Education. Trois leçons à tirer du dernier classement TIMSS du Maroc

Les résultats de ce classement qui évalue les connaissances d’élèves de plus de 60 pays dans les matières scientifiques mettent le Maroc en bas du tableau, et montrent le grand rattrapage réalisé par les pays asiatiques et émergents par rapport aux pays occidentaux. Voici les principaux enseignements à tirer de ce classement.

Education. Trois leçons à tirer du dernier classement TIMSS du Maroc

Le 9 décembre 2020 à 12h43

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Les résultats de ce classement qui évalue les connaissances d’élèves de plus de 60 pays dans les matières scientifiques mettent le Maroc en bas du tableau, et montrent le grand rattrapage réalisé par les pays asiatiques et émergents par rapport aux pays occidentaux. Voici les principaux enseignements à tirer de ce classement.

Les résultats de l'édition 2019 du classement TIMSS n’ont rien de choquant ou de surprenant pour le Maroc, tellement la réalité de notre système éducatif est connue de tous. Le mal est profond, et cela fait l’unanimité. En cela, les résultats du classement n’apportent rien de nouveau.

Ce classement a porté sur l’évaluation des connaissances des élèves marocains de la 4ème année du primaire (CM1) et de la deuxième année du collège en mathématiques et en sciences. Les élèves du primaire ont été classés parmi les 5 derniers pays qui ont participé aux tests. Ceux du collège sont les derniers du classement en mathématiques.

« Cela confirme ce que l’on savait déjà : le niveau de nos élèves est très bas et on est parmi les pays où la qualité de l’enseignement est la plus faible », note un spécialiste de l’éducation et du développement, consulté par Médias24.

Mais selon notre expert, on ne peut se contenter de ce constat d’échec qui ne nous surprend même plus. Car ce classement est porteur de plusieurs leçons pour le pays, surtout en cette période où l’on essaie d'enclencher une nouvelle trajectoire de développement.

 La persistance des mauvais scores appelle une réforme profonde

La première leçon s’appuie sur la persistance des scores obtenus par le Maroc depuis sa première participation à ce test en 2011. Certes, il y a de petites évolutions d’édition en édition, mais on reste toujours en bas du tableau. Cela montre, selon notre expert, que le problème de l’éducation au Maroc est structurel, et ne peut être lié à des paramètres conjoncturels ou aux conditions d’exercice de tel ou tel test. Si on est les derniers de la classe depuis une dizaine d'années, c’est qu’il y a bien un problème de fond qu’on n’est jamais arrivés à résoudre.

Et ce problème n’est pas lié à la langue de l’enseignement comme on peut l’entendre ici et là. Car ce test a été réalisé en arabe sur des élèves qui ont appris les maths et les autres matières scientifiques en arabe. Le facteur de non-maîtrise des langues étrangères que certains ressortent comme la principale cause de l’échec du système éducatif est donc absent.

Et le test a porté sur les maths, donc sur la logique. Des choses qui n’ont rien à voir avec la langue. Ce qui pour notre expert vient casser ce mythe que l’on véhicule sur le « génie » des Marocains dans les maths. Un mythe que l’on entretient chaque année par la communication autour du nombre d’élèves marocains qui intègrent l’Ecole Polytechnique.

Un critère pas du tout représentatif du niveau des Marocains en maths ou dans les matières scientifiques, car on parle de 30 ou 40 élèves au max sur des millions…

Le vrai critère pour juger du niveau des élèves d’un pays en maths, ce sont les Olympiades. Et dans les Olympiades, le Maroc se classe depuis toujours dans le dernier tiers des pays participants.

« Le problème est donc structurel. Il appelle de fait une réponse structurelle, un changement profond. Il faut quelque chose de nouveau que l’on n’a pas expérimenté jusque-là », insiste notre expert.

L’éducation n’est pas une conséquence du développement, mais un prérequis

La deuxième leçon à tirer vient d’une lecture globale du classement. Le peloton de tête est dominé par les pays asiatiques : Singapour, Hong Kong, Corée du Sud, Taiwan et le Japon, qui devancent de loin les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, les pays scandinaves... « Il y a un groupe de tête, les Asiatiques et puis le reste… », souligne notre expert.

Singapour, la Corée du Sud et Taïwan étaient des pays au même stade de développement que le Maroc il y a 50 ans. Ce sont dans l’ensemble des pays qui ont réussi à se développer très rapidement. Une des raisons essentielles qui expliquent ce rattrapage des pays développés est l’éducation, note notre expert.

« Quand on analyse les choses sur une longue durée, on s’aperçoit que ces pays ont toujours eu des classements favorables dans le domaine de l’éducation. C’est le cas notamment du Japon et de la Corée du Sud, pays pour lesquels on dispose de classements qui datent des années 1980. Cela veut dire que l’éducation précède le développement. L’éducation n’est pas une conséquence du processus de développement, mais un prérequis. C’est un enseignement puissant » explique notre expert.

