USFP. L’opposition, le meilleur scénario pour réanimer le parti socialiste

Le parti de la rose annonce qu'il sera dans l'opposition. L'a-t-il réellement choisi ? Ou a-t-il été recalé par le RNI? Quelle que soit la réponse, ce retour à l'opposition sera probablement une opportunité pour le parti. Certainement moins pour son leader actuel.

LAchgar et Malki reçus par Akhannouch le lundi 13 septembre au siège du RNI.

USFP. L’opposition, le meilleur scénario pour réanimer le parti socialiste

Le 21 septembre 2021 à 21h30

Modifié 22 septembre 2021 à 8h57

Le parti de la rose annonce qu'il sera dans l'opposition. L'a-t-il réellement choisi ? Ou a-t-il été recalé par le RNI? Quelle que soit la réponse, ce retour à l'opposition sera probablement une opportunité pour le parti. Certainement moins pour son leader actuel.

Mardi soir, l'USFP a annoncé avoir choisi l'opposition. Ce mercredi matin, il donne une conférence de presse en son siège à Rabat.

On ne sait pas s'il a délibérément choisi l'opposition ou s'il y a été acculé, annonçant ce choix dans la soirée, après avoir été éventuellement recalé par le RNI. Quoi qu'il en soit, cette sortie (du gouvernement) prend une forme peu glorieuse. Elle pourrait toutefois permettre au parti de redémarrer.

Depuis plusieurs jours, l'éventualité de voir l'USFP écarté de la future alliance gouvernementale était évoquée avec insistance. Le parti était pourtant sûr d’être aux affaires après la victoire de son « allié », le RNI. Une certitude qui a commencé à s'estomper comme l'avaient montré  plusieurs signaux : l’édito du journal du parti Al Ittihad Al Ichtiraki du 16 septembre, qui n’excluait pas cette hypothèse et lançait des messages clairs à Aziz Akhannouch pour le forcer à prendre l’USFP dans sa barque; les publications de certains militants du parti, l’alliance RNI-PAM-Istiqlal pour le partage de la gestion des Régions et des villes, ou encore les graves incidents entre les élus locaux de l’USFP et du RNI, qui ont empêché, lundi 20 septembre, l’élection du bureau du Conseil de la ville de Rabat.

Se retrouver dans l'opposition, après avoir convoité les maroquins, est une claque pour la direction actuelle du parti, peut-être l’une des pires claques de leur parcours politique, mais aussi une extraordinaire opportunité donnée à l’USFP de se reconstruire, de renouer avec la gloire du passé et prétendre rivaliser en 2026 avec l’actuel trio de tête qui le distance de très loin : RNI-PAM-Istiqlal.

Itinéraire d’un enfant gâté…

On le savait avant même le début de la campagne électorale. Driss Lachgar a misé tous ses œufs sur le RNI, parti qu’il considérait comme un allié indéfectible. Pendant que les grands partis politiques faisaient campagne, avec des programmes bien fournis, l’USFP lui, était peu visible, comme on le signalait dans cet article publié en juin 2020.

A la construction d’un programme électoral, sa diffusion, sa promotion, et au débat politique programmatique, Driss Lachgar a préféré tout au long de la campagne faire profil bas, avec des rares sorties où il a plus attaqué le gouvernement dont il faisait partie, plutôt que de présenter ce qu’il porte comme vision pour le pays. Lachgar avait clairement sous-traité son avenir au RNI, le cheval gagnant.

Dès l’élection de Aziz Akhannouch en 2016 à la tête du parti, le RNI et l’USFP se sont rapprochés. C’est grâce à Akhannouch que le parti, qui n’avait que 20 sièges, a pu entrer au gouvernement El Othmani en janvier 2017, en faisant comme on s’en rappelle une « entrée par effraction ». C’est encore grâce au Président du RNI que le parti s’est vu accorder la présidence de la première chambre, dévolue à El Habib El Malki malgré son modeste score législatif.

Gâté, chouchouté, l’USFP de Driss Lachgar croyait cette alliance durable, éternelle. Mais elle ne fut, semble-t-il, qu’une alliance de circonstance, une relation éphémère et totalement intéressée. En tous cas pour le RNI.

