Formation professionnelle: On efface tout et on recommence

La formation professionnelle a longtemps privilégié le tout-quantitatif, au détriment de la qualité de la formation. Il en a résulté une totale inadéquation avec les réalités sociales et économiques du pays, et donc une faible insertion professionnelle des diplômés de cette filière. La nouvelle feuille de route, lancée en avril 2019, apporte du pragmatisme en redirigeant l’offre de formation vers les métiers d’avenir.

Formation professionnelle: On efface tout et on recommence

Le 4 juillet 2019 à 10h02

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

La formation professionnelle a longtemps privilégié le tout-quantitatif, au détriment de la qualité de la formation. Il en a résulté une totale inadéquation avec les réalités sociales et économiques du pays, et donc une faible insertion professionnelle des diplômés de cette filière. La nouvelle feuille de route, lancée en avril 2019, apporte du pragmatisme en redirigeant l’offre de formation vers les métiers d’avenir.

Si l’on s’en tient au plan quantitatif stricto sensu pour analyser ses réalisations au cours des dernières années, la formation professionnelle affiche un bilan très positif: 2.000 établissements et espaces de formation et 433.000 stagiaires en 2018 (contre 133.000 en 2000, soit le triple).

Le système de la formation professionnelle a pendant très longtemps adopté cette logique obnubilée par le recrutement de plus de stagiaires dans ses centres. Une politique dont la seule résultante, aujourd’hui, est un constat d’échec, difficile désormais à masquer par le subterfuge du “quantitatif“.

Un système inadapté

Dans son rapport “Formation professionnelle initiale. Clés pour la refondation“, publié en mars 2019, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) pointe du doigt la promotion sociale en indiquant que le dispositif de la formation professionnelle (FP) est globalement “peu valorisé“, du fait que : 

-La FP est perçue par les concernés eux-mêmes comme “un parcours réservé aux élèves en situation d’échec scolaire“;

-Le système accuse “une faible capacité à démontrer les possibilités qu’il offre en matière d’inclusion sociale et de réussite professionnelle“;

-Les employeurs reprochent aux lauréats de la FP un “déficit en expérience et en stages“, regrettent la faible connexion avec l’entreprise et “soulignent le manque d’équipements et des nouvelles technologies dans les différents centres“.

Autrement dit, stagiaires comme employeurs considèrent que le système est “dépassé“ et “sans aucune issue possible pour une promotion sociale“.

Au volet de la création des richesses, un mot résume les déficiences du système : inadaptation. Celle-ci transparaît aussi bien au niveau des besoins économiques que sociaux et territoriaux :

-Certains secteurs sont plus pourvus en termes de filières que d’autres. Concrètement, une grande partie des filières sont concentrées dans les IMME (Industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques), le BTP et l’artisanat, alors les secteurs porteurs ne proposent “qu’une offre limitée de filières et un effectif réduit de stagiaires“;

-L’offre de formation est nettement favorable au milieu urbain au détriment du milieu rural ;

-La FP propose 4 niveaux de formation – spécialisation, qualification, technicien et technicien spécialisé – inspirés d’une division du travail (ouvrier spécialisé, qualifié ou technicien) qui n’est plus adoptée par la majorité des entreprises ;

-Avec un taux d’affluence de 3 candidats par place pédagogique, la demande sociale n’est pas satisfaite.

Toutes ces insuffisances dressent un tableau qui contraste avec le bilan quantitatif du système de formation professionnelle au Maroc. Elles posent surtout la question du rendement du système.

La formation professionnelle a ainsi bénéficié d’un investissement public conséquent dans l’amélioration des capacités d’accueil, avec entre autres un fort développement de l’infrastructure de l’OFPPT. Mais qu’en est-il de l’intégration des lauréats ?

Réponse du CSEFRS : “les lauréats du dispositif de formation professionnelle ne représentent qu’une partie (estimée au mieux à 50%) des effectifs des personnes qui rejoignent annuellement le marché du travail“.

Un rendement externe problématique

Ce faible taux d’insertion des diplômés de la formation professionnelle est le point d’orgue d’un système à bout de souffle.

Dans sa présentation de l’étude “Formation et emploi au Maroc“, réalisée en mai 2018, le Haut-Commissariat au plan (HCP) estime à 26% le taux de chômage en moyenne annuelle des diplômés de la formation professionnelle. Mais contrairement à l’enseignement général où le taux de chômage baisse au fur et à mesure de l’élévation des niveaux des diplômes, celui de la formation professionnelle “s’inscrit dans une trajectoire inverse, le chômage des diplômés de cette dernière passe d’environ 21% parmi les diplômés d’initiation professionnelle à 26% parmi les diplômes spécialisés, à 29% parmi les qualifiés et à près de 27% parmi les techniciens“.

