Les dispositions fiscales du PLF 2022 : les entreprises vont-elles sauver le budget ?

Les mesures d'augmentation de la fiscalité seront supportées par les entreprises bénéficiaires. Il y en a deux essentiellement. La mise en œuvre de la loi-cadre de la réforme fiscale est timide. Les contraintes du contexte ainsi que les ambitions légitimes du budget imposent une forte hausse des recettes ordinaires.

Ph. Medias24

Les dispositions fiscales du PLF 2022 : les entreprises vont-elles sauver le budget ?

Le 19 octobre 2021 à 14h49

Modifié 20 octobre 2021 à 8h16

Les mesures d'augmentation de la fiscalité seront supportées par les entreprises bénéficiaires. Il y en a deux essentiellement. La mise en œuvre de la loi-cadre de la réforme fiscale est timide. Les contraintes du contexte ainsi que les ambitions légitimes du budget imposent une forte hausse des recettes ordinaires.

La problématique du PLF tient en quelques chiffres :

- pour faire face aux ambitieux chantiers, dont la protection sociale, les ressources de l’État doivent augmenter de 26,5 milliards de DH (MMDH) ou 11,6%. Et d’ailleurs, ce montant ne suffit pas et l’endettement apportera le complément.

- dans ce total de 26,5 milliards de DH, les impôts directs sont censés apporter 17 milliards supplémentaires par rapport à 2021.

- sur ces 17 milliards, 13,4 milliards seront apportés par l’IS. Plus de 50% des besoins additionnels du budget de l'État seront, donc, apportés par l’impôt sur les sociétés.

- les recettes fiscales, au titre de l’impôt sur les sociétés, passeront donc de 38,7 milliards en 2021 à 52,1 milliards de DH. Soit une hausse record de près de 35%. Une partie de cette hausse sera mécanique, car venant après une baisse en 2021 provoquée par le recul d’activité en 2020. Mais les entreprises seront, néanmoins, frappées par deux mesures programmées pour 2022 :

*la suppression de la progressivité de l’IS. Elle sera remplacée par la proportionnalité.

*l’instauration d’un impôt de solidarité pour les entreprises bénéficiaires, qui peut atteindre 5% de la base imposable et qui n’est pas déductible du résultat fiscal.

Tout est dit.

Voici donc l’essentiel des mesures fiscales de ce projet de loi de Finances 2022 :

  1. Suppression de la progressivité des taux du barème actuel d'IS

Voici le barème de l’IS (article 19-I-A du Code général des impôts) :

Montant du bénéfice net (DH)       Taux
Inférieur ou égal à 300 000      10%
de 300 001 à 1 000 000      20%
Supérieur à 1 000 000      31%

 Le même barème est gardé, mais il sera dorénavant (si cette disposition est maintenue) appliqué au taux proportionnel, au lieu d’être progressif.

Ceci signifie par exemple : entre 300.000 et 1 million de DH de bénéfice net, le taux de 20% est appliqué à la totalité du bénéfice (et non pas 10% sur la première tranche du bénéfice et 20% sur la deuxième tranche).

Actuellement, l'impôt sur les sociétés est calculé, selon des taux progressifs, avec un plafonnement de taux pour certaines entreprises.

Le gouvernement justifie ainsi cette mesure proposée comme suit : “assurer la convergence progressive, vers un taux proportionnel unifié en matière d'IS, telle que prévue par l'article 4 de la loi-cadre portant réforme fiscale, en perspective de simplification de la structure des taux. Cette mesure permet d'aligner notre système fiscal sur les meilleures pratiques internationales, tel que prévu par les dispositions de l'article 2 de la loi-cadre précitée, ayant recommandé « l'ouverture sur les bonnes pratiques internationales dans le domaine fiscal ».

Elle permet également de mettre en œuvre les objectifs de la loi-cadre suivants :

"- la mobilisation du plein potentiel fiscal pour le financement des politiques publiques, le développement économique, l'inclusion et la cohésion sociales (préambule) ;

- la redistribution efficace et la réduction des inégalités, en vue de renforcer la justice et la cohésion sociales (article 2 de la loi-cadre portant réforme de la fiscalité)".

  1. La contribution sociale de solidarité sur les revenus est supprimée. Elle persiste uniquement pour les bénéfices, donc sur l’IS (article 6 du PLF 2022).
  1. Baisse d’un point de l’IS pour les sociétés industrielles :

Proposition du PLF

Article 19-I-A-9 du Code général des impôts :
Pour les sociétés exerçant une activité industrielle, à l’exclusion de celles dont le bénéfice net est égal ou supérieur à cent millions (100 000 000) de dirhams, le taux du barème de 31% est ramené à 27% (au lieu de 28% précédemment).

