Tarik Senhaji : la Bourse peut mobiliser 100 MMDH de financements supplémentaires

INTERVIEW. Nommé à la tête de la Bourse de Casablanca en plein confinement du début de la crise Covid, Tarik Senhaji évoque, dans cet entretien, cette période inédite pour le marché, les problématiques de la place et les défis qu’il compte relever pour la redynamiser.

Tarik Senhaji : la Bourse peut mobiliser 100 MMDH de financements supplémentaires

Le 28 mars 2022 à 14h10

Modifié 28 mars 2022 à 21h02

INTERVIEW. Nommé à la tête de la Bourse de Casablanca en plein confinement du début de la crise Covid, Tarik Senhaji évoque, dans cet entretien, cette période inédite pour le marché, les problématiques de la place et les défis qu’il compte relever pour la redynamiser.

Ce polytechnicien qui a travaillé dans la haute finance à Washington, avec la SFI, puis à la City de Londres dans plusieurs grandes banques internationales, a été le premier dirigeant du fonds souverain marocain Ithmar Capital, avant d’être nommé président de la SMIT.

Fin mars 2020, le conseil d’administration de la Bourse de Casablanca le choisit pour succéder à Karim Hajji au poste de directeur général. Sa prise de fonction intervient le 2 avril, dans un contexte très particulier : une pandémie qui a créé un grand mouvement de panique sur la place, et un arrêt net de l’économie qui a fait naître d’énormes besoins de financements chez les entreprises, que ce soit pour assurer leur survie ou pour entamer la relance post-Covid.

Grand connaisseur des marchés des capitaux, Tarik Senhaji nous livre ses impressions et son diagnostic de l’état du marché boursier après deux ans de prise de fonction. Et nous parle des défis qu’il compte relever, des leviers à activer pour redynamiser la place casablancaise et en faire un véritable moteur de financement de l’économie en ces temps difficiles.

Médias24 : Cela fait exactement deux ans que vous êtes à la tête de la Bourse de Casablanca. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de la prise de fonction ?

Tarik Senhaji : Quand je suis arrivé, assez rapidement, il était apparent que l’organisation avait beaucoup de challenges à relever en même temps : du technique, de l’économique, du politique, du communicationnel, de la perception... Et c’était fascinant et un défi de taille. La Bourse de Casablanca est passée par des phases. Sa renaissance en 1993 a été très dynamique, très courageuse ; à un moment elle est devenue trop importante, un peu violente et, avec la crise de 2008, elle a pris un coup, la Bourse s’est retranchée, en position flottante.

- Depuis, c’est la traversée du désert…

- Je ne qualifierai pas cette période des années 2010 de traversée du désert, parce qu’elle a été très productive en réalité. On n’a pas beaucoup parlé, mais on a beaucoup travaillé.

L’AMMC a fait un travail admirable que le grand public ne connaît peut-être pas ; la Bourse a changé de système de cotation pour passer à un système beaucoup plus performant. Nous avons mis en place le nouveau règlement général qui nous permet aujourd’hui de lancer le nouveau marché alternatif, mais aussi plein d’autres choses…

J’ai de la chance, car en arrivant en 2020, j’ai trouvé tout ce travail de fond déjà fait, avec une jolie infrastructure. Maintenant, c’est bien d’avoir une belle infrastructure, mais le plus important, c’est de pouvoir la remplir et la nourrir.

- Vous êtes arrivé en plein confinement, au creux de la première vague du Covid. Comment la Bourse a-t-elle traversé cette période ?

- On a eu de la chance, parce que la Bourse de Casablanca a beaucoup investi dans les systèmes comme je l’ai dit précédemment. Nous avions un cadre technologique très évolué. Depuis 2016, on a implémenté le même système de cotation que le London Stock Exchange. La Bourse de Casablanca a fait également beaucoup de travail sur le plan des certifications et des process, nous sommes triplement ISO, ce qui est très rare dans les bourses de par le monde.

Du coup, lors de mon arrivée, j’ai trouvé une très belle infrastructure, une très belle équipe. On avait fait le choix du tout technologique quelques années plus tôt, que ce soit pour nous ou pour nos clients ; il n’y a eu donc aucun problème, malgré le fait que nous avions des séances très animées en termes de volumes, de flux, surtout les premiers jours de la pandémie.

Nous avons connu avec le Covid des mouvements d’ajustement de prix. Il y a eu clairement un « repricing » de tous les actifs sur la base de la crise.

