Impact du Covid-19 sur les clubs de foot : une drôle de crise

Alors que les clubs anglais, espagnols et italiens ont été ruinés par la crise du Covid-19, au Maroc, cette pandémie n’a pas eu un grand impact sur les finances de nos clubs de la Botola, selon nos sources. Voici pourquoi.

Impact du Covid-19 sur les clubs de foot : une drôle de crise

Le 4 mars 2022 à 10h36

Modifié 4 mars 2022 à 14h03

Alors que les clubs anglais, espagnols et italiens ont été ruinés par la crise du Covid-19, au Maroc, cette pandémie n’a pas eu un grand impact sur les finances de nos clubs de la Botola, selon nos sources. Voici pourquoi.

Membre fédéral et ancien président du KAC, Hakim Doumou nous le dit d’entrée de jeu : « Il n’y pas eu de crise chez les clubs marocains parce qu’ils ne génèrent tout simplement rien. Et quand on ne génère rien, on ne perd rien. On ne peut donc parler de crise. »

Son raisonnement est très cartésien. Selon lui, 80 à 90% des recettes des clubs marocains proviennent de l’argent public, de la dotation de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) qui provient des droits télé et du sponsoring porté, dans la quasi-majorité, par des établissements publics, notamment OCP et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Les recettes propres des clubs se limitent à la seule billetterie, qui ne pèse pas beaucoup dans leur budget, mis à part les deux grands clubs de Casablanca, le Raja et le Wydad.

« Nous sommes encore dans un écosystème financé par l’argent public. Cette crise du Covid a montré que les clubs ne travaillent pas pour générer de l’argent, contrairement aux clubs anglais par exemple, qui dépendent essentiellement de la billetterie, du merchandising, des droits télévisuels… Ces clubs sont en véritable crise, mais pas les nôtres. Car l’argent public continue de couler et rien n’a changé », lance Hakim Doumou.

Même le sponsoring n’a pas été touché selon lui. « Les sponsors privés sont rares. Et quand ils sont présents, ils sont mariés en quelque sorte aux clubs qu’ils sponsorisent et ne les lâchent pas, quelles que soient les conditions. C’est le cas par exemple d’Ingelec avec le WAC qui fournit au club 4 millions de dirhams par an. Pour le reste, ce sont généralement des sponsors publics. Rien n’a donc changé. »

Pour rappel, les recettes financières proviennent essentiellement de ces sources :

- La FRMF donne chaque année un montant fixe de 6 millions de dirhams aux clubs, de l’argent issu des droits télé. A cela s’ajoute une variable qui va de 3 millions de dirhams pour le premier club du championnat à 300.000 dirhams pour le dernier du classement.

- Une dotation de 250.000 dirhams est également donnée aux clubs qui participent aux compétitions africaines, avec la prise en charge de 30 billets aller-retour ou une participation à hauteur de 700.000 dirhams pour la location d’un avion privé.

- Les clubs doivent ensuite chercher de l’argent du côté des sponsors, du merchandising et de la billetterie…

La billetterie, seul impact sur les finances des clubs

Ancien dirigeant du MAS, Oussama Benabdellah, dentiste de métier reconverti en journaliste sportif, nous dit à peu près la même chose que Hakim Doumou. « L’impact de la crise du Covid-19 sur les clubs se limite à la billetterie. Et celle-ci ne représente pas beaucoup du budget des clubs, sauf pour le Raja, le Wydad et un peu le MAS, les FAR et l’IRT », explique-t-il.

Il nous donne l’exemple du RAJA de Casablanca qui, selon lui, a perdu en ces deux années de pandémie et d’absence du public, pas moins de 73 millions de dirhams.

« Je prend l’exemple du Raja parce que c’est l’un des rares clubs qui rendent public leur rapport financier. Avant la pandémie, le club avait déclaré des recettes de billetterie de l’ordre de 23 millions de dirhams. Et s’il avait continué sur le même trend, la même stratégie, il aurait atteint des recettes de 40 millions de dirhams par année », note Oussama Benabdellah.

Pour un club comme le Raja, cela représente un gros coup : le club tourne chaque année avec un budget de 100 à 110 millions de dirhams. Le priver du public, c’est lui ôter près de 25% de ses recettes.