L’activité industrielle s’entend de toute activité qui consiste à fabriquer ou à transformer directement des biens meubles corporels moyennant des installations techniques, matériels et outillages dont le rôle est prépondérant.

  1. La réinstauration de la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices des sociétés au titre de l'année 2022 :

Cette contribution sera appliquée aux sociétés soumises à l’IS dont le bénéfice net est égal ou supérieur à un million (1.000.000) de dirhams, à l'exclusion :

- des sociétés exonérées de l'impôt sur les sociétés de manière permanente ;

- des sociétés exerçant leurs activités dans les zones d'accélération industrielle ;

- des sociétés de services, bénéficiant du régime fiscal prévu pour la place  financière "Casablanca Finance City".

La contribution précitée est calculée selon les taux proportionnels ci-après :

- 2% pour les sociétés dont le bénéfice net est situé dans la tranche de 1 000 000 à 5 000 000 de dirhams ;

- 3% pour les sociétés dont le bénéfice net est situé dans la tranche de 5 000 001 à 40 000 000 de dirhams ;

- 5% pour les sociétés dont le bénéfice net est supérieur à 40 000 000 de dirhams.

A noter que cette contribution, qui est assise sur l’exercice 2022, sera néanmoins payée dans le cadre des acomptes versés en 2022.

  1. Changement concernant la CPU (contribution professionnelle unique)

Adaptation et amélioration du régime de la contribution professionnelle unique  (CPU) institué par la loi de Finances 2021.

La loi de Finances pour l'année budgétaire 2021 a institué le régime de la contribution professionnelle unique (CPU), en remplacement du régime du bénéfice forfaitaire. Ce nouveau régime permet aux contribuables de déterminer leur base imposable et de payer spontanément l'impôt correspondant et ce, par application au chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé d'un coefficient fixé pour chaque profession conformément au tableau annexé au CGI.

Toutefois, il a été constaté, après une année de mise en œuvre de ce nouveau régime, que les contribuables trouvent des difficultés dans l'application du coefficient de marge correspondant à leur activité.

En vue d'améliorer ce nouveau régime de la CPU, notamment en ce qui concerne les modalités de sa liquidation, il est proposé de réviser les coefficients de marge appliqués au chiffre d'affaires déclaré, en procédant au regroupement des activités de même nature ; clarifier le mode d'imposition du revenu professionnel déterminé selon le régime de la CPU dans le cas de l'exercice de plusieurs activités par un seul contribuable.

Voici le nouveau barème d’imposition, le précédent barème était effectivement très complexe et trop détaillé.

Article 40.1 du Code général des impôts (détermination de la Base imposable dans le cadre du CPU)

Catégories de professions Coefficient
Commerce Alimentation générale 6%
Autres produits alimentaires 8%
Matières premières

Matériaux de construction

8%
Produits chimiques et engrais 10%
Autres produits non alimentaires 12%
Prestation de services Restauration légère ou rapide 10%
Exploitant de restaurant et débitant de boissons 20%
Transport de personnes et de marchandises 15%
Activités d’entretien 15%
Location de biens meubles 20%
Autres activités de location et de gestion 25%
Coiffure et esthétique

Mécanicien réparateur

Réparateur d’appareils électroniques

Activités artistiques et de divertissement

Exploitant de moulin

30%
Autres artisans de services 12%
Courtiers 45%
Autres prestations 20%
Fabrication Produits alimentaires

Produits non alimentaires

10%
Commerces et activités spécifiques Marchand de tabac 4%
Marchand de gaz comprimé, liquéfié et dissous 4,5%
Marchand de farine, fécules, semoules ou son 5%
Armateur, adjudicataire ou fermier (pêche) 7%
Boulanger 8%

 

  1. Code des douanes et impôts indirects :

Augmentation de la quotité de la TIC sur les e-liquides. Cette proposition vise à augmenter la quotité de la TIC sur les e-liquides, introduite par la loi de Finances n° 19-70 pour l'année budgétaire 2020 et ce, dans le cadre de la protection de la santé du consommateur.

A ce sujet, il est à noter que l'OMS recommande l'application d'une réglementation plus contraignante pour les cigarettes électroniques, notamment en alignant sa taxation avec celle des produits de tabacs.

