Fiscalité locale: ce qui changera à partir de janvier 2021

Le ministère de l’Intérieur n’a pas attendu la loi-cadre sur la fiscalité pour entamer le chantier de réforme de la fiscalité des collectivités locales. Un projet de loi instituant de nouvelles règles dans la détermination de l’assiette fiscale, les seuils de taxation et la distribution des recettes, vient d’être adopté en Conseil de gouvernement. Voici les principaux changements qu’il apporte.

Fiscalité locale: ce qui changera à partir de janvier 2021

Le 10 novembre 2020 à 10h47

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Le ministère de l’Intérieur n’a pas attendu la loi-cadre sur la fiscalité pour entamer le chantier de réforme de la fiscalité des collectivités locales. Un projet de loi instituant de nouvelles règles dans la détermination de l’assiette fiscale, les seuils de taxation et la distribution des recettes, vient d’être adopté en Conseil de gouvernement. Voici les principaux changements qu’il apporte.

Porté par le ministère de l’Intérieur, le projet de loi a été adopté le 5 novembre en Conseil de gouvernement. Il passera au Parlement pour vote pour entrer en vigueur à partir de janvier 2021. Il s’agit du projet de loi 07.20 qui vient modifier et compléter la loi 47.06 entrée en vigueur le 6 décembre 2007, sous le gouvernement El Fassi.

Selon la note de présentation du projet de loi, ce texte n’est qu’une première étape dans le chantier de la réforme de la fiscalité locale, « en attendant la loi-cadre sur la réforme fiscale qui fixera le cap des réformes globales du système fiscal sur la base des recommandations des assises de la fiscalité de mai 2019 », signale le ministère de l’Intérieur dans sa note de présentation.

Objectif de ce projet de loi selon le département de l’Intérieur : apporter plus d’équité fiscale et augmenter les recettes propres des collectivités territoriales.

Les changements qu’il apporte porte globalement sur quatre volets :

1- L’adéquation des dispositions actuelles de la fiscalité locale aux changements constitutionnels de 2011, aux évolutions qu’a connues le Code général des impôts depuis 2008, ainsi qu’aux nouvelles règles de découpage administratif des territoires survenues entre-temps.

2- La revue de l’assiette fiscale qui va dans le sens de son élargissement pour augmenter le potentiel de recettes des collectivités, ainsi que dans les règles d’affectation des recettes collectées entre collectivités et budget général de l’Etat.

3- L’amélioration et l’assouplissement des règles de recouvrement de l’impôt, par l’introduction notamment du canal digital aussi bien pour les déclarations que pour le paiement.

4- La révision du champ des incitations et des exonérations fiscales pour les adapter au code général des impôts et au nouveau contexte économique.

Taxe professionnelle : la valeur locative, augmentée tous les 3 ans au lieu de 5 ans

Une des principales nouveautés apportées par ce projet de loi, l’affectation des recettes de la taxe professionnelle.

L’actuel texte de loi passé sous El Fassi fixait dans son article 11 une clé de distribution qui désavantageait les collectivités territoriales où sont exercées les activités soumises à cette taxe, qu’on appelle communément « la patente ». Seules 80% des recettes de la patente alimentent actuellement les budgets des collectivités. 10% va au budget général de l’Etat, le reste est affecté aux budgets des chambres professionnelles (agriculture, commerce, services, artisanat…).

La nouvelle clé de distribution porte la part des collectivités territoriales à 87%, et à 11% celle qui va aux chambres professionnelles. Le budget général de l’Etat se contentera de 2% de l’ensemble des recettes de la taxe professionnelle.

Un changement majeur qui augmentera sensiblement les recettes propres des collectivités. Ce qui est justement un des objectifs principaux de cette première étape dans la réforme de l’arsenal juridique de la fiscalité locale.

Calculée sur la base de la valeur locative du lieu où est exercée l’activité commerciale ou professionnelle, la taxe professionnelle connaitra également des changements dans son mode de calcul. La loi actuelle applique un tarif sur la base d’une valeur locative révisable tous les 5 ans à hauteur de 2%. Pour élargir le potentiel de recettes des collectivités territoriales, le nouveau projet de loi fait passer le délai de révision de la valeur locative à 3 ans, tout en maintenant le taux d’appréciation automatique des loyers à 2%.

Taxe de séjour : Les logements Airbnb et Booking passent à la caisse

Autre nouveauté visant également le même objectif d’augmentation des recettes propres des communes et autres collectivités territoriales : l’élargissement de l’assiette de la taxe de séjour. Cette taxe s’applique jusque-là aux seuls hôtels et sites d’hébergement touristique. Le nouveau projet de loi élargit son application aux appartements meublés loués à des fins touristiques, notamment à travers les plateformes électroniques. Une disposition qui vise (mais sans la nommer) l’activité florissante de plateformes comme Airbnb et Booking.

Ces activités de location parallèle, dites « autres formes d’hébergement touristique » dans le projet de loi se verront appliquer des tarifs assimilés aux hôtels 1 ou 2 étoiles, soit 2 à 5 dirhams par personne hébergée et par nuit. Les hôtels 5 étoiles appliquent pour rappel à leurs clients un tarif allant jusqu’à 25 dirhams par nuit et par personne.

En plus d’élargir l’assiette de collecte de l’impôt pour les collectivités territoriales, cette disposition sonne clairement comme une adaptation nécessaire du dispositif fiscal aux évolutions qu’a connues le secteur touristique entre 2008 et aujourd’hui.

