Baisse des droits d’enregistrement : « 6 mois de sursis ne relanceront pas le secteur immobilier » (analystes)
En prolongeant et améliorant la réduction des droits d’enregistrement pour les achats immobiliers instaurée dans la LFR 2020, la commission des finances de la première chambre espère redynamiser le secteur immobilier. Mais pour les professionnels et les analystes, cette seule mesure est loin d'être efficace.
Dans la loi de finances rectificative (LFR) de 2020, il a été décidé d’accorder aux acquéreurs de biens immobiliers, une réduction de 50% sur les droits d’enregistrement. Cela concerne les logements ou terrains destinés à un usage d’habitation d’une valeur qui ne dépasse pas 2,5 millions de dirhams. Pour les acquéreurs de logements sociaux, une exonération totale des droits d'enregistrement a été accordée.
Le 12 novembre, la commission des Finances de la première Chambre a adopté une nouvelle mesure dans le PLF 2021. L’avantage est prolongé jusqu’à juin 2021 et le plafond a été relevé à 4 millions de dirhams.
Un moyen de continuer à encourager l’achat de logements pour redynamiser un secteur largement entamé par la crise sanitaire. Une mesure qui a d’ailleurs porté ses fruits au vue de la progression des ventes de logements depuis le mois d’août dernier.
Mais pour les professionnels du secteur, si cette mesure est nécessaire et bienvenue, le redémarrage dans ne peut se faire sans des décisions bien plus fortes.
Manque d’aides à la demande
Même si cet avantage octroyé reste loin de satisfaire le cahier revendicatif des professionnels de l'immobilier, ils se réjouissent de sa prolongation et son amélioration. Contacté par Le Boursier, Mustapha Allali, vice-président de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI) nous explique, « nous nous réjouissons de cette mesure car elle va participer à booster un peu le marché qui a reçu un grand coup. Nous espérons que cela aidera à la relance, surtout que l’élévation du plafond à 4 millions de dirhams permettra de couvrir près de 90% du marché ».
Mais pour une relance solide, les professionnels comptent sur de multiples stimulations comme les allègements fiscaux, mais également les aides à la demande. Or ces dernières sont absentes. « Nous attendons toujours que les banques participent à cet effort. Notamment par la baisse des taux d’intérêts qui sont largement supérieurs à ceux de l’Espagne ou de la France par exemple. On parle d’une différence de deux à trois points, ce qui est énorme. Nous espérons que ces derniers baissent, ne serait-ce que pour atteindre les 3% ou 3,5%. Le taux directeur de BAM a été abaissé et les banques n’ont pas répercuté cette baisse sur leurs clients » déplore le vice-président de la FNPI.
Un avis corroboré par notre autre source du secteur. « Il faudrait jouer sur l’épargne des ménages ainsi que leurs revenus pour redynamiser l'immobilier. Si des mesures fortes sont mises en place, une personne qui n’avait pas nécessairement l’idée de passer à l’achat pourrait envisager la chose. Aujourd’hui, nous n’y sommes pas ».
De nombreuses revendications de la FNPI qui n'avaient pas été entendues lors de l'adoption de la LFR 2020, n’ont pas été abordées dans le PLF 2021. Il s’agit notamment de la révision des droits de la Conservation foncière qui n’ont pas été abaissés. « Les droits sur l’immatriculation à la Conservation foncière sont très élevés. Trop élevés ! De plus, cette administration a des référentiels des prix de l'immobilier bien supérieurs à ceux de la DGI. Nous devons payer pour l’acquisition d’un terrain, payer pour la construction, payer pour éclater les titres… Nous avons beau rappeler cela, personne ne veut nous entendre » déplore Mustapha Allali.
De plus, la durée du prolongement jusqu’en juin 2021 de l'avantage sur les droits d'enregistrement semble insuffisante pour assurer de façon pérenne un redémarrage du secteur. « C’est regrettable que cette prolongation s’arrête au mois de juin 2021. Pourquoi ? On considère que 2021 sera sous le signe de la relance, donc pourquoi mettre cette incitation que sur la moitié de l’année ? Certes il y aura un manque à gagner pour l’Etat, mais si l’on relance la machine, il gagnera sur le volume », explique notre professionnel du secteur.
Qui plus est, rien n’a été annoncé concernant le dispositif du logement social. Avec une fin des avantages fiscaux au 31 décembre 2020, le secteur est dans l’attente d’une prolongation et de plus de visibilité. « Tout ce qui est structurel n’a pas été évoqué. La problématique des logements sociaux et des exonérations qui existent dans le secteur n’a pas été abordée… et ça c’est le grand chantier à venir. J’ai l’impression que le sujet n’est pas à l’ordre du jour » déplore notre source.
La mesure pourra-t-elle doper les valeurs immobilières en bourse ?
Si cet avantage fiscal permettra probablement de booster légèrement les ventes immobilières, la visibilité reste trop restreinte sur le secteur pour espérer une embellie boursière. Contacté, un analyste de la place nous explique : « personne ne sait comment va évoluer la situation concernant les incitations fiscales sur les logements sociaux et cela crée énormément d’incertitudes dans le marché. Surtout quand on sait que les principales sociétés de la place opèrent sur le social. Des bruits courent sur des versements directs de l’Etat aux acquéreurs, mais rien de tout cela n’est officiel. Les répercussions sur les immobilières cotées seront très limitées car la problématique concerne tout le secteur. Maintenant le marché attend le nouveau programme sur le logement social ».
« Tant qu’il n’y aura pas cette visibilité de long terme, les investisseurs ne s’intéresseront pas à ces valeurs. Aucun investisseur institutionnel ne peut investir dans ces valeurs en ne sachant pas ce qu’elles pourront générer dans un an ou deux » conclut un autre analyste de la place.
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