Voici comment accélérer l'export agroalimentaire (avis d'experts)

Les exportations agroalimentaires marocaines ont un important potentiel non encore totalement exploité. Comment concrétiser ce potentiel ? Comment gagner en compétitivité ? Comment améliorer la valeur ajoutée ?...  Réponses d'experts.

Voici comment accélérer l'export agroalimentaire (avis d'experts)

Le 9 juillet 2020 à 16h52

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Les exportations agroalimentaires marocaines ont un important potentiel non encore totalement exploité. Comment concrétiser ce potentiel ? Comment gagner en compétitivité ? Comment améliorer la valeur ajoutée ?...  Réponses d'experts.

Lors du webinaire Tanger Med Talks organisé ce jeudi 9 juillet 2020 autour de la question de l'accélération du développement de l'export agroalimentaire, tous les avis convergent sur l'existence d'un grand potentiel pour les produits marocains. 

Cela dit, parler de stratégie d'export avant la crise Covid n'est pas parler d'export post-crise. "Nous avons dû faire face à une nouvelle donne, une philosophie ou un bruit de fond qui était là avant la crise mais qui est passé au stade concret avec la crise covid : la souveraineté alimentaire", explique Abir Lemseffer, directrice générale de Foodex (ex-EACCE). 

"Malgré toute l'ouverture que connait le monde, nous sommes confrontés à la montée du nationalisme dans la consommation. Nous avons souffert de cela à titre d'exemple en France. Il y a eu un appel à consommer exclusivement français. Et cet appel est allé loin dans le sens où nous nous sommes retrouvés avec des annulations de camions roulants. C'est-à-dire des camions qui étaient déjà en route vers les clients. C'était une consigne qui a été donnée". 

C'est une réalité avec laquelle tous les secteurs exportateurs doivent composer. "Cela dit, la crise a aussi démontré l'importance du secteur de l'agroalimentaire", assure Abir Lemseffer qui précise que Foodex travaille actuellement sur une stratégie à double dimensions. 

"Définitivement, notre premier marché est l'Europe qui absorbe nos produits depuis 40 ans. Ce que nous essayons de faire, c'est de garder nos marchés en exportant mieux, en réalisant plus de valeur par forcément du volume, et diversifier les marchés", explique-t-elle. 

L'enjeu pour la directrice de Foodex est "d'arriver à créer un meilleur couple volume/valeur, et ne plus raisonner uniquement en tonnage". Pour ce faire, il y a un important travail à faire sur la diversification des marchés et des produits. 

"La diversification de la production se fait en amont de notre périmètre d'actions. Nous on donne au ministère la réalité du marché. Mais je peux dire que ce n’est pas évident de faire accepter à l'agriculteur que ce soit le commercial qui pilote et que nous sommes pilotés par les marchés", ajoute-t-elle.  

Quoi qu'il en soit, la diversification des produits et des marchés est un impératif. Dans ce sens le témoignage de deux grandes centrales d'achats mondiales, Del Monte et Green Yard est sans équivoque. "Le Maroc a un haut potentiel lorsqu'il s’agit d'agrumes, de tomates, d'avocats ou de fruits rouges", témoignent les représentants de ces deux acteurs mondiaux. 

Oser de nouveaux marchés

Ils insistent aussi sur la question de la diversification des marchés comme premier axe sur lequel le Maroc doit travailler pour accélérer ses exportations agroalimentaires. "Il faut regarder de nouveaux marchés", assure Osama Abughoush, directeur général de Del Monte Morocco. Le Moyen-Orient et l'Asie sont cités en exemple.

Cependant la région avec le plus important potentiel concrétisable reste incontestablement l'Europe de l'Est où les produits marocains sont moins présents.

"La porte d'entrée vers cette région reste le marché polonais", explique Roger Booms, directeur commercial, Green Yard. "La Pologne est un marché intéressant pour les légumes et fruits frais" avec un potentiel important grâce à l'amélioration du pouvoir d'achat des Polonais. "La Pologne subventionne largement les consommateurs. Chaque ménage reçoit 120 euros par mois par enfant. Et en plus des aides sociales, il y a une croissance annuelle des salaires de 16% subventionnée par l’Etat", explique Roger Booms. 

Pourquoi le Maroc n'arrive pas à accéder à ce marché ? "C'est à cause des prix élevés des produits ; le Maroc arrive après d'autres pays comme la Turquie, l’Espagne, l’Italie… tout simplement car il est cher. Ce n'est pas une question de qualité", explique l'intervenant. 

Donc l'enjeu est d'améliorer la compétitivité du produit marocain. Cela passe d'abord par la réduction de nombre des intermédiaires. "Les clients veulent acheter le plus directement possible en évitant les intermédiaires", explique M. Booms.