Idem pour le WAC, qui déclare des recettes de billetterie de 12 millions de dirhams au 30 juin 2020, qui représente 16% du total produit d’exploitation de 75 millions de dirhams. Un chiffre que notre journaliste spécialisé juge un peu incompréhensible. « Le WAC remplit toujours les stades mais ses recettes déclarées sont toujours inférieures à celles du Raja. On ne comprend pas pourquoi. Cela dit, si on se fie aux chiffres que le club déclare, l’impact de la pandémie a été également lourd et on peut l’estimer à 35 millions de dirhams », souligne Oussama Benabdellah.  Au 30 juin 2021, le WAC déclare zéro recette de billetterie.

A part ces deux clubs, connus pour leur grand public, les autres clubs de la Botola n’ont pas vraiment ressenti le coup du virus, selon nos sources.

Les recettes de merchandising échappent complètement aux clubs

Et cela révèle, selon Hakim Doumou, un grand problème ; une crise dans la crise. « Cette pandémie nous a montré que les clubs ne font aucun effort pour générer de l’argent, à part les ventes de joueurs. Ils ont des centaines de milliers de followers mais ne génèrent rien. C’est incompréhensible. S’ils avaient des recettes propres, ils ressentiraient la crise. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui parce qu’ils continuent de s’appuyer sur l’argent public. A part le Raja et le Wydad, cette crise a montré que les clubs ne travaillent pas, ne cherchent pas de grands sponsors, n’ont pas de politique de merchandising… », signale l’ancien président du KAC.

Le merchandising par exemple, l’une des sources d’argent importantes pour les clubs européens, mais aussi égyptiens, est quasiment absent chez nous. Et tout se joue dans l’informel.

« Le merchandising n’est pas développé au Maroc ; même les tenues vendues n’appartiennent pas aux clubs malheureusement. Seuls le Raja, le Wydad et le MAS ont leurs propres boutiques, mais leurs recettes ne représentent que des miettes face aux volumes qui se vendent dans l’informel », nous dit Oussama Benabdellah.

Hakim Doumou pointe ici la responsabilité des supporters, des ultras qui sont selon lui les premiers bénéficiaires de ce marché. « Ce sont les ultras qui développent des produits en utilisant l’image des clubs. Et les clubs ne touchent aucun dirham des recettes mirobolantes issues des ventes de tenues, de capuchons, de casquettes et d’autres gadgets à leur couleur. Et c’est le cas aussi bien pour le Raja et le Wydad que pour le KAC, les FAR, Tétouan et d’autres clubs », tonne Hakim Doumou.

En somme, les clubs de foot n’ont pas connu la crise du Covid-19 parce qu’ils vivaient déjà dans une crise structurelle. Une crise que la pandémie n’a fait que révéler au grand jour…

D’autres effets indésirables…

Autre impact relevé par Oussama Benabdellah : les dépenses sanitaires qui ont beaucoup augmenté pour tous les clubs de la Botola.

« Les clubs ont été obligés d’effectuer des tests PCR pour les joueurs et la délégation qui les accompagne avant chaque match. Cela coûtait entre 15.000 et 21.000 dirhams par match pour une délégation de 35 personnes. Sur deux saisons, cela représente des dépenses lourdes pour des clubs qui roulent avec des petits budgets. »

Autre aspect, note Oussama Benabdellah, les effets indirects de la pandémie sur l’univers du foot, car les clubs ne sont pas les seuls exposés.

« Il y a eu un effet indirect dans cette crise sur les hôtels, la restauration, le transport, le commerce… Chaque week-end, il y a des matchs dans toutes les villes du Maroc. A cause de l’absence de public, ces secteurs ont également été touchés », explique Oussama Benabdellah.

A combien peut-on estimer le manque à gagner total, quoique minime, de cette crise sur l’univers du football ?

Contacté par Médias24, la FRMF nous a renvoyé vers la ligue nationale, qui gère en principe la Botola. A la ligue, un responsable nous dit qu’il ne peut avancer des chiffres ou des déclarations tant qu’il n’a pas de données précises. « Nous sommes en train d’étudier l’impact de cette crise sur les clubs. Une fois que nous aurons les résultats de l’étude, on vous les communiquera. On ne peut s’avancer sur des éléments que l’on ne maîtrise pas pour l’instant », nous affirme une source au sein de la ligue nationale.

En attendant, le retour du public, décision prise par les pouvoirs publics il y a quelques jours, apporte d’ores et déjà une grosse bouffée d’oxygène aux clubs. Au moins sur le moral des joueurs et des supporters…

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