Taxe sur les opérations de construction : la mise en conformité de l'habitat non réglementaire entre dans le champ fiscal

D’autres modifications ciblant le même objectif sont introduites au niveau de la taxe sur les opérations de construction. Celle-ci s’applique actuellement aux opérations de construction et de rénovation. Le nouveau projet de loi y ajoute également les opérations de mise en conformité des constructions illégales ou clandestines ainsi que les opérations de démolition.

Cette taxe qui est payée actuellement une seule fois au moment de l’obtention du permis de construction sera désormais due à chaque fois que le propriétaire du bien demande des autorisations de mise à niveau ou de changements dans le plan déposé initialement. De nouvelles taxes qui ne s’appliqueront toutefois qu’à la surface concernée par lesdits changements.

Le tout avec un seuil minimum de perception de 1.000 dirhams. La taxe d’habitation ne peut donc nullement être inférieure à ce seuil, qui n’existe pas, il faut le signaler, dans la législation actuelle.

Pour augmenter encore une fois le potentiel fiscal de cette taxe, le projet de loi modifie la durée d’exonération pour la construction des résidences principales. L’actuelle loi accorde une durée de grâce de 5 ans après la fin des travaux de construction. Durée qui passe dans le nouveau projet de loi à 3 ans.

Perception et recouvrement : les créances inférieures à 200 dirhams, abandonnées

Le projet de loi apporte également des changements au niveau des exonérations et des incitations fiscales.

Pour les couches défavorisées aux bas revenus, le projet de loi décide de l’abandon de toute créance fiscale inférieure à 200 dirhams. Et fixe ce seuil des 200 dirhams comme fait générateur de l’impôt. C’est-à-dire que toute taxe locale dont la valeur est inférieure à 200 dirhams ne doit plus faire l’objet d’un avis d’imposition.

La batterie des exonérations est également étendue aux différentes institutions à but non lucratif créées depuis 2007, date de promulgation de l’actuelle loi. Et intègre également les évolutions industrielles du pays.

Ainsi, les sociétés actives dans les zones d’accélération industrielles ont été intégrées dans le champ d’exonération, mais seulement pour les 15 premières années de leur entrée d’activité. Idem pour le fonds Africa 50, créé récemment par la Banque Africaine de Développement, établissement qui était déjà dans la liste des institutions exonérées des impôts locaux.

Taxe sur les terrains non bâtis : des assouplissements pour les promoteurs immobiliers

Si le projet de loi tend globalement à augmenter les recettes des collectivités, il tente également d’assouplir la fiscalité appliquée à certaines activités. Une tendance qui se voit clairement dans les nouvelles dispositions concernant les actes de promotion immobilière, dont certains avantages ont été élargis.

Premier exemple : les promoteurs engagés dans la construction de résidences, de cités ou de campus universitaires.

Dans l’actuelle loi, ces promoteurs étaient exonérés du paiement des taxes locales quand ils s’engageaient à construire des campus d’au moins 500 chambres. Cette exigence est allégée dans le nouveau projet de loi et passe à uniquement 50 chambres. Une disposition qui peut être lue comme une incitation aux projets de cités ou de campus universitaires dans toutes les régions du Royaume.

Autre incitation accordée aux promoteurs : l’augmentation du délai de grâce sur les terrains non bâtis. Dans l’actuelle loi, l’exonération sur les terrains non bâtis courait jusqu’à 7 ans pour les terrains de plus de 100 ha après l’obtention de l’autorisation de lotissement.

Le nouveau projet de loi porte ce délai à 15 ans et crée de nouvelles tranches en termes de surfaces :

- Entre 30 et 100 ha, l’exonération dure 5 ans.

- Entre 100 et 250 ha, la durée de l’exonération est de 7 ans.

- Entre 250 et 400 ha, le délai de grâce est de 10 ans.

- Ce délai passe à 15 ans à partir d’une surface de 400 ha.

L’actuelle loi fixe seulement trois tranches : 3 ans pour les terrains non bâtis de moins de 30 ha, 5 ans pour les terrains de 30 à 100 ha et 7 ans pour des superficies dépassant les 100 ha.

Le nouveau projet de loi apporte donc un véritable assouplissement de ces règles de taxation. Et accorde de véritables incitations aux promoteurs immobiliers qui détiennent des terrains non bâtis.

Ces incitations ne s’arrêtent pas là. Dans l’actuelle loi, si le promoteur n’achevait pas son projet dans le délai d’exonération, et ce, par l’obtention officielle d’un permis d’habiter, il devait passer à la caisse en payant de manière rétroactive la taxe sur la durée où il était exonéré.

L’actuel projet de loi apporte ici un assouplissement majeur et propose que le paiement de la taxe ne doive avoir lieu que si le promoteur n’achève pas au moins 50% du projet.

Ces dispositions peuvent être sujettes à une double lecture : on peut les interpréter soit comme de nouveaux cadeaux fiscaux aux promoteurs immobiliers, soit comme une adaptation du corpus fiscal à la réalité du secteur qui connait un tassement de la demande, et où beaucoup de promoteurs n’ont plus la capacité financière d’achever des projets sur des terrains achetés au moment de la bulle immobilière.

Présenté comme une première étape pour mettre un peu d’ordre dans la fiscalité locale, ce projet de loi sera suivi, comme le signale le ministère de l’Intérieur dans sa présentation, par de nouvelles dispositions qui seront proposées dans une seconde étape pour intégrer les recommandations des dernières assises de la fiscalité ainsi que les résultats des travaux de la commission spéciale sur le modèle de développement.

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