De plus, les lauréats de la formation professionnelle sont trois fois plus déclassés que ceux de l’enseignement général. Pour rappel, le déclassement en matière d’emploi signifie l’existence d’un décalage défavorable entre le niveau de la formation et la qualification de l’emploi occupé. C’est le cas par exemple d’un diplômé technicien ou technicien spécialisé qui se voit offrir un poste d’ouvrier.

Pour le HCP, les déclassements des diplômés de la formation professionnelle tiennent d’une double faiblesse, celle de l’adéquation des diplômés à l’offre d’emploi, et celle du niveau et de la diversité de cette offre. Ainsi, les déclassements sont plus faibles dans les métiers qui exigent un certain niveau de qualification comme l’administration publique ou la santé, que dans ceux “où l’offre d’emploi est élevée et peu qualifiée“, comme l’agriculture, la pêche, le BTP ou l’industrie extractive.

La conclusion de l’étude du HCP est alors des plus claires : “le rendement externe de la formation professionnelle montre sans équivoque un niveau de performance problématique, aussi bien au plan qualitatif que quantitatif, comparé à celui de l’enseignement général“.

Un système à refonder

Si le rendement de la formation professionnelle est aussi problématique, c’est parce que des années durant, le système n’a pas été adapté à l’évolution du marché du travail, et plus globalement à la réalité socio-économique du Maroc.

Le cadre législatif et institutionnel du système, bien qu’il ait été amendé et révisé à certains endroits, est vieux de trente années. Les nouveaux outils mis en place, comme par exemple l’approche par les compétences (APC), ne sont pas tous généralisés.

La formation des formateurs est problématique aussi puisque, note le CSEFRS, “les formateurs sont recrutés sans formation préalable les qualifiant à l’exercice du métier et sont souvent des lauréats fraîchement diplômés“.

À tout cela s’ajoutent la stagnation de l’offre des établissements privés, dont 66% ne sont d’ailleurs pas accrédités et l’absence d’outils de suivi de l’évolution du marché. En termes de gouvernance, la pluralité des parties-prenantes, perçue d’abord comme une opportunité d’enrichissement de l’offre, crée cependant des dysfonctionnements “se manifestant par des conflits d’intérêts entre intervenants dans le dispositif“, indique le CSEFRS. Enfin, les budgets, déjà insuffisants, affichent, en plus, “un manque flagrant de rationalisation et d’optimisation“.

Formation à la carte

Les dysfonctionnements du dispositif de la formation professionnelle sont légion. Ils sont surtout structurels, ce qui exige une refonte complète du système. Il en va, en effet, de sa contribution à la compétitivité nationale, à la valorisation du capital humain et à la promotion sociale des jeunes. De ce point de vue, la nouvelle feuille de route, présentée le 4 avril dernier au Roi Mohammed VI, semble avoir pris la mesure des enjeux.

Cette nouvelle feuille de route se veut d’abord pragmatique, en redirigeant l’offre de formation vers les métiers d’avenir. C’est la mission qui a été ainsi assignée aux 12 cités des métiers et des compétences (CMC). Plateformes de développement des compétences multisectorielles et multifonctionnelles, elles seront installées dans chaque région et privilégieront la formation en milieu professionnel, les langues étrangères, l’approche par compétence et les soft skills.

Les cités sont surtout conçues pour s’adapter aux besoins locaux de chaque région. Elles proposeront ainsi une offre de formation établie sur la base des spécialisations et des richesses de chaque région. Par exemple, à Beni Mellal-Khénifra, ce sont le digital, l’agriculture/agro-industrie et l’artisanat qui seront mis en avant, alors qu’à Fès-Meknès, s’y ajouteront les industries, l’offshoring, le tourisme et l'hôtellerie ainsi que la santé.

Globalement, les CMC cibleront 8 pôles d’activité porteurs : agriculture et agro-industrie, pêche, tourisme et hôtellerie, santé, artisanat, industrie et industries propres, digital et offshoring/intelligence artificielle et les services à la personne.

Le pilotage de chaque CMC sera dévolu à une société anonyme filiale de l’OFPPT, avec à sa tête un professionnel qui présidera un conseil d’administration où sont représentés l’État, la région et les professionnels.

Opérationnelles dès septembre 2020, les CMC mobiliseront un financement global de 3,6 milliards de DH, porté par l’État, la région et l’OFPPT, mais seul l’Office interviendra dans la gestion des ressources de chaque cité.

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