Noury Saladin : “La crise sanitaire a permis de refaire découvrir l'axe Mdiq-Fnideq”

Durant la saison estivale, la seule région du Maroc à avoir réalisé un taux d’occupation hôtelier correct a été l’axe méditerranéen M'diq-Fnideq. Selon Noury Saladin, vice-président du CRT de TTAH, la crise sanitaire qui a sinistré les locomotives touristiques du Maroc a permis de refaire découvrir cette destination, naguère prisée par les nationaux aisés.

Noury Saladin : “La crise sanitaire a permis de refaire découvrir l'axe Mdiq-Fnideq”

Le 9 octobre 2020 à 10h14

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Durant la saison estivale, la seule région du Maroc à avoir réalisé un taux d’occupation hôtelier correct a été l’axe méditerranéen M'diq-Fnideq. Selon Noury Saladin, vice-président du CRT de TTAH, la crise sanitaire qui a sinistré les locomotives touristiques du Maroc a permis de refaire découvrir cette destination, naguère prisée par les nationaux aisés.

Médias24: La saison estivale de l'axe Mdiq-Fined connu sous le nom de Tamuda Bay s’est plutôt bien passée par rapport au reste du Maroc...

Noury Saladin: Il est vrai que si l'on se compare aux autres destinations du pays complètement sinistrées par la fermeture des frontières, on s'en est plutôt bien sorti.

Cela s’explique par le fait que le déconfinement est arrivé juste au moment des vacances estivales et que les gens avaient besoin de se détendre en particulier sur le balnéaire.

De plus, notre région a eu beaucoup moins de restrictions par rapport à d'autres destinations comme la ville toute proche de Tanger, que ce soit en termes de circulation ou alors d'utilisation des plages.

Il faut préciser que la situation était aussi positive dans la région voisine de Nador et d'Al Hoceïma.

En fait, nous avons également profité de la fermeture des frontières qui nous a fait bénéficier du retour de notre clientèle habituelle des années 90 et qui ont dû se rabattre sur les hôtels de luxe du Nord.

-Hormis votre casquette de vice-président du CRT, vous êtes en charge de plusieurs établissements dans la région. Y avez-vous constaté le même phénomène de bonne fréquentation ?

-Je suis le DG du Sofitel Tamuda Bay et directeur général régional des hôtels du groupe Madaef (CDG) gérés par le groupe Accor. En plus du Sofitel, je gère 3 hôtels sur la côte dont 2 à Nador et 1 à Al Hoceima où nous avons constaté le même phénomène.

Ainsi, si Nador qui était jusque-là une région très peu fréquentée par les nationaux connaissait auparavant un pic de fréquentation des MRE qui venaient retrouver chaque été leur famille et toute l'année un business plutôt Corporate, nous avons reçu pour 2020 beaucoup de Marocains qui sont venus découvrir tardivement les plages de la région en particulier au mois d'août.

-Quels ont été les taux d'occupation de la zone Tamuda Bay et de l'hôtel que vous y gérez ?

-Nous n'avons pas encore les chiffres consolidés de la région, mais au mois de juillet, le Sofitel a réalisé un taux de remplissage de 60 %, et de 90 % au mois d'août.

-Quelle a été l'évolution par rapport à la même période de 2019 ?

-Si l'on devait comparer il est évident qu'il y a eu un net recul.

Ainsi, si pour le mois d'août les chiffres sont à peu près les mêmes, la situation diffère pour juillet où la baisse a été de près de 30%, du fait que la capacité d’accueil était limitée à 50% par les autorités.

Ceci dit, en septembre nous avons quand même fini le mois à 55% qui est un chiffre très correct d'autant plus qu'en octobre nous réalisons 30% en semaine et 70% pendant le weekend.

-Comment se présente la saison hivernale qui vient de démarrer ?

-Sachant qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas réussi à partir en vacances, et qu'il y a encore beaucoup de destinations avec des restrictions de circulation et enfin que le climat de notre région est très agréable jusqu'à fin novembre, nous essayons de capitaliser sur ces facteurs favorables pour nous.

Pour cela, nous essayons de développer notre communication et de proposer des offres pour satisfaire la demande des consommateurs qui a beaucoup changé depuis la crise sanitaire, avec un besoin accru de services et d'expérience de voyage plus sereine et intégrée.

Cette situation est sans doute dictée, d'une part, par des problèmes budgétaires car beaucoup de gens ont été impactés financièrement par la crise sanitaire, et d'autre part, parce qu'ils sont beaucoup plus attentifs au risque sanitaire en demandant des packages privés.