- C’était la panique sur le marché les premiers jours de Covid…

- Les chocs violents, que ce soit en prix ou en volumes, ont poussé à bout les séances de trading. D’ailleurs trois bourses du top 10 mondial ont connu des discontinuités : Francfort, Paris et Tokyo. Leurs systèmes n’ont pas pu gérer le pic. Mais chez nous, ça a tenu. Je souhaite féliciter toutes nos équipes et nos partenaires qui ont rendu cela possible. C’était un gage important de la confiance placée dans notre marché.

Évidemment, nous avons connu avec le Covid des mouvements d’ajustement de prix. Je n'appellerai pas ça nécessairement de la panique, mais il y a eu clairement un « repricing » de tous les actifs sur la base de la crise. Cela est somme toute sain, la Bourse de Casablanca a reflété les conditions économiques de manière fidèle, elle s’est comportée de manière assez similaire aux autres places mondiales, qui ont perdu 25% de leurs valorisations en moyenne au creux de la crise, avant d’entamer une nette reprise.

Cela étant dit, notre rôle en tant que société gestionnaire n’est pas nécessairement que la Bourse fasse gagner de l’argent tous les jours aux gens, l’objectif est que la Bourse soit pertinente et utile pour notre économie nationale. Et de ce côté-là, on a été satisfaits, que ce soit en termes de comportement de l’infrastructure ou des flux, car on a réussi à gérer de manière satisfaisante la grande volatilité.

- Pendant la pandémie, le grand enjeu était le financement des entreprises, leur trésorerie d’abord, mais ensuite la relance avec des financements à moyen et long terme. Sur ce sujet, les banques ont joué un rôle majeur, mais on n’a pas trop vu la Bourse ?

- Nos concitoyens ne se rendent pas compte que la Bourse leur est utile tous les jours. Six des sept plus grandes banques marocaines sont cotées en Bourse. Elles utilisent des augmentations de capital ou des levées de fonds obligataires de manière régulière. Si vous avez un financement de la part d’une banque, c’est quelque part la Bourse qui le finance.

Deuxième chose, la Bourse joue un rôle primordial pour la gestion des retraites des Marocains. Les retraites des fonctionnaires du secteur public ou des salariés du privé sont investies majoritairement dans deux types d’actifs, les bons du Trésor et les actions. Donc la Bourse, contrairement à ce que l’on peut penser, est une infrastructure et un moyen de financement qui est déjà très présent dans l’économie.

Maintenant, ce que l’on a vu, c’est que l’année 2020 a été une année record pour les IPO dans le monde entier, à part en Afrique. A l’international, même en période de crise ou sans doute parce qu’en période de crise, la Bourse a été le moyen privilégié pour financer la recapitalisation des entreprises boostée par la forte demande des investisseurs. Ainsi, 2021 a été l’année de tous les records : 2.700 introductions en Bourse ont été enregistrées dans le monde, pour un montant levé de 600 milliards de dollars, soit deux fois plus qu’en 2020 et trois fois plus qu’en 2019… L’Afrique est restée en dehors de cette dynamique avec seulement 5 IPOs enregistrées sur le continent en 2020 et 5 pareillement en 2021.

La Bourse de Casablanca n’a qu’un seul problème, c’est que les entreprises n’y font pas suffisamment appel.

- Pourquoi justement cette absence d’IPO au moment où l’on en a en principe le plus besoin, c’est cela la grande question, surtout au Maroc ?

- En 1993, l’Etat marocain a fait des réformes absolument incroyables qui nous ont permis de prendre une longueur d’avance, certaines par rapport aux Bourses du continent, notamment en termes d’épargne institutionnelle et d’infrastructures de marché. C’est dommage de constater qu'au Maroc, nous avons perdu depuis cette connexion entre le financement de l’entreprise à l’état basique et la Bourse de Casablanca.

Nous avons pris beaucoup de temps pour comprendre cette problématique et finalement nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plusieurs dimensions, mais qui convergent toutes vers un seul et même sujet : la perception des entreprises. La Bourse de Casablanca n’a qu’un seul problème, c’est que les entreprises marocaines n’y font pas suffisamment appel.

Pourtant, à chaque fois qu’on a une entreprise qui sollicite le marché, les chiffres sont éloquents. Dans l’IPO de TGCC, l’entreprise demandait 600 MDH, plus de 13 milliards de dirhams lui ont été servis. L’augmentation de capital de Mutandis a été sursouscrite plus de 7 fois.

- Donc la demande est là...

