En chiffres, la fragilité structurelle du tissu économique marocain

87% des entreprises sont des microstructures qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 3 MDH. Elles ont une rentabilité très faible, voire nulle, des difficultés d’accès au financement et une structure financière déséquilibrée. Voici l’essentiel du premier rapport de l’Observatoire de la TPME.

En chiffres, la fragilité structurelle du tissu économique marocain

Le 29 septembre 2020 à 12h11

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

87% des entreprises sont des microstructures qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 3 MDH. Elles ont une rentabilité très faible, voire nulle, des difficultés d’accès au financement et une structure financière déséquilibrée. Voici l’essentiel du premier rapport de l’Observatoire de la TPME.

« Il faut savoir que notre tissu économique est fragile : 86% de TPE, 12% de PME, 1 de GE. C'est pareil que dans d'autres pays, mais quand vous analysez d'une façon plus profonde, 90% de ces TPE font un CA inférieur ou égal à 3 MDH. C'est avec ces opérateurs que vous voulez faire la bataille économique ? On ne peut que jouer aux pompiers avec ce tissu économique en période de crise, à travers l'aide de l'Etat et des crédits bancaires. Ce qu'il faut d'abord, c'est rendre résilient le tissu économique pour faire face aux chocs, avant de penser à des mesures comme le consommer marocain par exemple. Car on ne peut pas obliger le consommateur à acheter marocain s'il n'y a pas un tissu économique fort. Même les babouches ne sont plus fabriquées au Maroc ».

« Il faut reconnaitre que nos moyens sont limités. Il faut avoir un programme avec une priorisation. Mais ce qu'il faut savoir c'est que l'origine du problème est la qualité du capital humain. Ainsi que la qualité des politiques qui gèrent les affaires publiques ».

Ces propos sont de Abdellatif Jouahri qui répondait, mardi 22 septembre, à une question sur le caractère trop classique du plan de soutien lancé par le gouvernement pour appuyer les entreprises fragilisées par la crise de la Covid-19, posée lors de la conférence de presse qui a suivi le dernier conseil de politique monétaire de Bank Al-Maghrib.

Jouahri a utilisé ces chiffres issus du premier rapport de l’Observatoire marocain de la TPME. Celui-ci vient d’être rendu public et le moins que l’on puisse dire, c’est que le tissu économique marocain est structurellement très fragile.

Les TPME, qui sont les plus nombreuses et qui emploient le plus de personnes, opèrent dans des secteurs d’activités peu qualifiés, génèrent peu de revenus, ont une rentabilité limitée, voire nulle, une structure financière déséquilibrée et accèdent difficilement aux financements.

Ces constats sont peut-être connus de tous depuis bien longtemps. Mais là, l’observatoire fournit des chiffres précis, recoupés auprès de différentes sources officielles d’informations (DGI, OMPIC, CNSS, Crédit Bureau…), fiabilisés et traités de manière scientifique.

Les données remontent à l’année 2018, ce qui est normal pour ce genre d’études lourdes. Elles concernent la démographie et la santé économique et financière des entreprises personnes morales soumises à l’IS. Leur lecture peut être utile en cette période de crise sanitaire et économique et de réflexion sur le nouveau modèle de développement.

La moitié des entreprises en veilleuse ou en difficulté

Selon le rapport, le Maroc compte 507.353 entreprises personnes morales, enregistrées auprès de la DGI à fin 2018. Mais plus de la moitié sont en veilleuse et/ou défaillantes. L’effectif des entreprises personnes morales actives (EPMA) s’élève donc à 249.131.

Les deux tiers de ces EPMA sont situées sur l’axe Tanger-El Jadida et 54% opèrent dans le commerce et la construction.

Parmi ces entreprises, 87,3% sont des microstructures (chiffre d’affaires inférieur ou égal à 300.000 DH, 7% des très petites entreprises (entre 3 et 10 MDH), 4,2% des petites entreprises (entre 10 et 50 MDH) et 1% des entreprises de taille moyenne (entre 50 et 175 MDH). Seul 0,5% des entreprises sont de grande taille.

Les TPME exportent très peu

Les EPMA (208.919 étudiées, hors secteur financier) ont réalisé en 2018 un chiffre d’affaires de 1.596 milliard de DH. Les TPME (de la microentreprise à la moyenne entreprise), au nombre de 207.748 (99,4% du total) n’en ont généré que 36,7%, soit 586 milliards de DH. 0,6% des EPMA (1.171 grandes entreprises) ont, elles généré 1.010 milliard de DH.

