Récit. Le douar de Tigouliane au croisement du Covid-19 et de la sécheresse (2/4)

Le sociologue Mohamed Mahdi, spécialiste des problématiques rurales, a consacré un long récit estival au douar de Tigouliane, dont il est originaire. Dans ce deuxième épisode, il raconte les tensions locales générées par la rareté de l’eau et les nouveaux fléaux qui s’incrustent au sein de la communauté locale et bousculent ses mœurs.

Récit. Le douar de Tigouliane au croisement du Covid-19 et de la sécheresse (2/4)

Le 16 octobre 2020 à 15h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Le sociologue Mohamed Mahdi, spécialiste des problématiques rurales, a consacré un long récit estival au douar de Tigouliane, dont il est originaire. Dans ce deuxième épisode, il raconte les tensions locales générées par la rareté de l’eau et les nouveaux fléaux qui s’incrustent au sein de la communauté locale et bousculent ses mœurs.

Le problème de l’eau est à la fois crucial et menaçant, actuellement et à l’avenir. Il est vécu avec différents degrés d’acuité par les diverses communautés de la commune rurale.

Quelques douars souffrent dramatiquement du problème. C’est le cas de Warowad et Bousguine, situés dans la basse montagne, dans le ''pays de l’arganier''. Les 2.000 habitants de ces douars sont presque maintenus sous perfusion cette année.

L’année est d’ailleurs tristement exceptionnelle, me confie le président de la commune. Des camions citernes d’une capacité de 14 tonnes se relaient à raison de deux fois par semaine pour remplir les réservoirs d’eau (''natfia'', en tamazight) des deux douars. Les puits forés par des bienfaiteurs n’ont malheureusement donné qu’une eau salée impropre à la consommation.

La rareté de l’eau, source de conflits

A Tigouliane, depuis trois ans, des forages de puits ont été réalisés ou sont en projet. Certains de ces puits sont financés par des bienfaiteurs ou soutenus par des associations, notamment ''Foreurs sans frontières''. Aucun des puits n’est encore fonctionnel, pas plus que leur débit réel n’est pour l’heure bien connu.

A ce rythme, les puits essaimeront dans le douar dans l’ignorance absolue du potentiel réel de la nappe phréatique. L’agence du bassin n’oppose aucune contrainte majeure à cette course vers l’accès aux eaux souterraines. Ce sont là d’autres initiatives d’adaptation aux changements climatiques qui cherchent des alternatives à l’amenuisement de l’eau des sources.

De plus, la rareté de l’eau encourage la fraude et génère le conflit. Les ''vols'' et les détournements d’eau ponctuent la vie quotidienne de la communauté. La ''triche'' concerne aussi bien l’eau potable que l’eau d’irrigation. La tension sociale monte dans le douar. L’association ''Foreurs sans frontières'', qui gère le réseau d’adduction d’eau potable, a intenté son premier procès à un adhérent qui a trafiqué le compteur d’eau, brisant ainsi les clauses du contrat qui le lie à l’association.

L’affaire a été porté devant le procureur du Roi. Une première, mais qui met en péril les modes de régulation par la coutume, puisque les conflits sont traditionnellement résolus par les membres de la communauté en recourant à la coutume. Des actes de sabotage s’en sont suivis. L’ampleur des conflits autour de la ressource eau menace la pérennité de ce projet, qui a pourtant fait le bonheur de la population en les soulageant de la corvée d’eau.

De nouveaux fléaux dans les mœurs communautaires

La route bitumée reliant Taroudant aux douars de la commune a désenclavé physiquement Tigouliane, facilitant la mobilité de sa population vers Taroudant et ses environs, où prospère une ''agriculture de firme''. Ce fut une aubaine pour les chefs de famille à la recherche de quelques opportunités de travail.

A Tigouliane, le transport des personnes et des marchandises est assuré par trois véhicules. Depuis peu, ce parc roulant s’est enrichi par des motocycles qui, désormais, sillonnent les routes et les pistes. Moyen de transport privilégié des jeunes, certains d’entre eux l’utilisent pour approvisionner une certaine clientèle du douar en résine de cannabis et d’autres mauvais alcools. Voilà des fléaux qui pénètrent dans les mœurs de cette communauté où, jusqu’à très peu encore, fumer une cigarette était socialement réprouvé.

Le désenclavement et la mobilité dévoilent ainsi leur face socialement et culturellement sombre. Impuissante et résignée devant ce nouveau malheur, la population répète : ''Ayaâ’fou Rabbi !'' (''Que Dieu pardonne !''), ou bien ''Ayahdou Rabbi !'' (''Que Dieu remette dans le droit chemin !''). Une façon désarmante de mettre fin à toute discussion sur le sujet.

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