En 2016, lors des négociations gouvernementales, Aziz Akhannouch avait besoin de l’USFP, comme du MP et de l’UC, pour faire le contrepoids du PJD qui avait alors obtenu un record inédit en termes de sièges au Parlement (125). En constituant cette alliance des 4, il a bloqué les tractations avec Benkirane et forcé son successeur El Othmani à accepter ses conditions. L’objectif étant d’affaiblir la position du PJD au sein du gouvernement, mettre fin à son hégémonie.

Un objectif que Aziz Akhannouch a finalement atteint, grâce à un travail parallèle sur le terrain, en restructurant son parti, en renouvelant sa ligne et son offre politique, en recrutant de nouveaux militants et candidats et en se plaçant de fait comme le cheval gagnant, pour les élections de 2021.

Pendant ce temps, Driss Lachgar semblait avoir pour seule ambition de garder le parti au gouvernement.

« L’USFP vit une crise qui dure depuis bientôt 20 ans, mais avec Driss Lachgar, le parti s’est complètement disloqué. Lachgar a vidé le parti de toutes ses compétences, écarté ses élites, les militants les plus sincères, les plus honnêtes », nous explique avec amertume un ancien Usfpésite, qui a pris ses distances avec le parti, après l’élection de Driss Lachgar à sa tête en décembre 2012.

Ne portant plus aucun projet sociétal, à parti celui de casser les islamistes par n’importe quel moyen, Driss Lachgar a lié sa survie politique à la participation au gouvernement, et à l’animation de son réseau de clientèle et de notables qui l’a attiré au parti pour lui garantir, à chaque fois, un minimum de 20 sièges pour se constituer un groupe parlementaire.

L’opposition : une mort politique pour le courant Lachgar

Le scénario d'aujourd’hui casse tous les calculs du leader de cette USFP sans âme. Écarté de la nouvelle alliance gouvernementale, Driss Lachgar encourt la mort politique.

Akhannouch avait besoin de l’USFP en 2016. Il s’est rapproché de lui, lui a déroulé le tapis rouge pour atteindre ses objectifs. Cet objectif étant aujourd’hui atteint, l’USFP n’a plus aucun rôle dans l’équation actuelle, où le principal souci du Chef de gouvernement est de constituer un gouvernement serré, une équipe de combat pour réaliser ses promesses et ses engagements électoraux. Que lui apportera l’USFP dans cette nouvelle configuration ? Rien ou presque, comme durant la dernière mandature où le parti de la rose s’est contenté d’abord de deux ministères délégués et un secrétariat d’Etat, pour ne garder qu’un seul maroquin (la justice) après le remaniement d’octobre 2019. Avec toutefois la présidence de la première chambre.

Pour Akhannouch, sortir avec une alliance à trois serait d’abord une première dans l’histoire récente du Maroc. Un premier signal d’efficacité envoyé aux citoyens. Puis, une alliance à trois se donne plus de chances de mieux répartir les portefeuilles ministériels et faciliter les négociations pour la constitution d’un exécutif ramassé autour d’une vingtaine de ministres et de quelques secrétaires d’Etat. Une formule qui plaira également aux Marocains et signera pour l’opinion publique le début d’une nouvelle ère… Vu du côté bénéfice-risque, la participation de l’USFP semble tout sauf une option profitable pour le Chef du gouvernement.

Driss Lachgar aura du mal à garder son siège, lors du congrès annoncé  pour cette fin 2021, si ce n’est pas dans un congrès extraordinaire qui serait convoqué, en urgence, par les militants du parti pour en finir avec cette « mascarade ». Mais l'opposition est également une nouvelle chance de survie au parti de la rose. Une des meilleures chances qui se présente à lui depuis des années…

