanger Med.

Voici pourquoi et comment les importations marocaines de gasoil russe ont augmenté

Le 9 février 2023 à 18h23

Modifié 10 février 2023 à 5h31

Les importations marocaines de gasoil russe ont augmenté en 2022 et en ce début d'année. Si les chiffres disponibles de l'Office des changes n'en montrent pas toute l'ampleur, les informations concordantes collectées auprès de plusieurs sources nous permettent d'en établir les motivations et le modus operandi.

Avec la Chine, l'Inde et la Turquie, le Maroc figure parmi les pays qui ont vu leurs importations d’hydrocarbures russes grimper significativement. Suffisamment en tout cas pour attirer l’attention de la presse économique internationale.

L'appétence du marché marocain pour le carburant russe en 2022 ne fait aucun doute, tout autant que la hausse importante des volumes, confirmée par plusieurs sources d'informations et de données consultées par Médias24.

"Pour le seul port de Mohammédia, pas moins de 12 tankers russes de 50.000 tonnes en moyenne chacun ont accosté entre janvier 2022 et janvier 2023, en nette augmentation par rapport aux arrivées antérieures", nous apprend l’expert portuaire Najib Cherfaoui. Selon lui, la plus grande partie des chargements était constituée de gasoil, mais aussi de fuel. Soit un volume moyen de 600.000 tonnes sur un marché marocain des carburants (gasoil et essence) qui pèse dans les 7 millions de tonnes.

Au niveau de Tanger Med, le plus grand port d’hydrocarbures du Maroc qui abrite un tiers des capacités de stockage nationales, la valse des navires, notamment en provenance du port russe Primorsk sur la mer Baltique, se poursuit. Selon les sites de tracking de navires, on a pu constater qu’un tanker en provenance directement de Russie accostait tous les deux à trois jours, au moins depuis la mi-janvier 2023. Pour l’heure, nous attendons toujours la réponse de l’autorité portuaire quant à l'évolution de cette tendance sur l’année 2022.

Ce que nous confirme également un expert du marché marocain. "Les importations on démarré vers février 2022 par une minorité d'opérateurs, mais la tendance s'est accentuée au fil des mois. Ce sont les trois derniers mois de 2022 qui ont enregistré les volumes les plus importants."

L'origine russe représente 8,3% des importations à fin septembre 2022

Nous avons cherché à confronter ces informations avec les données de l'Office des changes, arrêtées à fin septembre 2022. L'analyse des données disponibles montre que les importations de gasoil russe sur cette période ont dépassé les volumes importés durant toute l’année 2021.

Sur un total de 4,4 millions de tonnes de gasoil 10 ppm importées au cours des trois premiers trimestres 2022, 365.000 tonnes provenaient de Russie. Ce chiffre était seulement de 335.000 tonnes durant toute l’année 2021 sur un total d’importation de 6,3 millions de tonnes de gasoil.

Le poids de l'origine russe dans l'ensemble des importations a augmenté d'une année à l'autre, passant de 5,3% en 2021 à près de 8,3 % en 2022.

La tendance à la hausse se dessine donc, mais timidement au cours des trois premiers trimestres de 2022. 30.000 tonnes de plus qu'en 2021  en volume et 3 points de pourcentage. Elle ne reflète pas la réalité, car il manque les trois derniers mois qui ont enregistré les volumes les plus importants de l'année écoulée, selon les échos du marché collectés par Médias24, qui viennent confirmer ceux des agences de presse internationales.

Ces dernières affirment que les volumes ont considérablement augmenté durant le 4e trimestre 2022, et surtout le mois de janvier 2023 en prévision de l’embargo de l’UE sur les exportations russes entré en vigueur le 5 février.

L’agence Reuters avance que les estimations des exportations russes de gasoil vers le Maroc durant le mois de janvier atteindraient les 370.000 tonnes, soit l’équivalent de l’ensemble des importations marocaines de ce produit, en provenance de Russie, sur les neuf premiers mois de l’année 2022.

Bloomberg, pour sa part, estime la part du produit russe sur le marché marocain du gasoil en janvier à 45% (contre 5,3 % en moyenne en 2021). Des chiffres difficiles à confirmer en l’absence de données détaillées de l’Office des changes.

Nous avons par ailleurs demandé à l’ambassade de la Fédération de Russie de nous fournir ces chiffres. Réponse de notre interlocuteur : "En Russie, c'est l’Office des douanes qui publie les chiffres du commerce extérieur, mais pour le moment les chiffres de 2022 ne sont pas encore prêts."

