Bourse de Casablanca : Malgré le krach du Covid, le marché reste cher
La place de Casablanca tourne toujours autour d’un PER de 19,2 fois ses résultats 2020. Si la forte chute du marché en ces huit mois de 2020 a permis d’alléger ce ratio qui était de plus de 22 fois les résultats en 2019, le marché marocain cote toujours à des niveaux très élevés par rapport à des places comparables. Voici pourquoi.
Les krachs boursiers sont durs, mais ont quelque chose de bon : ils permettent aux places boursières de redescendre un peu et de retrouver au passage leur attractivité en termes de valorisation. Ce qui attire de nouveau les investisseurs et participe à la relance.
A Casablanca, les choses sont quelque peu différentes. Malgré le krach du Covid-19 qui a fait perdre jusqu’à aujourd’hui plus de 15% à l’indice général de la place, le marché reste valorisé à des niveaux extrêmement chers par rapport à la norme mondiale ou même à des pays comparables.
Casablanca désavantagée par rapport aux places comparables
Au 31 août, le PER du marché casablancais est ainsi de 19,2 fois les résultats attendus en 2020. Cela veut dire qu’il faut plus de 19 ans à un investisseur qui met son argent à Casablanca pour récupérer son investissement. En Turquie par exemple, ce ratio ne dépasse pas les 5 fois les résultats. Idem dans des marchés comme ceux du Nigéria (6,8), Oman (7), le Brésil (11) ou encore l’Egypte (11).
Un investisseur international qui arbitre entre ces différents marchés sur la base de la cherté exclura de facto la Bourse de Casablanca… Sauf s’il a un intérêt particulier pour une valeur ou qu’il est dans une simple logique de spéculation et non d’investissement de long terme.
Survalorisées, les actions marocaines avaient besoin, comme le recommandaient ces dernières années plusieurs analystes, d’une bonne correction pour retrouver leur attractivité. La Crise du Covid est venue, mais ce souhait de voir le PER du marché s’aligner sur des niveaux normaux ne s’est pas réalisé.
Selon les calculs de Sogécapital Bourse, le PER du marché n’a lâché que 3 points depuis fin août 2019, passant de 22,2 fois les résultats attendus à 19,2 fois aujourd’hui. Et ce malgré la chute de plus de 15% des indices et de pratiquement toutes les valeurs cotées.
Baisse des résultats et manque de papier frais
Comment s’explique cette « résistance » à la cherté ?
Selon un analyste senior de la place, « le PER du marché résiste car il ne s’agit pas que d’une correction des cours ».
« Le PER reflète la relation entre les cours des actions et les résultats futurs attendus par les investisseurs. La crise du Covid a agi sur les deux, puisque même les résultats escomptés pour 2020 seront en baisse pour pratiquement l’ensemble des sociétés cotées du fait de la crise économique, du confinement qui a duré 3 mois et de la persistance des incertitudes sur les quelques mois qui restent de l’année ». C’est donc un jeu à somme nulle ou presque…
« Si on avait une correction financière sans que les résultats des sociétés cotées ne soient touchés, la baise du PER aurait été plus importante. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui », explique-t-il.
Un autre analyse contacté par Le Boursier tient le même discours, ajoutant que de toutes les façons, la Bourse de Casablanca dans sa configuration actuelle est condamnée à rester chère, même si elle subit une correction financière.
« Notre marché est très étroit. Il n’y a pas beaucoup de papiers, très peu d’introductions en Bourse avec la présence de plusieurs actions très peu liquides … Les investisseurs sont donc piégés en quelque sorte et sont obligés d’investir dans le marché faute d’alternatives. Ce qui maintient les niveaux de valorisation de la majorité des actions dans des proportions anormales », explique notre source.
Pour lui, « ce critère du PER est devenu tellement insignifiant sur notre marché que les investisseurs ne le prennent même pas en compte dans leur décision d’investissement ou de placement ».
