Le modèle économique de la presse au centre d'une rencontre Bensaid-Lekjaâ-éditeurs

Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, hérite des médias, un secteur complexe qui fait face à une transition longue et pénible pour les éditeurs. Les propos du ministre s'annoncent comme un tournant.

Mehdi Bensaïd et Faouzi Lekjaâ à la rencontre des éditeurs de presse.

Le modèle économique de la presse au centre d'une rencontre Bensaid-Lekjaâ-éditeurs

Le 5 janvier 2022 à 14h57

Modifié 5 janvier 2022 à 16h22

Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, hérite des médias, un secteur complexe qui fait face à une transition longue et pénible pour les éditeurs. Les propos du ministre s'annoncent comme un tournant.

Ce mercredi 5 janvier 2022, Mehdi Bensaid a rencontré les éditeurs membres des organisations les plus représentatives. Il était accompagné de Faouzi Lekjaâ, l'homme sans lequel aucune décision financière n'est possible. Lekjaâ, ministre délégué chargé du Budget, est en effet l'homme fort du ministère des Finances. Les deux ministres montrent en toute occasion du respect au métier de la presse, et cela mérite d'être souligné.

L'objectif de cette réunion dite consultative est d'élaborer des solutions structurelles en faveur de la presse, après la conjoncture particulièrement difficile traversée par le secteur en raison de la pandémie.

Pour la première fois de mémoire de journaliste, un ministre de la Communication soulève la question du modèle économique de l'entreprise de presse, comme étant au centre de toute vision. Exprimant sa conviction que les entreprises de presse remplissent une mission de service public, il évoque la nécessité d'une vision globale, d'une presse "forte", "plurielle". Il insiste, à raison, sur la transition technologique vers le numérique sans abandonner la presse papier.

Bensaid évoque donc l'entreprise de presse qui, au vu de sa mission, nécessite un traitement fiscal particulier. C'est d'ailleurs l'exemple dans de nombreux pays où les entreprises de presse, tout comme les clubs sportifs (exemple que M. Lekjaâ connaît parfaitement), ont un cadre fiscal spécifique.

En ce qui concerne le soutien étatique à la presse, Mehdi Bensaid estime qu'il faut privilégier l'approche de l'investissement plutôt que parler de soutien ou d'aide. Il préconise d'institutionnaliser un mécanisme, avec un cahier des charges et une commission paritaire gérée par un règlement intérieur.

Revenir à un meilleur fonctionnement du marché

Le cadre fiscal spécifique est une piste intéressante, car il est équitable entre les différents acteurs.

Aujourd'hui, le marché est désorganisé, biaisé et littéralement aspiré par les GAFA.

Toute politique en direction de la presse doit avoir un objectif. Celle que nous préconisons à Médias24 est fondée sur les postulats suivants :

- Un média de qualité n'a pas de prix, mais il a un coût.

- Ce coût peut être supporté soit par la collectivité (l'État par exemple), soit par des initiatives privées.

- Il n'existe pas d'exemple d'une presse ou de médias de grande qualité, et en nombre suffisant, créés et gérés par un État. Il n'existe que des exceptions.

- Une presse indépendante et de qualité est indispensable au vivre-ensemble et à la démocratie.

- L'indépendance financière de l'entreprise de presse est indispensable à l'indépendance du contenu.

- Cette indépendance financière est impossible sans un fonctionnement correct du marché, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

- Seul un fonctionnement normal du marché permet d'attirer des investissements. Sans investissements, le marché ne sera jamais attractif.

- Mais l'appétit des investisseurs ne doit pas avoir le dernier mot, sinon l'information serait contrôlée par les plus riches.

- Des règles éthiques et déontologiques ainsi que des garde-fous légaux sont donc indispensables. D'une part, cela permet de ne pas laisser les contenus aux seules mains des individus financièrement puissants. D'autre part, il faut protéger le pluralisme et le soutenir, quitte pour cela à prévoir des aides publiques spécifiques.

À partir de tout ce qui précède, surgissent quelques obstacles à un fonctionnement normal du marché et à l'émergence d'une presse de grande qualité :

- L'assèchement du marché publicitaire marocain par les GAFA (en particulier Google et Facebook) qui aspirent 80% au moins des ressources publicitaires. Ces plateformes occupent des positions tellement fortes qu'elles relèvent des lois antitrust. À l'instar de plusieurs pays, le Maroc doit se servir des lois sur la concurrence pour encadrer les activités de ces géants et limiter les dégâts. Le Maroc doit récupérer son marché. Il n'y a aucune différence entre la défense du marché local pour les textiles, pour la chaudronnerie ou pour la communication.

- L'éthique et les règles de déontologie dans les contenus.

- Il faut interdire le mélange des genres et les conflits d'intérêts : par exemple, un journal ou un groupe de presse ne devrait pas pouvoir exercer des activités d'intermédiaire de publicité ou de conseiller en communication. Car cela rejaillit immanquablement sur son contenu et sur sa mission, censée être établie sur l'indépendance. L'activité d'un journal ne consiste pas à vivre et à gagner de l'argent par la complaisance de son contenu. Mais par ses lecteurs et ses annonceurs.

- De même, une agence de publicité ne devrait pas avoir des intérêts dans des supports, ni créer ses propres supports pour capter la publicité des annonceurs qui lui ont fait confiance. Des exemples, heureusement peu nombreux, existent.

- Les relations entre les annonceurs, les agences et les médias doivent être transparentes. Les pratiques de rétrocommission, dessous de table, pressions diverses sur les supports, doivent être interdites par la loi et sanctionnées. Heureusement, ces pratiques sont minoritaires, et l'exemplarité de plusieurs agences est à saluer.

En espérant que les propos de Bensaid inaugurent un véritable tournant dans cette mission si sensible, si noble, si passionnante qu'est la presse.

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