Ce que l'on sait sur la petite communauté des Business Angels au Maroc

Brian Brequeville | Le 14/10/2020 à 16:24

Avec des mises allant généralement de 50.000 à 1 million de dirhams par projet, les Business Angels sont le plus souvent des entrepreneurs ou hommes d’affaires ayant une appétence au risque. Ils investissent principalement dans les secteurs des technologies, du numérique et des énergies propres.

Alors que l'écosystème des startups peine à se développer au Maroc à cause notamment des difficultés d'accès au financement et à l'accompagnement, les Business Angels pourraient jouer un rôle clé. Ces personnes qui apportent réseau, mentoring et argent en échange d’une partie du capital. Si cette source de financement est développée dans certains pays occidentaux, elle accuse encore du retard au Maroc. L'activité des Business Angels reste méconnue et les motivations de ses acteurs mystérieuses. Tickets moyens investis, risques acceptables, secteurs d'activités préférés, effort d'accompagnement..., voici ce que l'on sait de leurs pratiques.

Un profil très entrepreneurial

D'abord, il faut savoir que la communauté des Business Angels au Maroc est très petite. Il n'existe pas de réseau national ou de chiffres précis mais ces investisseurs sont très peu nombreux.

Jérôme Mouthon, président de la French Tech Maroc fait partie des Business Angels de l’écosystème marocain. Parmi les 12 membres actifs du Club des Business Angels à la Chambre Française de Commerce et d'Industrie du Maroc (CFCIM), il investit du temps et occasionnellement de l’argent dans l’accompagnement de jeunes entreprises innovantes. Contacté par LeBoursier, il nous dresse le profil des Business Angels qu’il côtoie. « Généralement, il s’agit d’entrepreneurs ou des personnalités du monde des affaires. Il y a également beaucoup de chefs d’entreprises entre 40 et 60 ans qui cherchent à investir et accompagner une jeune entreprise. Il y a aussi des intrapreneurs, des gens qui ont toujours rêvé d’entreprendre mais qui ne l’ont jamais fait dans leur vie professionnelle », explique Jérôme Mouthon.

Les Business Angels peuvent être loin du monde des technologies et de l’internet. Certains capitaines d’industrie n’hésitent pas à miser sur les jeunes pousses innovantes aux antipodes de leur domaine. Karim Tazi, administrateur du Groupe Richbond nous donne sa vision de ces personnes qui décident de prendre des risques en accompagnant des projets. « Il y a les capitaines d’industrie et aussi des personnes qui ont réussi dans le domaine des services. Ma vision est la suivante : Ceux qui ont construit leur groupe sur la base d’une idée entrepreneuriale et l’ont fait grandir en ce sens restent toujours sensibles à la prise de risque. Ceux qui sont susceptibles d’être des Business Angels, ce sont ces gens-là » décrit-il.

Une motivation au-delà du ROI

Dans le Club des Business Angels de la CFCIM, Jérôme Mouthon nous précise que « les montants investis par Business Angel sont d’un maximum de 500 000 dirhams par paliers de 50 000 ou 100 000 ». De son côté, Karim Tazi nous confie que « dans le milieu des Business Angels, les tickets peuvent atteindre 250 000, 500 000, maximum 1 million de dirhams ». Des montants qui selon lui « ne permettent pas de faire fortune en tant que Business Angel » mais qui permettent d’avoir un rapport humain très enrichissant avec le porteur de projet.

Car au-delà du profit que l’investissement peut engendrer, c’est également l’accès à une autre vision du marché qui devient possible. « Il y a la partie coaching qui est une récompense très intéressante. De nombreuses entreprises dans le numérique œuvrent dans un secteur qui viscéralement n’est pas le mien. Je suis pour ma part le fruit d’une autre vision de l’économie. Ces jeunes porteurs de projets qui s’adressent à nous, apportent une autre vision du monde et nous ouvrent les yeux sur les opportunités et la réalité d’un secteur d'avenir » nous confie Karim Tazi.

De son côté, William Simoncelli, fondateur de Carré Immobilier et Business Angel nous confie : « Les prévisions de ROI (retour sur investissement) sont naturellement importantes dans la prise de décision. L’aspect financier a un réel intérêt car ce sont nos indicateurs de performances. L’aventure doit être financièrement viable, cependant c’est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il y a une transmission qui est nécessaire dans le don de connaissance, de savoir et d’expérience ».

Un jeu où il faut accepter de perdre

Mais dans la vie de Business Angel, l’accompagnement des jeunes entreprises innovantes et les fonds apportés ne sont pas synonymes de succès. L’échec et la perte totale de la mise restent monnaie courante. Pour Karim Tazi, le risque de casse est inhérent au milieu et l'investisseur se doit d'accepter de perdre de l'argent. « Le risque est là par définition. Il faut accepter la perte totale de la mise. Si vous décidez d’investir dans une dizaine de startups en misant 150 000 dirhams sur chacune par exemple, il faut accepter de perdre 50% voir les deux tiers de ce que vous avez misé » nous confie l'administrateur de Richbond.  

Un constat également partagé par Jérôme Mouthon qui de son côté nous explique que « 60% des investissements effectués n’ont mené à rien ». D’où la nécessité de diversifier son portefeuille d’investissements pour maximiser la garantie d’un retour. 

Leurs secteurs porteurs d’investissements

Chaque Business Angel a son secteur de prédilection dépendamment de son bagage professionnel. Généralement, les investissements sont dirigés essentiellement vers la technologie et le numérique. Il y a deux raisons pour cela. Premièrement, le potentiel de scalabilité des startups dans un secteur technologique. C'est à dire l'aptitude à grossir et générer du cash. « L'objectif c'est que la startup passe à l'échelle supérieure, et qu'à terme il y ait un potentiel de rachat par une plus grosse société ou que les fondateurs puissent racheter les parts des Business Angels ou encore qu'ils soient apte à payer des dividendes » détaille Jérôme Mouthon.

Deuxièmement, cette industrie neuve et très compétitive n'est pas prisée par les circuits de financements traditionnels. « Quelqu'un qui monte sa startup aura plus tendance à aller voir un business angel que sa banque. Quelqu'un qui se situe sur une industrie plus traditionnelle aura probablement recours au secteur bancaire » explique Jérôme Mouthon.

Il poursuit, « Pour ma part, en tant que fondateur de Buzzeff Maroc, j’ai une appétence pour le web. C’est le secteur que je connais le mieux, donc un porteur de projet qui a un projet de crowdfunding ou de drop shipping, cela m’intéresse » explique Jérôme Mouthon. Idem pour William Simoncelli qui nous explique que les secteurs porteurs se situent dans les nouvelles technologies et les technologies propres. « Par exemple, il y a la nano irrigation pour l'agriculture. Il ya des ingénieurs agronomes qui ont des idées brillantes sur le sujet » explique-t-il. 

Pour d’autres les stratégies ne sont pas réellement établies. C’est le cas de Karim Tazi. « Nous traitons les projets qui se présentent à nous au cas par cas et nous ne faisons pas dans la spécialisation sur un secteur en particulier. Nous n’avons pas de vraies politiques dans ce domaine » explique l’administrateur de Richbond. Il poursuit, « ce qui nous intéresse c'est de contribuer à la création de richesse, culturelle ou économique ».

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