- Réforme de la TIC applicable sur les cigarettes. Les augmentations successives des prix des cigarettes, sur les dernières années, ont conduit à des écarts importants des niveaux de taxation selon les prix de vente au public de ces produits. Pour instaurer un climat de concurrence dans le secteur et parer à la complexité du système de taxation actuel, il est proposé de revoir les modalités de taxation des cigarettes avec pour objectifs de :

- Instauration d'une TIC sur les produits et équipements énergivores (climatiseurs, réfrigérateurs, congélateurs, lampes à incandescence...)

La liste des équipements concernés comporte, dans un premier temps, les équipements électro-ménagers usuellement utilisés (réfrigérateurs, congélateurs, machines à laver le linge, sèche-linges, lave-vaisselles et climatiseurs) ainsi que les lampes à incandescence. Bien entendu, la liste des articles et appareils soumis à cette taxe sera complétée, au fur et à mesure, des concertations menées avec les départements ministériels et les opérateurs économiques concernées.

Le produit de cette taxe sera affecté au Fonds d'appui à la protection sociale et à la cohésion sociale.

- Instauration d'une TIC pour le recyclage de certains produits et équipements électroniques (téléviseurs, téléphones portables, ordinateurs, batteries pour véhicules ...)

Il est proposé d'appliquer une TIC dite écologique ou de recyclage, sur un certain nombre de produits électroniques qui présentent, au terme de leur cycle d'utilisation, un risque de pollution en fin de vie.

Cette taxe s'appliquera, dans un premier temps, aux téléviseurs, aux batteries pour véhicules, aux téléphones portables, aux ordinateurs et aux tablettes. Bien entendu, la liste des articles et appareils soumis à cette taxe sera complétée, au fur et à mesure, des concertations menées avec les départements ministériels et les opérateurs économiques concernés.

Le produit de cette taxe sera affecté au Budget général de l'État.

  1. Réduction du taux de la cotisation minimale de 0,50% à 0,45%, pour les entreprises bénéficiaires

Actuellement, les entreprises déficitaires bénéficient de l'exonération de la cotisation minimale, durant les trois premières années de leur début d'exploitation. Après expiration de cette période, ces entreprises s'acquittent de la cotisation minimale au taux de 0,50%.

Dans le cadre de la mise en œuvre de l'objectif fondamental prioritaire, prévu par l'article 4 de la loi-cadre, portant réforme fiscale, visant la baisse progressive des taux de la cotisation minimale, il est proposé de réduire le taux de la cotisation minimale, applicable en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt, sur le revenu, de 0,50% à 0,45% pour les entreprises dont le résultat courant hors amortissement est déclaré positif.

  1. Différentes mesures intitulées “Renforcement des garanties des contribuables et la valorisation des missions des commissions de recours fiscal".

- Responsabilisation de la hiérarchie, en matière de notification des redressements.

- Amélioration du dispositif du débat oral et contradictoire.

- Institution des Commissions régionales de recours fiscal (CRRF) et réaménagement des Commissions locales de taxation (CLT).

- Réaménagement de la composition de la Commission nationale du recours fiscal.

  1. Renforcement des moyens de l'administration pour lutter contre la fraude.

L'article 216 du CGI permet, actuellement, d'évaluer les revenus sur la base des dépenses visées à l'article 29 dudit code, uniquement pour les titulaires de revenus professionnels, agricoles ou fonciers. Or, il s'est avéré que dans la pratique et selon le projet de Loi de Finances 2022, cette restriction ne permet pas d'évaluer la situation d'ensemble des personnes dont les revenus ne se rattachent à aucune des catégories de revenus visées à l'article 22 du même code. "Cette lacune est exploitée, à dessein, par les titulaires de ces revenus occultes pour contester leur identification et, par conséquent, l'appréhension desdits revenus, au motif que les dépenses engagées par eux ne sont financées par aucun revenu entrant dans les catégories citées par l'article 216 du CGI."

Dans le cadre de la lutte contre les sources de revenus occultes acquis par les contribuables concernés, qui se manifestent à travers un train de vie non justifié et en application des dispositions de l'article 3 de la loi-cadre portant réforme fiscale visant « le renforcement des dispositions de lutte contre la fraude fiscale », il est proposé de remédier à cette lacune, en procédant à l'identification d'office des contribuables en infraction, aux dispositions relatives à l'obligation d'identification, dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure visée à l'article 216 du CGI.

Par ailleurs et dans le cadre du même objectif visant le renforcement des moyens de l'administration pour lutter contre la fraude, il est proposé d'opérationnaliser la Commission des infractions fiscales (CIF) visée à l'article 231 du CGI. A cet effet, il est proposé de fixer l'organisation et le fonctionnement de ladite commission par voie réglementaire.

Voici tous les documents du PLF 2022

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