Drogues : l'état d'urgence assèche progressivement les circuits de distribution

La fermeture des frontières et le contrôle croissant des déplacements ont mis un coup d’arrêt au commerce de toutes les drogues qui se raréfient au Maroc. Selon un expert de la lutte contre le trafic de stupéfiants, les mesures de lutte contre l'épidémie sont en train de gagner une guerre, au moins le temps de la crise, que certains jugeaient perdue d’avance.

Drogues : l'état d'urgence assèche progressivement les circuits de distribution

Le 22 avril 2020 à 17h47

Modifié 10 avril 2021 à 22h31

La fermeture des frontières et le contrôle croissant des déplacements ont mis un coup d’arrêt au commerce de toutes les drogues qui se raréfient au Maroc. Selon un expert de la lutte contre le trafic de stupéfiants, les mesures de lutte contre l'épidémie sont en train de gagner une guerre, au moins le temps de la crise, que certains jugeaient perdue d’avance.

A l’image de plusieurs activités illicites, les trafics locaux et internationaux de drogues ont été fortement perturbés par les restrictions de circulation imposées pour lutter contre la propagation du virus.

Les circuits classiques d’écoulement de tous les stupéfiants naguère disponibles au Maroc ont été complètement désorganisés. L'état d'urgence sanitaire a asséché le marché et provoqué une forte inflation de leur prix, aussi bien au gros qu’au détail.

Un virus profitable aux services de police de la planète

Sollicité par Médias24, un expert de la lutte contre le trafic de drogues se réjouit de l’effet de cette pandémie en reconnaissant que le coronavirus est en train de gagner au moins momentanément la guerre contre la drogue.

« Nous assistons à un incroyable changement qui met à rude épreuve les nerfs des trafiquants de toute la planète.

« En effet, toute leur chaîne de distribution subit des nouvelles contraintes inimaginables dans un passé récent qui profitent aux services de police  de toute la planète qu’ils soient dédiés à la criminalité ordinaire, au terrorisme ou au trafic de toutes sortes (drogue, prostitution, tentative d’immigration irrégulière…) », se félicite notre source visiblement ravie de cette aubaine et "fenêtre de tir pour l’avenir".

Selon lui, l'ensemble de la logistique classique d’acheminement puis d’écoulement de tous les types de drogues, importées ou produites au Maroc, est bouleversée par le confinement décrété le 20 mars dernier et par ses conséquences à savoir la fermeture des aéroports, des gares, routes ….

Des drogues dures bientôt en rupture de stock

« Ainsi, la fermeture de tous les points d’entrée du royaume est en train d’assécher progressivement les stocks de drogues dures qui provenaient en grande partie d’Europe ou d’Amérique du sud.

« Concernant la cocaïne acheminée par des mules venant en majorité du vol de la RAM qui dessert le Brésil avec sa ligne Sao Paulo-Casablanca, la quasi-fermeture de l’aéroport Mohammed V a mis un coup d’arrêt qui durera au moins tout le temps de l’absence de liaisons aériennes.

« Idem pour les grosses cargaisons en général maritimes de cette drogue en provenance d’Amérique du sud qui sont beaucoup plus surveillées au regard de la baisse du trafic portuaire limité au fret.

« Ainsi, le  gramme qui variait de 500 à 600 DH est désormais passé à 1.000 voire 1.200 DH pour ce stupéfiant. Cette flambée est d’ailleurs l’occasion pour les dealers de le couper de plus en plus pour pallier sa rareté», explique l'expert qui parie sur une disparition progressive de cette drogue de plus en plus populaire auprès des consommateurs marocains.

« Il a également été remarqué, sur le marché marocain, une raréfaction des produits psychotropes (karkoubi) type rivotril acheminés essentiellement d’Algérie ainsi que de la MDMA (en poudre ou en comprimé type ecstasy) en provenance de Hollande via des ports comme ceux de Tanger ou Nador.

« Pour une fois, les prises de la police s’amenuisent grâce à un robinet d’acheminement qui commence à se tarir.

« L’effet le plus notable de cette indisponibilité progressive est l’explosion du prix des produits psychotropes passé à 100 voire 150 dirhams l’unité pour le karkoubi, contre 20 à 50 DH au début du mois de mars dernier, et à 300 dirhams le comprimé d’ecstasy (100 à 150 DH avant) et 1.000 le gramme de MDMA (500 à 600 avant le confinement et la fermeture des frontières internationales).