- La demande est là, l’argent est là et les valorisations sont très attractives, voire à des niveaux records. Nous avons un PER de 23, quand l’Egypte a un PER de 9 et l’Afrique du Sud de 11. Malheureusement, un fossé s’est creusé avec la Bourse par manque de communication et d’éducation, que ce soit vis-à-vis du grand public ou du chef d’entreprise.

Ce que nous récoltons aujourd’hui, c’est le résultat d’une longue période où la Bourse s’est recroquevillée sur elle-même et sur les quelques professionnels du marché. L’AMMC et la Bourse de Casablanca ont réalisé beaucoup de belles choses, mais le message n’arrive pas à sortir de cet écosystème du marché purement boursier pour se connecter à l’économie réelle. Nous avons besoin de l’aide des autres acteurs économiques pour opérer cette reconnexion !

- Le problème est donc psychologique et culturel. Les chefs d’entreprises privilégient la relation directe au banquier plutôt que de s’exposer en Bourse et d'avoir une obligation de communication, de transparence. Comment changer ce mindset ?

- Effectivement, les courroies de transmission doivent davantage aider la Bourse de Casablanca. Ces courroies sont essentiellement les banques et l’Etat. Avec la crise du Covid, il y a eu une task force qui a communiqué sur un ensemble de mesures pour le financement de l’économie, mais la Bourse n’a pas été citée.

- L’Etat ne veut-il pas encourager la Bourse ?

- Au contraire, les responsables étatiques sont très contents quand ils voient une entreprise s’introduire en Bourse. Ça apporte plus de transparence fiscale, plus d’informations sur ce qui se passe dans l’économie, une meilleure transmission et pérennité des entreprises, une plus grande compétitivité… Mais ce que je dis, c’est que si on considère qu’il y a tous ses avantages en Bourse, il faudra aussi penser à mettre en avant et à promouvoir notre marché. Les 'canaux' de promotion et de distribution de la Bourse doivent fournir un effort supplémentaire pour nous aider.

Au niveau de la Bourse ou de l’AMMC, on a travaillé sur le cadre technique et réglementaire, et on assume notre responsabilité. Maintenant, la Bourse doit être plus présente, c’est ce qu’on essaie de faire depuis plusieurs mois. Mais il y a beaucoup de problèmes qui relèvent uniquement de la perception. Et la perception peut changer rapidement parce qu’on est aussi dans l’appropriation sociale. L’IPO de TGCC a donné un certain rayonnement au marché, comme j’ai pu le constater en parlant à plusieurs chefs d’entreprises ; car ils connaissent le P-DG de la compagnie, Si Bouzoubaa, et savent que c’est une entreprise de l’économie réelle à laquelle ils s’identifient.

Quand vous présentez l’offre du marché, sans donner des cas concrets, le chef d’entreprise vous dit que tout cela est beau, mais se demande en même temps pourquoi les autres n’y vont pas…

C’est pour cela qu’on fait intervenir beaucoup les témoignages des entreprises cotées, parce qu’il n’y a rien de meilleur. Quand quelqu’un vous dit qu'une IPO est difficile, vous lui sortez par exemple le cas d’Afric Industries qui est une entreprise basée à Tanger, qui a moins de 40 employés et qui s’en sort très bien. Là, il commence à être convaincu de la démarche.

Et en parlant de ce sujet, je conclus toujours là-dessus : quels sont aujourd’hui les plus grands utilisateurs de la Bourse ? Ce sont les banques et l’Etat. Ce sont les clients les plus sophistiqués du marché. S’ils choisissent la Bourse pour se financer, c’est qu’ils y trouvent un avantage. Ils doivent aussi en parler un peu plus à leurs clients.

- Depuis deux ans que vous êtes à la tête de la Bourse, on suppose que vous avez élaboré une nouvelle stratégie. Si oui, en quoi consiste-t-elle ? Et quels sont ses objectifs ?

- Quand je suis arrivé, il y avait la stratégie Ambition 2021, qui est arrivée à échéance. On prépare aujourd’hui une stratégie à horizon 2025 ; ce sera un plan triennal, avec des objectifs chiffrés. Cette stratégie est en discussion au sein de notre conseil d’Administration, mais également avec nos partenaires institutionnels, notamment le ministère des Finances, le Trésor et l’AMMC. La stratégie sera prête dans quelques semaines.

- En attendant d’en connaître le détail, quel est l’objectif central de cette nouvelle stratégie ?

- Les choses sont très claires, et l’axe majeur de cette stratégie sera de rendre la Bourse plus utile et plus accessible. Ce qui répond aux plus grands problèmes de la Bourse.