 Le bénéfice du prix attire les opérateurs marocains

Pourquoi l'intérêt soudain des opérateurs marocains pour le gasoil russe ? "Il y a le bénéfice du prix", nous répond une source sûre. "Les Russes écoulaient beaucoup de produits à des prix fixes qui n’évoluent pas suivant le marché." En clair, ils sont moins chers.

De combien ? Une question complexe à laquelle il est difficile de répondre. Mais selon notre source qui suit de prêt les tendances des cours internationaux,"sur le marché international, en traitant avec des structures établies, en contournant le problème de paiement, la différence varie en moyenne entre 100 et 200 dollars par rapport au Platts". Cette différence peut-être plus importante. Cela dépend des opportunités, du timing d'achat, des quantités...

Selon les relevés de l'Office des changes, et toutes choses étant égales par ailleurs, le prix moyen à la tonne du gasoil russe acheté en septembre 2022, par exemple, ressort à 11.660 DH/tonne, un peu moins cher que d'autres sources d'approvisionnement européennes analysés sur la même période : 12.409 DH/T depuis l'Italie ou 12.008 DH/T depuis l'Espagne.

En l'état actuel des informations disponibles, et en l'absence de certaines données, il est difficile de connaitre l'impact de la baisse du prix d'achat du produit raffiné russe sur les prix à la pompe.

Mais cette baisse des tarifs sur le produit a un prix, c'est la complexité des modalités de paiement. "Les grandes banques nationales ne financent plus les importations en provenance de Russie en dollars ou en euros par peur des sanctions internationales, que ce soit pour les hydrocarbures ou d’autres produits comme l’acier ou le charbon, particulièrement compétitifs en ce moment", confie une de nos sources bancaires qui suit particulièrement les opérations d’import des grands groupes marocains.

De ce fait, un opérateur désireux d'acheter un produit russe ne peut pas se reposer sur les méthodes classiques, notamment les facilités bancaires.

"Les opérateurs marocains sont habitués à travailler avec des facilités de crédit. Les lignes de crédit font l’objet de lettres de crédit, lesquelles permettent de payer les livraisons suivant un certain nombre de documents et de garanties. Mais sur le gasoil russe, tout ce système ne fonctionne pas", nous explique notre interlocuteur.

"Le seul moyen d'obtenir du gasoil russe, c’est que les parties acceptent de payer en cash et non à travers des instruments de paiement." Selon notre source, il existe principalement deux modus operandi. " L'opérateur est une filiale d'une multinationale. Cette dernière achète le produit russe et le règle via des plateformes internationales à Dubaï ou Hong Kong. Et, de son côté, la filiale marocaine règle la maison mère via un transfert." Soit "dans le cas de sociétés de taille moyenne, celles-ci ont une relation de confiance avec leurs fournisseurs qui acceptent des versements d'acompte avec des paiements échelonnés".

En tout cas, "la seule garantie dans ce cas de figure, c’est la confiance dans le partenariat ou la filiation à l’international".

Le gasoil indien a également le vent en poupe

Plus globalement, les tensions politiques entre l’Europe et la Russie ont grandement profité aux marchés asiatiques, notamment la Chine et l’Inde, mais aussi la Turquie. Des pays qui absorbent de plus en plus les exportations d’hydrocarbures et de gaz russes.

Le marché indien de raffinage, par exemple, a augmenté de 93% ses importations de pétrole brut russe atteignant près de 1 million de barils par jour depuis décembre, profitant des rabais accordés par les exportateurs russes, payés notamment en dirhams émiratis via des bureaux de trading installés à Dubaï.

Les discounts appliqués par les exportateurs russes sont très importants. Ainsi, selon plusieurs agences de presse internationales, ceux-ci avoisinent les 30%-40% en ce qui concerne les produits pétroliers. Largement en dessous du prix du Brent - jusqu’à 50% -, ils font le bonheur des grands raffineurs asiatiques, notamment indiens particulièrement friands du pétrole de l’Oural.

Notre analyse des données de l'Office des changes a fait également ressortir une nette progression des importations marocaines de gasoil à partir de l’Inde entre 2021 et 2022. Mais les volumes restent faibles : près de 148.000 tonnes à fin septembre en 2022, contre seulement 49.000 tonnes pour la même période 2021. Des importations de diesel turc, maltais, grecque et letton, dans des quantités significatives, ont aussi été relevées sur les statistiques des échanges extérieurs du Maroc en 2022, alors qu’elles étaient nulles en 2021.

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