« Par ailleurs, avec la fermeture des points terrestres frontaliers de Sebta et Mellilia d’où provenaient l’héroïne qui approvisionnait les consommateurs des régions du nord, les trafiquants de cette drogue sont en train d’écouler leurs derniers stocks.

« L’effet le plus notable est également une hausse importante de son prix passé de 300 à 600 dirhams le gramme voire 800 à Tanger et Tétouan et qui a explosé dans des villes comme Casablanca à 1.000 voire 1.500 DH.

« Encore une fois, cette inflation s’explique par une rupture annoncée des stocks de ce dangereux stupéfiant addictif qui sera l’occasion pour les nombreux toxicomanes des villes où il était disponible de se sevrer et peut-être même de décrocher définitivement et passer à une vie plus saine  », espère notre expert.

Paralysie des exportations de haschisch

Selon lui, à l’image des drogues importées, le trafic de haschisch produit en totalité au Maroc est en train de vivre « une crise sans précédent » que ce soit au niveau de l’exportation vers l’Espagne puis vers l’Europe tout comme au niveau de son écoulement sur le territoire national.

« Sachant que les récoltes de cette drogue ont lieu au dernier trimestre de l’année, les trafiquants écoulent leurs anciens stocks mais ceux-ci qui sont conséquents sont totalement paralysés à l’export.

« En effet, avec le trafic maritime beaucoup moins dense, en l’absence de bateaux de passagers, les services marocains et espagnols interceptent beaucoup plus de cargaisons de haschisch opérées par des structures bien organisées qui exploitaient certains points de passage impossibles à verrouiller.

« Face aux saisies qui se multiplient, les trafiquants internationaux essayent d’innover mais, pour une fois, c’est peine perdue car que ce soit en mer ou via des semi-remorques de marchandises, les services de police ont désormais, avec la baisse des échanges internationaux, tout le temps d’effectuer des contrôles poussés », affirme notre source qui se félicite de cet avantage conjoncturel sans précédent.

« A l'export, d’après les services de police français et espagnols, le prix du kilogramme de haschich a également bondi. Traditionnellement vendu à 2.000-3.000 euros au prix de gros, il peut désormais atteindre 4.000 voire 5.000 euros et après le prolongement du confinement, les tarifs vont encore augmenter jusqu’à ce que tous les stocks soient écoulés ce qui devrait arriver dans quelques mois au plus tard », avance notre interlocuteur.

Le non-respect du confinement permet de multiplier les saisies

Selon lui, au niveau du trafic local, tous les services de police se mettent à multiplier les saisies et les arrestations de trafiquants qui essayent de livrer leurs clients grossistes, détaillants ou consommateurs.

« Ce qui est inédit avec le confinement, c’est la baisse croissante du trafic routier autorisé qui est l’occasion pour tous les policiers ou gendarmes de pouvoir faire une prise pendant un simple contrôle routier.

« A cet effet, les prises récentes ont d’ailleurs montré qu’il y avait de plus en plus de trafiquants détaillants qui essayaient de livrer à domicile leurs clients, la plupart du temps simple consommateurs.

« Si dans le nord du pays, proche de la région de production, les prix à la consommation n’ont pas vraiment évolué, ce n’est pas le cas dans le centre du pays et surtout dans le sud où il est désormais très difficile aux grossistes d’écouler leurs marchandises et où les prix au détail ont beaucoup augmenté.

« Tout comme les consommateurs dépendants d’autres drogues, il faut espérer que cette explosion des prix provoquera une désaffection des clients en bout de chaîne car quoi qu’on en dise, la cherté de ce produit va peut-être faire réfléchir les consommateurs en particulier pendant la période du Ramadan qui est une période de forte consommation », conclut, très optimiste, notre source requérant l’anonymat.

Si la capacité d’adaptation des trafiquants locaux et internationaux ne fait aucun doute, il n’en demeure pas moins que cette terrible pandémie mondiale aura au moins eu le mérite de mettre à genoux une véritable industrie de la mort à l’origine de nombreux drames et décès chaque année …

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