« Si on pense qu’on va faire 6 à 7% de croissance par an sur une longue durée avec notre niveau d’éducation actuel, c’est qu’on rêve… La productivité générale d’un pays dépend de son niveau médian éducatif. Toutes les études et expériences internationales le prouvent », ajoute-t-il.

Autre donnée à tirer de ce classement : le dynamisme des pays émergents, comme la Pologne ou la Turquie. Cette dernière est classée au milieu de pays développés dans le classement et surclasse même la France. Notre expert parle ici d’un phénomène de convergence vers les pays développés. Une convergence qui passe obligatoirement par l’éducation. « Quand on a un capital humain élevé, on finit par converger », nous dit-il.

Mais l’éducation n’est pas dans ce cas le seul facteur qui explique la « convergence ». La gouvernance compte également. Preuve par la Russie ou l’Ukraine, qui sont bien classées dans le test, mais qui n’arrivent pas à converger vers les niveaux de développement des pays occidentaux.

« Il y a des pays qui ont un bon capital humain, mais qui ne convergent pas, car ils ont une mauvaise gouvernance. Mais une fois qu'on a une combinaison entre éducation et gouvernance, ça finit par converger », explique-t-il.

Mais une chose reste sûre, selon notre expert, c’est que les pays qui ont connu des épisodes de rattrapage rapide sont ceux qui ont commencé par investir massivement sur l’éducation.

L’enseignement pour le Maroc, c’est qu’on ne peut pas aller loin sans changer ce paramètre fondamental. « On peut améliorer des choses, faire des petites réformes, mais sans un changement profond, un vrai miracle éducatif, on ne pourra jamais réaliser un rattrapage au niveau du développement. Les pays les plus dynamiques, ceux qui ont réussi le rattrapage ont des niveaux éducatifs très élevés. Et donc l’éducation est une condition essentielle au rattrapage économique auquel aspire le Maroc. S’il y a donc quelque chose avec laquelle il faut qu’on commence, c’est l’éducation ».

Décrochage de la France et le parallèle marocain

Ce classement Timss a confirmé encore une fois le décrochage de la France qui dégringole d’année en année et qui est aujourd’hui le dernier du classement parmi les pays développés. Pour notre expert, ce décrochage, il faut voir comment les Français eux-mêmes l’expliquent pour casser un tabou que l’on n’ose pas évoquer chez nous : le niveau des profs.

Dès la sortie du classement, responsables français, experts et grands journaux ont en effet tous expliqué ce résultat par une seule et unique chose : le niveau des profs qui ne cesse de se dégrader.

« Le niveau des profs, leur formation, l’attractivité du métier, c’est le thème central en France aujourd’hui. C’est ce qui explique selon eux cet écroulement. Et ce qui est vrai en France l'est aussi au Maroc », souligne notre expert.

Mais les cas français et marocains présentent quelques différences selon notre expert. « En France, ils ont un problème de formation. Au Maroc, nous avons un problème et de formation et de sélection. En France, l’éducation recrute des profs qui ont des masters généralement en sciences humaines, sociologie, histoire… Ils n’arrivent pas à attirer des profils scientifiques. Du coup, ils se retrouvent aussi bien dans le primaire que dans le collège avec des profs de maths qui ne sont pas des mathématiciens, mais des gens diplômés en sociologie et qui ont reçu une petite couche de formation supplémentaire pour pouvoir entrer en activité… »

Ce qui n’est pas le cas en Allemagne ou dans les pays asiatiques qui ont un système totalement différent puisque les profs intègrent dès le bac des formations spécialisées dans l’éducation. Avec un enseignement théorique et pratique.

« C’est ce modèle de filières spécialisées après le bac qui produit de bons profs. L’éducation, l’enseignement, c’est un métier qui s’acquiert. C’est ce qui se fait dans tous les pays qui ont réussi le miracle éducatif. Ce qui n’est pas le cas en France, où le métier s’est perdu », explique notre expert.

Au Maroc, selon lui, en plus de ce problème de formation, il y un problème de sélection. Car le système tel qu’il est conçu aujourd’hui n’attire pas les bons profils. Les profs que le département de l’Education recrute tous les ans ont un faible niveau académique et pédagogique. Le métier n’est pas du tout attractif pour les bons profils.

Pour changer cette donne, il faut que la filière retrouve son prestige, à travers une politique de recrutement assez stricte et exigeante, la revalorisation des niveaux de rémunération. Et une fois recrutés, ces profils hautement qualifiés doivent avoir une visibilité sur leur carrière.

C’est tout le contraire de ce qui est appliqué jusque-là où les pouvoirs publics ont décidé depuis quelques années, pour des raisons purement budgétaires, de recruter des profils en CDD, qui arrivent de formations assez diverses et qui sont vite recyclés dans des instituts spécialisés pour entrer en activité. Une politique qui donne l’impression que l’éducation est devenue un mal nécessaire, un boulet que l’Etat traîne, et que le recrutement des profs n’est qu’un simple moyen d’acheter un semblant de paix sociale. 

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