Production de l’électricité : un Maroc sans centrale à charbon en 2050 (Banque mondiale)

Dans son rapport sur le climat et le développement, la Banque mondiale dresse le scénario d’un Maroc avec zéro empreinte carbone d’ici 2050. Une transition qui devrait passer, selon les experts de la Banque, par un déclassement des centrales thermiques qui fournissent actuellement l’essentiel de l’électricité au pays. Comment cela pourrait-il se faire ? Quels impacts cette sortie du charbon pourrait-elle avoir ? Éléments de réponse.

Production de l’électricité : un Maroc sans centrale à charbon en 2050 (Banque mondiale)

Le 7 novembre 2022 à 10h29

Modifié 7 novembre 2022 à 17h32

Dans son rapport sur le climat et le développement, la Banque mondiale dresse le scénario d’un Maroc avec zéro empreinte carbone d’ici 2050. Une transition qui devrait passer, selon les experts de la Banque, par un déclassement des centrales thermiques qui fournissent actuellement l’essentiel de l’électricité au pays. Comment cela pourrait-il se faire ? Quels impacts cette sortie du charbon pourrait-elle avoir ? Éléments de réponse.

C’est un exercice fort intéressant auquel se sont prêtés les experts de la Banque mondiale dans leur rapport sur le climat et le développement consacré au Maroc. Dans le chapitre sur la décarbonation de l’économie, identifiée comme le troisième enjeu pour le Royaume en termes d’adaptation au climat (après les problématiques de la rareté de l’eau et des inondations), le rapport estime que la neutralité carbone doit forcément passer par une refonte du système actuel de production d’électricité. Ce dernier repose essentiellement sur les centrales à charbon.

Or, si le Royaume n’émet que 0,2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’intensité carbone de son secteur de l'électricité reste élevée, faisant dire aux experts de la Banque mondiale que le secteur de l’électricité est “la pierre angulaire” de la stratégie de décarbonation. D’abord parce qu’il est le principal émetteur de gaz à effet de serre, mais aussi parce qu’il permet de soutenir la décarbonation de secteurs qui sont également de gros émetteurs (tels que le transport routier et l’industrie).

Et pour arriver à une décarbonation de l’économie, il faudrait donc agir là où les émissions de carbone sont les plus importantes, à savoir dans les centrales thermiques dédiées à la production de l’électricité.

Un déclassement des centrales thermiques à partir de 2044

Dans le scénario dessiné à l’horizon 2050 pour atteindre la neutralité carbone, les experts de la Banque mondiale misent sur un déploiement massif d’ici là de l’énergie solaire et éolienne (sur terre et mer), avec une sortie du charbon à partir de 2044.

Le renouvelable n’est pas appelé simplement à répondre à la nouvelle demande qui va s’ajouter, mais à prendre le relais des centrales à charbon qui fournissent actuellement l’essentiel de l’électricité consommée au Maroc. En plus du renouvelable, la Banque mondiale estime que le Maroc doit également miser, en renfort, sur la production d’électricité à partir du gaz, et sur l’hydrogène vert, avec la mise en place de technologies de stockage d’énergie, afin d’apporter la flexibilité nécessaire au système électrique.

C’est un grand chamboulement qui est projeté, non seulement pour le pays mais aussi pour les sociétés qui produisent aujourd’hui de l’électricité, comme Taqa, plus grand producteur privé, coté à la Bourse de Casablanca, qui fournit près de 40% des besoins du Maroc en électricité.

Faut-il les arrêter ? Les experts de la Banque mondiale ne vont pas jusque-là, mais parlent simplement de “déclassement” et de l’utilisation de ces centrales comme des “unités de réserve”.

Dans le cadre du scénario de décarbonation, la capacité de production d’électricité installée en 2050 serait presque multipliée par cinq par rapport au scénario de référence. La capacité installée atteindrait 147 GW (contre 30 GW dans le scénario de référence). Cela représente une augmentation beaucoup plus importante que celle de la demande d’énergie électrique de pointe, en raison d’une plus grande participation de la production renouvelable.

Les résultats du modèle utilisé par la Banque mondiale suggèrent que “les déclassements économiques des centrales au charbon, qui sont essentiellement privées, se produiraient principalement après 2044”.

“Avant cela, le facteur de charge des centrales au charbon serait progressivement réduit et, si elles peuvent être utilisées de manière plus flexible qu’aujourd’hui, les centrales au charbon pourraient fournir des réserves à froid ou des réserves tournantes au lieu d’être arrêtées”, précise le rapport.

Un coût énorme mais des avantages multiples à tirer

Mais cela ne se ferait pas sans coût. Il y a d’abord le coût de l’investissement dans les nouvelles installations solaire, éolienne ou d’hydrogène vert qui devront assurer la production électrique de demain. Mais aussi le coût de la sortie du charbon. Les deux sont évalués par les experts de la Banque mondiale.

