Déductibilité des dons Covid-19 : la CGEM contre-attaque à la deuxième Chambre
Le groupe parlementaire du patronat a présenté ce matin un amendement pour rétablir la déductibilité fiscale des dons faits au fonds anti-Covid, supprimée par les députés de la première Chambre. L'amendement a été adopté. Voici la stratégie adoptée par la CGEM pour renverser la vapeur.
Consacré par un communiqué de la DGI le 23 mars, puis par l’article 247 bis du projet de loi de finances rectificative, le principe de déductibilité fiscale des dons faits au fonds anti-Covid a été supprimé par un amendement voté à la majorité par les députés de la première Chambre.
Porté par les groupes de l’opposition de la Chambre des représentants, ce rétropédalage sur un principe acquis a été justifié par « l’absence d’équité et de justice fiscale », car seules les entreprises, selon les députés de la première Chambre, bénéficient de ce traitement de faveur, contrairement aux autres catégories de contributeurs au fonds anti-Covid (salariés, fonctionnaires, collectivités territoriales...)
Après ce vote du PLFR à la première chambre, le projet de loi de finances est entré depuis mardi dans la deuxième étape du circuit législatif : les discussions au sein de la commission des Finances de la deuxième Chambre, le vote, puis le passage en plénière.
Les amendements au texte son depuis ce jeudi matin, 11h, discutés par les conseillers de la seconde Chambre en commission, dont font partie les représentants de la CGEM. Ils seront votés en fin de journée.
[MISE A JOUR : L'AMENDEMENT A ETE ADOPTE EN COMMISSION]
Scandalisés par cette machine arrière des députés de la première Chambre, les représentants du patronat ont déposé un amendement qui vise à rétablir le principe de déductibilité du fonds.
Le patronat vise l’article 10 du CGI
Cet amendement, dont Médias24 a consulté le contenu, ne vise pas à réécrire l’article 247 bis du PLFR tel que voté par la première C. Autrement dit, le patronat n’attaque pas directement la version amendée du texte mais vise autre chose : l’amendement de l’article 10 du Code Général des Impôts (CGI).
Cet article du CGI acte le principe de déductibilité fiscale des dons, mais le limite aux contributions faites à certains organismes comme les Habous, l'entraide nationale, les associations d'utilité publique, la Fondation Mohammed V pour la solidarité, le Comité olympique national marocain, les fédérations sportives, le Fonds national pour l’action culturelle, les Agences pour la promotion et le développement économique et social, l’université Al Akhawayn… ainsi que d’autres institutions et fondations œuvrant dans des actions sociales, culturelles ou sportives.
La CGEM propose dans son amendement, qui est actuellement en discussion, de rajouter à cette liste les dons à l’Etat et aux collectivités territoriales. Ce qui rétablira de fait (en cas de passage de cet amendement) la déductibilité des dons faits au fonds Covid-19 et rendra caduque la nouvelle version de l’article 247 bis du PLFR.
Cette stratégie adoptée par la CGEM vise à déplacer le débat ailleurs, sur le fondement même du principe de déductibilité fiscale des dons faits par les entreprises, en y incluant l’Etat et les collectivités territoriales. Et éviter ainsi que sa réaction ne soit lue politiquement comme une confrontation ou une contre-attaque directe à l’amendement fait par la première chambre.
Les arguments avancés par le patronat
Au-delà de la forme de l’amendement et de la stratégie adoptée pour le porter, le groupe parlementaire de la CGEM axe son plaidoyer au sein de la commission sur « la crédibilité des institutions de l’Etat ». Car c’est cela qui est en jeu, nous dit notre source.
Les entreprises ont fait les dons au fonds anti-Covid sur la base d’un communiqué de la DGI qui fait autorité. Revenir trois mois plus tard sur un principe acté par décision administrative, et rédigé ensuite par le ministère des Finances dans le PLFR, c’est casser toute confiance dans les décisions de l’administration, explique-t-il. « On ne parle plus de question de sous, mais de choses fondamentales pour le pays. Si les entreprises marocaines peuvent à la limite comprendre les enjeux politiciens qui se trament actuellement, comment un DG d’une filiale d’une multinationale peut-il expliquer à ses patrons américains ou européens que les dons qu’ils ont décidé de consentir en mars sur la base d’une décision administrative ne seront pas finalement déductible fiscalement. C’est l’image de l’Etat marocain et sa crédibilité qui est en jeu », détaille notre source.
C’est ce discours qui est donc tenu par les représentants du patronat qui ne veulent pas placer le débat sur des questions d’ordre financier. Mais centre les choses sur l’image du Maroc et la crédibilté de ses institutions.
Le patronat ultra minoritaire
Ce discours arrivera-t-il à convaincre les conseillers de la deuxième Chambre ? Possible. Mais mathématiquement du moins, les choses ne semblent pas gagnées d’avance. Car les groupes de l’opposition (PAM, PI, PPS) qui ont porté cet amendement au sein de la première chambre sont non seulement majoritaires au sein de la deuxième chambre, mais sont soutenus par les représentants des syndicats. Sans compter les conseillers des partis de la majorité qui ont également soutenu la suppression de la déductibilité fiscale des dons au niveau de la première chambre. En commission des Finances qui compte 20 membres au total, le patronat ne compte que deux représentants. Une commission qui plus est présidée par un des cadres de l’Istiqlal, Rahal Mekkaoui, parti qui a été l’origine de cette proposition de suppression de la déductibilité fiscale et qui milite pour son maintien. La situation est la même en plénière : sur les 120 conseillers de la deuxième chambre, le patronat ne compte au total que 7 représentants…
Soutenus par le ministre des Finances qui doit défendre son projet de loi de finances rectificative et rétablir la crédibilité de la DGI, une administration sous sa tutelle, les représentants du patronat sont donc ultra minoritaires et semblent isolés, aussi bien en commission qu’en plénière, à moins d’un retournement surprise de la situation…
Toujours en cours de discussion à l’heure où ces lignes sont écrites, le texte sera voté selon nos sources en fin d’après-midi ou en début de soirée au plus tard. Les patrons ont quelques heures pour convaincre. Et même s'ils réussissent à faire passer cet amendement, le PLFR atterira de nouveau à la première Chambre pour une deuxième lecture et les députés peuvent tout à fait le supprimer. A suivre...
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