La dernière chance pour construire une alternative de gauche

En participant au gouvernement, l’USFP serait resté dans le statu quo. A l’opposition, les choses seront totalement différentes. Sa direction actuelle sera probablement remerciée. Et le parti se donnera le temps de se reconstituer, avec un nouveau leadership qui rompt avec l’ère Lachgar, comme a pu le faire Nizar Baraka à l’Istiqlal entre 2013 et 2021. Surtout que les vents mondiaux, de l’est comme de l’ouest, tournent en faveur de l’idéal socialiste comme seul moyen pour résoudre les enjeux du moment, réduire les inégalités sociales, assurer une croissance pérenne et durable, freiner les excès du capitalisme et l’ultra libéralisme…

Mais cette ligne qui se développe, un peu partout dans le monde, après la pandémie du Covid doit être incarnée par des chefs, des leaders charismatiques, crédibles, capables de la porter par des programmes concrets, réalisables. Et l’USFP peut, à l’opposition, se donner cette chance, en portant à sa tête une nouvelle figure, au passif politique positif, incarnant à la fois les idéaux socialistes, mais aussi le renouveau. Un homme comme Ahmed Reda Chami serait parfait dans ce rôle, c'est en tous les cas le nom qui revient sur toutes les lèvres.

Techno-politique, venant du monde de l’entreprise, mais ayant roulé sa bosse dans la politique en tant que député de Fès (législatives de 2011), ministre du Commerce et de l’Industrie sous El Fassi (2007-2011), ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne (2016-2018), puis président du CESE, l’homme a tous les atouts pour réanimer l’USFP, lui donner un nouveau souffle. Son profil fait presque l’unanimité au sein des militants de l’USFP.

« Il y avait deux figures qui pouvaient incarner le changement au sein de l’USFP : Ahmed Zaidi et Ahmed Reda Chami. Le premier est décédé, mais le second est toujours en vie et déborde d’énergie. Il est l’homme de la situation », nous dit un ancien cadre de l’USFP, qui se dit prêt à reprendre sa carte du parti si ce changement s’opère.

Comme lui, beaucoup d’anciens cadres de l’USFP, d’intellectuels, d’ingénieurs, d’entrepreneurs, de professeurs universitaires, dégoûtés par la ligne Lachgar… seront prêts à défendre et à suivre un Ahmed Reda Chami dans un process de changement radical du parti. Un changement qui doit commencer par un repositionnement dans l’échiquier politique.

L’USFP tirait sa légitimité historique de son rôle de gardien de la démocratie. Un créneau qui s’est essoufflé en 2003 après la participation du parti au gouvernement Jettou. Puis est venu le combat contre l’islamisme, sur lequel le parti a essayé de surfer pour se donner une nouvelle légitimité politique. Un marché prometteur mais qui a été vite occupé par d’autres partis (le PAM d’abord, puis le RNI) laissant l’USFP à la marge ou comme un parti support. Et cette ligne est désormais épuisée après la défaite historique du PJD aux législatives de 2021.

Seule ligne qui reste encore inexploitée et où l’USFP peut investir, c’est la reconstruction d’une nouvelle offre de gauche pour faire le contrepoids du bloc centriste-libéral, qui se donne des airs de social-démocratie, qui sera au gouvernement.

Un positionnement qui aura tout son sens, aussi bien pour l’USFP que pour le pays, qui a besoin de deux réelles visions qui se concurrencent dans le champ politique, et surtout d’une alternative à offrir aux citoyens, en cas d’échec de l’option actuelle.

Une USFP dans l’opposition, avec un discours nouveau, un programme renouvelé, inspiré des nouvelles valeurs de gauche et débarrassé des vieilles idées des années 1970, peut jouer parfaitement ce rôle. Et attirer avec lui les autres partis de gauche qui cohabitent avec lui à l’opposition, un PPS renouvelé, mais aussi la FGD et le PSU (s’ils acceptent de discuter programme, mettre de côté les différends politiques et de penser à long terme).

Ou comment faire d'un échec une occasion de redonner vie à un parti cher à des millions de Marocains, construire une nouvelle offre politique de gauche et un bloc d’opposition qui pourra jouer dans la cour des grands et se présenter aux Marocains, comme une sérieuse alternative à la gestion libérale (et un peu égalitaire comme le souhaite l’Istiqlal) qui se met en place.

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