C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place une série d’offres à des tarifs attractifs, à savoir une chambre pour 2 personnes avec petit-déjeuner qui démarre à 1.400 dirhams.

Sur le réseau Sofitel de Rabat, Marrakech ou Agadir, la même chambre coûte 2.000 dirhams et en période de haute saison estivale, nous avons toujours eu une stratégie de prix élevés.

Pour le consommateur, cela fait une réduction de 50% mais il y a aussi une tarification dynamique, comme dans la billetterie aérienne avec des tarifs qui peuvent baisser en semaine.

Ainsi, lors du weekend dernier, nous avons réalisé un taux d'occupation de 60%.

-Contre combien l'année dernière ?

-A la même période, nous étions complets parce que nous avions reçu pendant une dizaine de jours tous les cavaliers de l’événement équestre Moroccan Royal Tour que nous accueillons depuis 3 ans.

-La crise sanitaire est-elle une fenêtre de tir qui vous permettra de prendre momentanément la place des locomotives touristiques, comme Marrakech ou Agadir complètement sinistrées ?

-C'est en effet une opportunité qui nous permet de renouer le contact avec une clientèle qui avait perdu ses habitudes dans notre région, et d'autre part de montrer autre chose qu'un simple hôtel posé sur le sable avec la Méditerranée en face, même si c'est la pierre angulaire de notre attractivité.

Ainsi, cela nous permet de proposer d'autres offres comme de visiter la médina ou l'école des Beaux-Arts de Tétouan, et de faire des randonnées en montagne qui n'intéressaient personne jusqu’à 2019.

-Avez-vous une visibilité pour la saison d'hiver ?

-Pas vraiment car les réservations se font d'une semaine à l'autre et le plus souvent au dernier moment.

Pour illustrer mon propos, au moment où je vous parle, nous disposons d’un portefeuille clientèle de 45% pour le weekend prochain alors qu'il y a 3 jours nous étions à peine à 15%.

Comme il y a les vacances scolaires qui arrivent entre le 20 et le 25 octobre, nous pourrions récupérer un peu de business, mais il est difficile de se projeter sur les 2 ou 3 mois à venir.

-Qu'en est-il du tourisme d’affaires (meetings, incentives, conferencing, exhibitions) ?

-Pour l'instant, il est complètement mort, car nous n’avons signé aucun dossier. Mais sur les 5 hôtels que je gère, nous commençons à recevoir des demandes d'entreprises marocaines.

-La suppression du test sérologique et l’allongement du délai du test PCR ont-ils eu des effets en termes de réservation ?

-Si c'est une petite avancée, nous ne pouvons pas encore dire que cela s’est traduit par une hausse des réservations de la part de nos partenaires étrangers.

De toute façon, il est évident que même avec les frontières totalement ouvertes et des process sanitaires plus souples, il faudra du temps avant de recommencer à avoir des flux de touristes réguliers.

-Le président du CRT de Marrakech avance qu'il n'y aura pas de retour à la normale avant 2022 ou 2023...

-Je partage la même appréciation car il va falloir s'armer de patience face à la psychose actuelle et au pouvoir d'achat fortement déprécié des touristes aussi bien étrangers que nationaux.

De plus, sachant que le vrai robinet des arrivées est aérien, même si nous nous réjouissons à chaque fois que des vols se rajoutent, nous sommes encore très loin du trafic de l'année dernière, dont plusieurs destinations sont dépendantes, sans parler de la problématique du coût trop élevé des billets.

Ceci dit, sur des destinations touristiques comme celle de Tamuda, ce n’est pas très grave car nous sommes très peu dépendants du tourisme international.

-Justement, qu’en est-il de la ventilation tourisme national et étranger ?

-A l’année, nous sommes au Sofitel sur des taux de 30% pour l’international et de 70% pour le domestique et en haute saison estivale 90-95% de clientèle locale et 5 à 10% en internationale.

-Votre été correct s’explique donc par votre indépendance à l’égard des visiteurs étrangers ?

-Absolument.

-Hormis votre politique tarifaire, quelle est votre stratégie pour développer vos arrivées ?

-Nous avons effectué un vrai virage en ayant de plus en plus recours au canal digital pour communiquer auprès de notre clientèle.