Décarboner l’économie impliquerait en effet des investissements importants, en particulier au cours de la dernière décennie de la période couverte (2040-2050). Par rapport au scénario de référence, les simulations produites indiquent que le scénario de décarbonation impliquerait un investissement additionnel total de 46,3 milliards de dollars sur la période 2022-2050, avec un investissement de 6,7 milliards sur la période 2022-2030, de 13,8 milliards de dollars sur la période 2030-2040 et de 25,8 milliards de dollars sur la période 2040-2050.

Ces chiffres cumulés illustrent le fait non seulement que les investissements en vue de la décarbonation augmentent à mesure que la taille de l’économie s’accroît, mais aussi que la décarbonation complète devient plus coûteuse au regard de la dépendance accrue à l’égard des technologies de stockage de l’énergie et de système de capture/stockage, notamment à partir de 2040-2050.

Pour passer de la dépendance à l’égard des grandes centrales thermiques à des centrales solaires et éoliennes plus éloignées dans le scénario de décarbonation, et pour assurer la stabilité du réseau, de gros investissements dans le réseau de transport électrique seront également nécessaires. Car la disparité géographique entre la concentration des ressources d’énergie renouvelable et la demande d’électricité, implique une transmission sur de longues distances, ce qui nécessitera d’investir dans de coûteuses lignes de transmission à courant continu.

En plus de tous les efforts financiers qui devront être assurés, selon la Banque mondiale, essentiellement par le secteur privé, la sortie du charbon ne sera pas aisée, car elle aura un impact sur des acteurs privés, les producteurs actuels d'électricité qui doivent avoir de la visibilité sur leur investissement.

Pour la Banque mondiale, le gouvernement devrait élaborer une feuille de route pour la sortie du charbon. À terme, cela pourrait impliquer, expliquent les experts de la Banque, la tenue de consultations et de négociations avec les propriétaires de centrales à charbon et l’adoption conjointe d’un calendrier de déclassement ou de mise en réserve des centrales qui n’ont pas encore atteint la fin de leur durée de vie utile, ainsi que l’évaluation des risques juridiques des différentes modalités de la transition.

Mais ces coûts importants pourraient être justifiés, soulignent les experts de la Banque, par les avantages que la décarbonation apporterait à l’économie. Les coûts de la décarbonation pourraient être compensés, selon eux, par de nombreux avantages tels que la réduction des importations de combustibles fossiles et d’ammoniac, une sécurité énergétique accrue, une pollution atmosphérique réduite, une réduction des émissions de GES et une vulnérabilité moindre aux chocs des prix internationaux des hydrocarbures.

Cela pourrait permettre au Maroc, énumère la Banque mondiale, de devenir un exportateur net d’énergie verte et d’hydrogène vert, et de se positionner comme un “hub” pour les investissements et les exportations industriels verts, notamment vers l’Union européenne. “Si l’on tient compte de la réduction des importations d’hydrocarbures, de la pollution atmosphérique et des émissions de carbone, l’impact économique net est positif”, tranche le rapport.

La transition énergétique pourrait créer au moins 28.000 emplois nets par an

L’impact sur les emplois illustre bien les avantages que le Maroc pourrait tirer de cette stratégie. La transition énergétique est en effet appelée à entraîner une création nette d’emplois à grande échelle, comme le souligne le rapport.

Selon l’évaluation de la Banque mondiale, la transition énergétique (investissements jusqu’en 2030) générerait environ 28.000 emplois nets par an dans toute l’économie, soit environ 9% du déficit annuel de 300.000 emplois, actuellement estimé au Maroc. Et ces résultats ne reflètent qu’une partie de l’impact potentiel du programme de décarbonation en termes de création d’emplois : ils ne tiennent pas compte des réservoirs potentiels de nouveaux emplois qui pourraient être générés par d’autres technologies énergétiques propres (par exemple, le stockage de l’énergie), mais aussi de la transformation des secteurs utilisateurs finaux, tels que l’industrie et la mobilité électrique.

Pour atteindre ce résultat net positif, un cadre de “transition juste” est nécessaire en vue d'atténuer les impacts négatifs que le déploiement de l’énergie verte aura sur les travailleurs actuellement employés dans les secteurs à forte intensité de carbone. Selon la Banque mondiale, les emplois créés par la transition feraient plus que compenser les emplois supprimés par la baisse des investissements dans les secteurs des combustibles fossiles et la baisse des revenus des sociétés d’électricité.

Cependant, certains travailleurs seront inévitablement déplacés, devront changer de secteur, d’emplacement, ou devront modifier leur profil d’emploi. Ces changements doivent être facilités par des politiques qui encouragent le mouvement de la main-d’œuvre entre les secteurs et les régions, la formation et la reconversion des travailleurs, ainsi que la protection de ceux-ci, recommande le rapport.

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