Dans le diagnostic que j’ai établi depuis ma prise de fonction, j’ai trouvé un grand sac de plaintes. Mais quand j’ai dépouillé ce sac, j’ai réalisé que le problème de la Bourse se résume en un seul mot : le manque d’offre.

On nous dit que la Bourse n’attire pas les petits porteurs, c’est faux. La preuve par l'opération TGCC, où 12.000 personnes physiques se sont ruées sur l’IPO.

On nous dit que la Bourse n’attire pas les investisseurs étrangers, c’est faux. Nous avons des titres où les investisseurs étrangers représentent entre 40% et 45%.

On nous dit que la Bourse n’est pas liquide, c’est faux. La Bourse est même surliquide, dès qu’il y a du papier qui se présente, les liquidités apparaissent.

On nous dit que le marché est survalorisé, c’est faux. Si notre Bourse était survalorisée, les entreprises ne l'utiliseraient plus… Et la réalité, c’est que la Bourse ne reflète que le niveau du taux d’intérêt dans le pays. En Egypte, les taux souverains sont à 15%, donc automatiquement le PER du marché est très bas. Ce qui est le cas inverse au Maroc. Notre marché n’est pas survalorisé, malgré le PER qu’il affiche.

Tout cela pour dire que si le problème se résume à une question d’offre, la solution est unique :  on a besoin que plus d’entreprises viennent utiliser la Bourse.

Je vous donne une statistique très simple : les portefeuilles des OPCVM au Maroc (d'une taille totale de 600 milliards DH) sont constitués seulement de 10% en actions. En Europe, aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, ce taux atteint entre 40% et 50%. Ce chiffre seul montre tout le potentiel de financement de la Bourse de Casablanca envers les entreprises marocaines.

- On a donc une marge de progression énorme en termes de placements et d’investissements, si on change les règles d’allocations d’actifs ?

- Exactement. La nouvelle Charte de l’investissement, dont Sa Majesté a présidé récemment une séance de travail, se fixe comme objectif de faire passer la part de l’investissement privé aux deux tiers de l’investissement global dans le pays, contre un tiers actuellement.

On a tendance à l’oublier, mais l’investissement privé dans les pays développés est porté d’abord par l’investissement institutionnel. Ce n'est pas l’investissement du chef d’entreprise individuel, qui travaille seul dans son coin, qui fait tout. La taille de l’épargne institutionnelle au Maroc est de 800 milliards de dirhams. Si on fait un simple shift dans l’allocation d’actif des instits, chaque point de plus équivaut à 8 milliards de dirhams de financement potentiel. Et cette épargne est prête, elle est seulement sous-allouée, sous-sollicitée.

Tout cela pour vous dire que l’on peut mobiliser au moins 100 milliards de dirhams de financements supplémentaires sur les vingt-quatre prochains mois, si les entreprises privées mais aussi publiques font appel au marché. C’est pour cela que le rapport sur le Nouveau Modèle de développement a donné une grande importance à la Bourse.

Si on prend un peu de recul comme l’ont fait les membres du CSMD, et qu’on voit qu’il y a 100 milliards de dirhams qui peuvent être injectés en capital de manière rapide, on est convaincus du boost important que cela peut donner à l’économie.

- Si on veut relever la part de l’investissement privé, cela passera forcément par la PME et la TPE qui représentent le plus gros du tissu économique. Celles-ci ont besoin actuellement de fonds propres et ceux-là sont en Bourse. Comment faire pour les connecter au marché ou au moins à l’industrie du private equity ?

- Le private equity est l’une des voies qui amènent les entreprises en Bourse. Le rapport sur le Nouveau Modèle de développement le dit aussi. Mais la première étape, c’est de développer la Bourse pour donner un débouché naturel aux activités des fonds d’investissement.

Concernant la PME et la TPE, on a deux problématiques. La première est celle de la transparence fiscale. L’administration fiscale a fait un excellent travail, et les gens commencent à se rendre compte que le coût de la transparence est meilleur que la tentation de l’éviter. Mais malgré cela, il y a un problème culturel qui persiste.  Le chef d’entreprise marocain, même quand ses comptes sont corrects, même s’il a tous les prérequis pour pouvoir venir en Bourse, préfère rester loin des radars.

