Aziz Rabbah, ancien ministre sous les gouvernements Benkirane et El Otmani et l’un des principaux leaders du PJD lors de la dernière décennie, annonce prendre une retraite partisane... et créer une "initiative citoyenne" baptisée "La nation d’abord et toujours".

Le congrès constitutionnel de cette organisation, qui prend la forme d’une association, a été organisé ce samedi 24 décembre à Rabat. Le bureau exécutif ne comprend pas de noms connus, certains membres étaient ou sont affiliés du PJD.

Officiellement, selon les organisateurs, il s’agit de l’initiative de plusieurs compétences marocaines résidentes au Maroc et à l’étranger, en vue de créer une "nouvelle dynamique" qui part de "la volonté de plusieurs acteurs civils de créer un cadre nouveau" pour contribuer à façonner l’avenir du pays.

Si le message est éminemment politique, le président élu de cette nouvelle entité, Aziz Rabbah, se défend de toute intention de la muer en un parti politique. Contacté par Médias24, il assure que c’est une initiative dans laquelle il s’inscrit après avoir pris sa retraite de l’action partisane au sein du PJD, afin de continuer à contribuer à la vie publique par le biais de la société civile.

Après plus de quarante ans de militantisme et plus de vingt ans à des postes de responsabilité, Aziz Rabbah estime avoir donné le maximum dans ce cadre partisan. Et pour continuer à servir son pays, il ne peut, pense-t-il, que chercher un autre cadre.

Prenant l’exemple d’autres personnalités politiques qui se sont, par le passé, tourné vers la société civile après leur carrière politique, il considère que ce genre d’initiatives ne peut que créer une émulation dans l’intérêt du pays et en faveur de l’enrichissement de la vie publique.

Mais il ne faut pas s’y méprendre. La discours véhiculé, ainsi que les axes de travail dessinés pour cette organisation, touchent, directement ou indirectement, à la politique. Aziz Rabbah ne s’en cache pas : "Les questions politiques sont beaucoup plus larges que le simple fait de l’action partisane ou de la participation aux élections."

Il veut que cette nouvelle entité puisse aborder le modèle de développement du pays en jouant un rôle de proposition, d’évaluation et d’initiative dans les domaines économique et social. Il entend également plaidoyer pour les causes nationales, notamment celle de l’intégrité territoriale.

Une droite conservatrice, nationaliste mais pas religieuse

"Tamghrabit", un terme cher à Aziz Rabbah, qu’il utilise depuis fort longtemps et à maintes reprises dans ses discours et allocutions publics. D’après lui, ce terme synthétise les valeurs nationales marocaines, qu’il définit comme les valeurs authentiques et fédératrices des Marocains, qui se traduisent dans la constitution et représentent les piliers de la culture marocaine.

"Le Maroc a une civilisation, une histoire, une culture, des valeurs. Tous les pays, en Europe, en Amérique ou en Asie, ont des valeurs qui constituent leur modèle civilisationnel. Le Maroc est authentique par ses valeurs et sa culture, mais en même temps ouvert à son époque ; une ouverture juste et équilibré", ajoute-t-il.

"Ceux qui ont des avis différents reçoivent des réponses de la société même lorsque l’on ne s’y attend pas. La réponse est claire par rapport à ce qui arrive dans notre pays", lance Aziz Rabbah.

Aziz Rabbah veut donc faire des valeurs marocaines le fer de lance du positionnement politique de cette initiative. Mais au-delà du slogan de "Tamghrabit", c’est aussi la dénomination de l’association qui interpelle : "Le Maroc d’abord et toujours", qui peut aussi être traduite de l’arabe "الوطن أولا و دائما" par "le Maroc en premier et toujours".

Difficile de ne pas faire le lien avec le fameux "America first" de Donald Trump. A la question de savoir s’il faut y voir un signe de positionnement sur la ligne d’une droite conservatrice et nationaliste, Aziz Rabbah refuse cette analogie, arguant que c’est un slogan souvent utilisé par tous les courants politiques nationaux.

"C’est une appellation qui comporte plusieurs messages : on travaille pour le compte de notre pays d’abord et toujours. La nation est un parapluie qui rassemble tous les acteurs. Les organisations ne peuvent pas être au-dessus de la nation. Le Maroc est à l’aube de grands défis et de grandes réalisations ; il faut que l’on soit prêt à y contribuer", explique-t-il.

Encore plus saisissant, l’absence presque complète de toute allusion à l’islam ou à la religion. Il est clair que Aziz Rabbah veut inscrire son mouvement dans une orientation différente de celle du PJD, en évitant de faire du discours religieux un levier politique.

Est-ce l’une des raisons du divorce avec le PJD, dont le secrétaire général, Abdelilah Benkirane, insiste plus que jamais sur le référentiel islamique en tant que fondement idéologique du parti de la lampe ?

Aziz Rabbah refuse de se prononcer sur les orientations du PJD. Il dit ne pas accepter d’entrer en conflit avec le parti, qui a été pour lui "une école" où il a énormément appris et pour laquelle il est reconnaissant.