Pour préparer la reprise à l'international, nous sommes en contact permanent avec des tour-operators qui font du réceptif au Maroc car nous avions signé en 2020 beaucoup de nuitées pour des circuits vers Chefchaouen qui est une destination voisine très prisée par les marchés asiatiques.

Nous avions également un joli contrat avec les Américains pour un circuit de 12 jours, mais malheureusement tout est tombé à l'eau même si les discussions continuent pour un éventuel report.

Il y a aussi le sujet de la frontière voisine de Ceuta qui nous faisait bénéficier durant les fins de semaines d'un flux important de visiteurs dans les deux sens.

Nous avons perdu de nombreux clients qui venaient le vendredi soir de Rabat et de Casablanca ou du côté de Ceuta. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la réouverture des frontières en général.

-Quel est le taux de remplissage annuel nécessaire pour tenir financièrement jusqu'en 2022 ?

-Pour un hôtel 5 étoiles comme le Sofitel, il faut réaliser au moins 40% pour d'une part délivrer les standards d’un hôtel de luxe et d'autre part éviter que le client n’ait l'impression de se sentir esseulé.

-C'est pourtant l'impression que j'ai eu le weekend dernier en visitant incognito votre hôtel …

-Sachant que notre hôtel est petit mais assez étendu, si nous n’atteignons pas la taille critique des 75 à 80% d'occupation, cela peut donner l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de vie ou d’animation.

Ce sujet existe depuis l'ouverture de notre établissement mais du point de vue des chiffres, un taux annuel de 40% est suffisant pour assurer une rentabilité minimale.

-Quel est votre chiffre moyen d'occupation depuis le début de l'année ?

-Pour l'instant, nous sommes à 35% mais d'ici la fin de l'année nous arriverons, avec de la chance, à un taux de 28-29% du fait que les chiffres se dégradent toujours en novembre et décembre.

Sachant que notre hôtel est ouvert depuis cinq saisons (2016), nous avons connu une très belle croissance en 2016-2017 avec une apogée en 2018, mais 2019 a été une année de recul.

En effet, la baisse d'activité de l'année dernière était due au début à des problèmes de frontières et à l’arrêt soudain de plusieurs projets structurants (aménagement de l'oued Martil, grand stade de Tétouan, projets hôteliers, Tétouan Park …) qui nous permettaient de drainer hors période estivale beaucoup de business entre les mois de septembre et de mai.

-Quid du premier trimestre de l'année en cours avant le début de la crise sanitaire ?

-L’année se présentait sous les meilleurs auspices avec notamment le développement d'un tourisme de niche casher qui consiste à recevoir des groupes de juifs originaires du Maroc installés un peu partout sur la planète.

Durant les grandes fêtes religieuses, ils voyagent en groupes dans leur pays d'origine notamment en avril et en octobre.

Ainsi, après une première expérience en 2017 qui s'est avérée très probante, nous avions signé un contrat pour avril et octobre 2020 qui a malheureusement été annulé.

En effet, si nous avions pu recevoir à deux reprises ces 250 clients pendant une quinzaine de jours, cela aurait changé la donne du business avec une privatisation quasi totale de notre hôtel.

Idem pour l’évènement équestre du Moroccan royal tour, correspondant à 10 points de taux d'occupation pour le mois d'octobre, qui a été brusquement annulé puis reporté à l'année prochaine.

-Sur le court-terme, comment accélérer la reprise ?

-Pour l’année à venir, nous allons continuer à capitaliser sur le tourisme national.

En effet, l’été dernier, nos clients qui ont découvert ou redécouvert la région ne manqueront pas de revenir et pas uniquement pendant les mois de juin, juillet et août, car entre le balnéaire et la mer, nous avons largement de quoi agrémenter leur séjour durant toutes les saisons de l'année.

     -Quel est le taux de retour de vos clients habituels ?

-90%. Nous tâchons de le maintenir, en leur proposant tout ce que notre destination peut offrir.

En réalité, notre objectif est d'allonger la saison estivale, limitée à 2,5 mois par année, pour arriver dans l’idéal à 6 mois comme la Côte d'Azur en France qui travaille très bien entre avril et octobre.

     -Pour conclure, que suggérez-vous pour s’adapter à cette pandémie qui risque de durer ?

-Sachant que les comportements des voyageurs ont beaucoup changé, au-delà de la nécessaire digitalisation pour les clients qui réclament de plus en plus une hôtellerie sans contact, la profession va devoir se montrer beaucoup plus créative pour séduire une clientèle de plus en plus exigeante …

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