A notre niveau, ce que nous pouvons porter comme actions, c’est réaliser beaucoup plus de proximité et rendre le marché plus accessible. Le potentiel d’IPOs, tel que notre économie est structurée aujourd’hui, n’est peut-être pas de 500 entreprises, mais il est certainement plus élevé qu’une seule IPO par an.  Pour y arriver, nous devons changer cette culture du « vivons cachés, vivons heureux ».

Deuxième problème, c’est la perception comme je vous le disais. Les gens associent la Bourse à une montagne. Ou à une certaine perte de contrôle, alors que la Bourse est le système de financement qui est le plus agile et qui donne au chef d’entreprise le plus de contrôle.

Quand vous vous introduisez en Bourse, il n’y a pas de garanties, d’hypothèques ou de nantissement à présenter. Et la Bourse n'entre pas dans le conseil d’administration des entreprises. La seule chose que nous demandons aux chefs d’entreprises, c’est de désigner des administrateurs indépendants qui sont nommés à leur discrétion.

Dans toute économie, la création d’emplois passe par les entreprises en croissance, les PME et non par les grandes entreprises, ou les entreprises publiques. Donc, il faut qu’on donne envie à nos chefs d’entreprises de se positionner dans une logique de croissance. La logique actuelle du chef d’entreprise marocain, c’est de préserver au maximum les acquis. Pourquoi fait-il cela ? Ce n’est pas sa faute. Il y a tout un système qui inhibe les énergies et les initiatives, et qui a été bien décrit par le rapport sur le Nouveau Modèle de développement.

L'enjeu pour le Maroc est de faire de la disruption. Il faut que tout le système d’activation économique change en même temps.

L’enjeu pour le Maroc et, c’est un enjeu qui nous implique tous, et ça été dit dans le NMD, c’est de faire de la disruption ; un terme qui plaît beaucoup aux jeunes. Il faut que tout le système d’activation économique change en même temps. Ce n’est pas juste la Bourse qui doit changer, ou la Charte d’investissement… Il faut que la philosophie change, « restaurer la confiance » comme il est marqué dans le titre du rapport du NMD, et dire que notre rôle premier, en tant qu’institutionnels, n’est pas de contrôler, mais de donner confiance aux entrepreneurs pour qu’ils prennent des risques, des initiatives, qu’ils aillent exporter, ouvrir de nouveaux marchés, investir dans la R&D…

Notre plan d’action s’articule autour d’une idée, c’est que la Bourse doit devenir une priorité nationale. Nous ne demandons quasiment pas d’aide, mais juste qu’on laisse la Bourse aider l’économie marocaine en activant les surliquidités abondantes.

- Vous ne voyez pas donc la Bourse comme un simple outil de financement, mais comme un instrument de transformation économique ?

- C’est ce qu’explique le NMD. Quand une Bourse tourne, ce n’est pas seulement un moyen de financement, mais également un moyen de modernisation de la gouvernance, de transparence. C’est aussi un baromètre, un moyen pour les académiciens d’apprendre plus sur l’économie. Une fois que la Bourse est dynamique, tout le reste suit…

C’est l’ambition que nous avons tous pour notre pays. Pour avoir une économie dynamique, Il faut servir du capital agile pour des entreprises agiles !

Sur ce point, il y a effectivement beaucoup de discours d’intention. Nous espérons maintenant avoir des mesures pratiques pour nous aider à développer cette dynamique. Et ces mesures pratiques ne passent pas nécessairement par nous donner des choses, mais juste nous inclure dans les circuits et dans la communication destinée aux entreprises. On espère être cité dans la nouvelle Charte de l’investissement, dans les stratégies sectorielles ou dans les réunions des comités de veille ou de gestion de crise, quand il y a des recommandations sur le financement des entreprises.

- L’Etat a lancé un grand chantier de réforme des entreprises publiques. La Bourse peut jouer un rôle important dans cette réforme en permettant à l’Etat de privatiser certaines entreprises, de céder une partie de leur capital, de les ouvrir au marché pour une meilleure gouvernance et accès au financement... La Bourse est-elle dans les plans du ministère des Finances ?

- Il y a un point important que je veux d’abord préciser. Une IPO n’a rien à voir avec une privatisation. Les entreprises publiques, comme l’a dit Sa Majesté, ont besoin de se réformer, d’être plus efficientes et plus indépendantes financièrement.