"Il faut convaincre les détaillants polonais et d'Europe de l’Est de la qualité des produits marocains, tout en agissant sur le prix du marché en faisant des économiques sur la chaîne d’approvisionnement", préconise-t-il en conseillant le Maroc de se focaliser d'abord sur "l'avocat et la myrtille, deux produits sur lesquels il a une meilleure valeur ajoutée".

"L'agrume viendra par la suite après un travail sur l'optimisation de la chaîne d'approvisionnement", poursuit-il. Dans le même ordre d'idée, Osama Abughoush, directeur général de Del Monte Morocco avance qu'il faut "mettre en place de nouvelles solutions logistiques et d’accompagnement par rapport à la concurrence d’autres pays, avec lesquels nous avons des similitudes notamment en termes de saisonnalité, comme la Turquie". 

La logistique est la clé de la compétitivité

La deuxième clé pour accélérer les exportations est donc le facteur logistique et maîtrise de la chaîne d'approvisionnement. "Il faut changer de paradigme en passant du push (consignation) au pull (programmation). C'est-à-dire aller vers la programmation, vers la vente directe au retailer quand c'est possible et ne plus être dans une logique de vente basée sur la consignation où l'on envoyait la production disponible avec l'emballage disponible et attendre qu'elle soit vendue", témoigne Kacem Benanni Smires, Directeur général de Delassus, un des intervenant lors de ce Webinar. 

Il préconise vivement d'aller vers la vente directe quand cela est possible ou vers des prestataires de services en exigeant la transparence dans la relation. "Les producteurs ont beaucoup souffert de l'absence de transparence des importateurs qui achetaient à un prix et revendaient à un autre sans que l'exportateur ne soit au courant de cette différence", poursuit-il. 

"Aujourd'hui, il y a de plus en plus de la place pour l’achat direct, il y a plus de transparence entre le supermarché, l’importateur et l’exportateur. Et c'est important car on parle de valeur ajoutée", avance-t-il. "Il faut sortir de la logique de l’opportunité d’export vers la continuité d’export car c'est ce qui permet la pérennisation de la production, le maintien des emplois et de la valeur ajoutée et la mise en place d'une stratégie basée sur l’approche collaborative".

"Au Maroc, nous sommes dans une balance entre le professionnalisme et la compétitivité. Maintenant la compétitivité dépend aussi de facteurs externes notamment la logistique. Nous souffrons de décalage de compétitivité dans la logistique par rapport à l'Espagne. Cela est rattrapé par notre productivité. Mais là où on souffre beaucoup au niveau des pays de l'est, c'est de la compétitivité turque et égyptienne induite par une très forte dévaluation de leur monnaie sur ces dernières années. Ils ont cet avantage concurrentiel induit par la monnaie", analyse Bennani Smires. 

Ce dernier soulève aussi un point important qui grève la compétitivité marocaine, celui du transit time (le temps de la traversée). "Dans notre expérience, ce temps est de 4 à 6 heures. Il y a quatre passages à faire : TMSA, le contrôle de foodex, le contrôle de la douane et le scanner du camion", explique-t-il. 

"J'imagine que lorsqu'on aura complètement achevé la digitalisation des procédures de la douane et de Foodex ce délai va se raccourcir. La différence entre 6h, 4h ou 2h est très importante parce que ça peut signifier rater un bateau et devoir attendre un jour supplémentaire".

"Un transport normal pour livrer en Angleterre prend 5 jours, nous arrivons à le faire en trois jours grâce à deux fois deux chauffeurs et deux tracteurs différents. C'est-à-dire que la remorque ne s'arrête absolument pas entre Agadir et l'Angleterre. Il y a des relais avec des nouveaux tracteurs et chauffeurs. C'est pour vous dire combien le délai est important. Aujourd'hui on ne parle plus d'arriver en début ou fin de semaine mais d'arriver un jeudi à 4h, le flux devient de plus en plus précis", poursuit Bennani Smires qui plaide en faveur de la réduction des délais de transit. 

Dans le sillage de ce point, Idriss Bernoussi, président de l'AMTRI nord propose de revoir le taux scannage. "Le scanner est un non-sens pour les opérateurs mais son but n’est pas de scanner 100% des camions. Si on baisse ce taux, on va tendre vers les 2 heures. Pour gagner des parts de marché, il faut baisser le transit time". 

En réponse à ce point, Bennis Ahmed, directeur développement groupe Tanger Med, avance qu'il "y a une amélioration constante que nous essayons de faire. La digitalisation est une des solutions". "Nous sommes engagés avec l’ensemble des acteurs et intervenants pour passer au 0 papier et accélérer et fluidifier tous les processus", promet-il.

"Nous nous sommes donnés des objectifs pour atteindre les 2 heures. On a réalisé de grandes étapes pour tendre vers cet objectif. Il nous reste quelques fins réglages à faire", conclut-il. 

 
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