Phénomène à nuancer selon les secteurs
Ceci étant dit, et malgré la cherté globale de la place, quelques secteurs de la cote ont pu retrouver des niveaux de valorisation assez corrects. C’est le cas des valeurs bancaires qui cotent actuellement à un PER moyen de 13,6 fois, contre plus de 18 fois en 2019. Un niveau de valorisation assez intéressant comparé à la moyenne générale du marché. Idem pour les sociétés de financement et les assurances valorisées respectivement à 12,7 et 14,3 fois leurs résultats futurs contre des ratios respectifs de 15,5 et 16,2 fois à fin août 2019.
Le secteur de la promotion immobilière est lui aussi (à première vue) ultra attractif avec un PER moyen de 5,1 fois les résultats. Du jamais vu ! Mais cette donnée est insignifiante, selon nos analystes. « Quand vous voyez des valeurs à des niveaux de PER comme ceux-là, cela veut simplement dire que personne ne les regarde ou ne s’y intéresse. C’est le cas des immobilières aujourd’hui. Personne dans le marché ne croit en ce secteur… », explique une de nos sources.
Le PER moyen du marché est aussi, il faut le dire, biaisé par la survalorisation de certains secteurs, comme l’agroalimentaire par exemple, qui compte plusieurs grandes capitalisations comme Cosumar, Lesieur Cristal, Centrale Danone, les Brasseries du Maroc… Ce secteur cote actuellement à 22,8 fois ses résultats futurs, soit à peine 2 points de moins comparé à la même période de l’année dernière et 3,6 points de plus que le PER global de la place.
Un résultat assez logique, selon nos analystes. « C’est l’un des rares secteurs qui résiste à la crise. Les investisseurs s’y accrochent donc et continuent d’y miser, ce qui maintient les cours à des niveaux élevés », estiment-ils.
C’est le même cas pour le secteur du BTP et des matériaux de construction, qui malgré la forte chute de ses perspectives de résultat en 2020 se maintient autour de 18,6 de PER, contre 23,6 fois en 2019. « Ce secteur subira des dégâts, mais les investisseurs y croient toujours. Ils n’ont d’ailleurs pas trop le choix. C’est un secteur qui compte des valeurs solides, qui une fois la crise passée vont se redresser. C’est tout à fait normal qu’il garde ces niveaux de valorisations ».
Un cas particulier est à noter : celui des NTI. C’est le seul de la cote qui a vu sa valorisation grimper d’une année à l’autre, passant d’un PER de 17,4 en 2019 à 19,8 fois actuellement. Une donnée qui reflète la bonne tenue des valeurs du secteur, notamment HPS, une des stars de la cote qui affiche un PER de 33,4 fois ses résultats futurs. « Cela reflète la confiance du marché en certaines valeurs technologiques qui, en plus de leur business porteur, ont acquis une plus grande visibilité avec la crise du Covid. HPS est même considérée aujourd’hui comme une valeur refuge tellement les investisseurs croient en son business model et sa solidité », précise un de nos analystes.
Le cas Maroc Telecom
Mais le plus gros biais en termes de valorisation générale du marché vient de Maroc Telecom, plus grosse capitalisation de la place. Évoluant bon an mal an à des PER compris entre 20 et 22 fois ses résultats, la valeur est passée à fin août à un PER de 45 fois ses résultats futurs. Un phénomène « normal » et « ponctuel », selon nos analystes : « Le PER d’IAM a pris le double pour la simple raison que ses résultats vont être divisés par deux en 2020 du fait de l’amende payée à l’ANRT et le don octroyé au fonds anti-Covid. Une fois ces éléments exceptionnels absorbés dans les comptes de résultats de l’opérateur, l’action retrouvera son niveau de valorisation habituel. C’est passager, mais cela impacte en effet la valorisation globale du marché en 2020 », expliquent nos deux analystes.
D’ailleurs, en retraitant le PER de la place de Maroc Telecom, celui-ci descend à un niveau de 17 fois les résultats futurs de la cote selon les calculs de Sogécapital Bourse. Une valorisation qui reste malgré tout assez chère…
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