L’investissement public est porté aujourd’hui par les EEP. Si ces EEP s’introduisent en Bourse, l’investissement porté par ces entreprises basculera tout de suite de la sphère publique à la sphère privée. C’est donc dommage si on associait une IPO à une privatisation sur le plan légal ou politique. Si on voit l’exemple de Marsa Maroc, il y a un pourcentage minoritaire qui a été introduit par l’Etat, ce qui a permis à l’Etat-actionnaire de garder la main sur ce secteur stratégique ; et à Marsa Maroc de devenir une entreprise qui fait face au marché, qui discute avec les institutionnels, qui a un mode de gouvernance privé. Le NMD dit d’ailleurs qu’il faut amener les EEP à la Bourse le plus tôt possible.

L’IPO vous permet de garder la main, tout en réformant, petit à petit, la culture de l’entreprise et ses modes de fonctionnement. Et autre chose, si l’Etat veut privatiser demain, avoir déjà fait l’IPO vous permet d’avoir une valorisation beaucoup plus intéressante de l’actif à céder. Nous pensons donc que cela peut être un très bon outil pour insuffler la réforme envisagée et portée par l’Etat.

- On entend parler depuis longtemps de nouveaux instruments financiers qui seront lancés, du marché à terme, de produits de couverture de risque… Est-ce que vous travaillez à cela ?

- Oui, on espère avoir des nouvelles très bientôt sur le marché à terme, le marché des dérivés. On espère qu’il y aura une étape majeure qui sera franchie avant l’été et qui fera que, d’ici la fin de l’année, on pourra traiter des « futures » à la Bourse de Casablanca. Techniquement, nous sommes prêts, la majorité du travail qui reste à faire est réglementaire.

Il y avait une proposition du précédent comité des marchés des capitaux pour qu’il y ait une sorte de délégation de pouvoirs bien plus importante de la part du Parlement sur la partie réglementaire des outils des marchés des capitaux. Ce n’est pas encore fait, mais je pense que ce serait une bonne idée, parce que la vitesse des marchés financiers n’est pas nécessairement celle du temps réglementaire.

Mais en tout état de cause, nous espérons avoir une annonce majeure avant l’été, et que ce marché pourra voir le jour avant la fin de l’année. C’est un marché qui est important.

Cela étant, je ne vous cache pas que, pour focaliser les idées et pour qu’on soit audible, je préfère qu’on revienne à la source : il faut d’abord un marché primaire actif pour avoir un marché secondaire actif et un marché dynamique des dérivés. Si on a une demande à faire à l’écosystème qui est à l’extérieur des marchés des capitaux, c’est surtout de nous aider à redynamiser les IPOs à la Bourse de Casablanca.

- Vous organisez dans les deux jours qui viennent les 'Morocco Capital Days' à Dubaï. C’est un événement qui se tient tous les ans à Londres. Pourquoi changer de destination ?  Et qu'apporte concrètement cet évènement au marché ?

- Cet événement de promotion de la place casablancaise se passe habituellement à Londres. Cette année, nous avons choisi Dubaï pour faire la liaison avec les investisseurs de cette grande place financière et, aussi, pour profiter de l’opportunité de l’Expo universelle de Dubaï, où Mme la ministre des Finances sera présente pour la clôture de cet évènement mondial. Pour la Bourse de Casablanca et l’AMMC qui organisent cet évènement, ce sera aussi l’occasion de présenter l’offre Maroc aux investisseurs du Golfe.

Nous avons beaucoup d’investisseurs à Dubaï qui s’intéressent au marché marocain. Et malgré sa cherté, ils sont très dynamiques sur notre marché. Ce sont des stock pickers, pas des investisseurs indiciels. Ils aiment rencontrer des entreprises, écouter des histoires et les accompagner. Et nous avons déjà certaines entreprises cotées qui sont accompagnées de manière très forte par les investisseurs étrangers. C’est dans cette logique que nous allons à Dubaï.

Mais au-delà de cela, le Moyen-Orient a toujours eu beaucoup d’appétence pour le Maroc. Ce qui m’a frappé la première fois quand j’y suis allé, c’est que tout le monde disait : « Ne venez plus nous dire d’investir au Maroc, on est convaincus ; venez nous donner des outils pour investir ! » Du coup, nous embarquons aussi toute la panoplie d’offres marocaine des marchés des capitaux avec nous lors de ce déplacement.

Je pense que c’est une région qui a beaucoup de potentiel pour contribuer encore à l’investissement au Maroc. C’est dans cette logique qu’on emmène tous nos partenaires et les acteurs des marchés des capitaux au Maroc. Ce n’est pas nous qui ferons la majorité du pitch, mais bien les acteurs des marchés des capitaux : les sociétés de bourse, les gestionnaires d’actifs, les acteurs de private equity, les analystes…

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