Si les GE dominent en termes de CA dans les secteurs de l’industrie manufacturière, des industries extractives et de l’information et la communication, les TPME s’imposent dans les secteurs de la construction, des activités spécialisées, scientifiques et techniques (professions libérales, conseil…), santé humaine et activités sociales…

La part des TPME dans le chiffre d’affaires à l’export est encore plus limitée : 27%, soit 66,7 milliards de DH sur un total de 247 milliards.

Sur ces 66,7 milliards, 46% sont réalisés par les entreprises de taille moyenne et seulement 7% par les microentreprises.

Le positionnement des TPME à l’international est limité dans les secteurs de l’industrie manufacturière et extractive, qui génèrent la moitié du chiffre d’affaires à l’export. Il est relativement équilibré avec les GE dans le secteur du commerce.

73% des emplois sont assurés par les TPME

En termes de valeur ajoutée, les EPMA étudiées ont généré 326 milliards de DH en 2018, dont 36,6% par les TPME, une structure similaire à celle du chiffre d’affaires.

Les TPME sont dominantes en termes de VA dans les secteurs de la construction, l'hébergement et la restauration, l'enseignement, et les activités de service administratif et de soutien. Elles génèrent peu de VA dans les gros secteurs des industries extractives, l’industrie manufacturière et l’information et communication.

Mais en matière d’emploi, la structure s’inverse. Sur les 163.328 entreprises affiliées à la CNSS, déclarant 3,17 millions de salariés en 2018, plus de 78% emploient entre 1 et 10 personnes.

Les TPME emploient ainsi près de 73% des effectifs déclarés.

Les dettes auprès des associés, principale source de financement des microstructures

Les structures financières des EPMA diffèrent sensiblement selon leur taille.

Par exemple, les microstructures qui sont les plus nombreuses sont surtout financées par les comptes courants d’associés (près de la moitié du passif), par les fonds propres (près de 20%) et très peu par les dettes financières (11%) et commerciales (10%).

Ce qui est complètement différent des grandes entreprises qui reposent respectivement sur leurs fonds propres (32%), les dettes financières (30%) et les dettes commerciales (22%).

Ce qui traduit notamment les difficultés d’accès au financement des entreprises.

Un taux d’accès au crédit bancaire de 16%

103.016 ont bénéficié de crédits par décaissement et/ou par signature auprès des établissements de crédit en 2018, soit à peine 40% de l’effectif total des EPMA déclarées à la DGI.

Le taux moyen d’accès au financement des microentreprises est de 16,2%, contre  55,4% pour les TPE, 72,4% pour les petites entreprises et 85,4 pour les moyennes entreprises. Il s’élève à 86,6% pour les grandes entreprises.

Le taux d’accès au financement passe de 9,5% pour les entreprises de création récente (moins de 2 ans) à 63% pour les entreprises âgées (plus de 10 ans).

La région de Casablanca-Settat concentrent 41% des entreprises bénéficiaires de financements et 67% de l’encours total des crédits distribués.

Un taux de rentabilité négatif chez les microstructures

Les ratios financiers des TPME sont également plus faibles que ceux des GE.

La productivité par salarié passe d’environ 200.000 DH dans les microstructures à 1,1 MDH dans les grandes entreprises, alors que la moyenne se situe à 620.000 DH. L’observatoire explique cet écart par des facteurs organisationnels, technologiques et humains.

Le taux de profitabilité (bénéfice rapporté au chiffre d’affaires) est de 3,5% en 2018 en moyenne. Il passe de 4,8% chez les GE à -7,6% pour les microstructures.

Concernant l’équilibre financier, le taux de couverture des emplois stables par les capitaux permanents (traduisant le fonds de roulement) est de 72% chez les TPME contre 76% chez les GE. Mais pour les TPME, le ratio résulte de la faiblesse des investissements (actifs immobilisés).

Le besoin en fonds de roulement, lui, s’établit en moyenne à 86 jours de chiffre d’affaires. Si les microentreprises affichent un BFR négatif de 68 jours, c’est en raison de leur cycle d’exploitation généralement court, reflété par leurs faibles actifs d’exploitation, composés pour l’essentiel du poste « clients », et par les financements propres sous forme de comptes courants d’associés.

Quant à la trésorerie nette, 92% des microentreprises, 74% des TPE et 60% des PE disposent d’une trésorerie positive en 2018. Mais pour l’observatoire, ceci est loin de constituer un indicateur positif, car ces ratios confirment la faiblesse du niveau des investissements et le manque de dynamisme de l’activité de ces catégories d’entreprises.

Enfin, en termes de rentabilité des capitaux propres, si la moyenne est de 6%, le taux passe de 8,2% chez les grandes entreprises à -11% pour les microstructures, quand les TPE affichent 4,5%.

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