Le Conseil supérieur de l'éducation pointe les défaillances du système universitaire au Maroc

Dans son dernier rapport sur le système universitaire à accès ouvert au Maroc, le Conseil supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche scientifique pointe, entre autres, un faible taux d’encadrement et des infrastructures sous-dimensionnées. "Une réelle réforme peine à se dessiner".

Le Conseil supérieur de l'éducation pointe les défaillances du système universitaire au Maroc

Le 8 janvier 2019 à 15h16

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Dans son dernier rapport sur le système universitaire à accès ouvert au Maroc, le Conseil supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche scientifique pointe, entre autres, un faible taux d’encadrement et des infrastructures sous-dimensionnées. "Une réelle réforme peine à se dessiner".

Le rapport qui porte sur "l'efficacité et les défis du système universitaire à accès ouvert", analyse l'évolution de l’enseignement supérieur depuis la promulgation de la loi 01-00 et depuis la mise en œuvre du dispositif LMD (Licence-Master-Doctorat). 

Entre 2016 et 2017, le nombre global des étudiants dans tout ce système a augmenté d’environ 4,2%, en passant de 957.513 à 997.338 étudiants.

L’enseignement universitaire demeure fortement majoritaire au sein du système de l'enseignement supérieur marocain. Il accueille plus de 78% du total des effectifs.

Un système dualiste

L’actuel système d’enseignement supérieur sécrète, d'un côté, une élite formée dans les établissements à accès régulé et de formation des cadres; et dans le privé, où elle dispose des atouts pour accéder rapidement au marché de l’emploi et occuper les hauts postes de l’administration et des organisations étatiques. 

De l’autre, se trouve la masse des étudiants qui suivent les formations de licence fondamentale des universités à accès ouvert, où les exigences de qualité du système LMD se sont progressivement relâchées, note le rapport du CSEFRS. 

Emergence de l'enseignement privé

Depuis 2010, l’enseignement supérieur privé a connu un développement soutenu, relève le document.

En effet, les effectifs des étudiants inscrits dans des établissements relevant d’un partenariat public privé (PPP) ont bondi de 1.047 à 6.030 étudiants entre 2014 et 2017, soit une progression annuelle moyenne de 79%. En outre, les effectifs des étudiants en formation à l’enseignement supérieur privé ont augmenté de 10% entre 2013 et 2017.

En 2016-2017, l’enseignement supérieur privé marocain recouvrait 199 institutions (non compris Al Akhawayn), situées principalement dans les grandes villes.

A titre d’exemple, la part des étudiants de l’enseignement supérieur privé dans la région Casablanca-Settat est de 38%. Elle est de 25% dans la région Rabat-Salé-Kénitra et de 14% dans celle de Marrakech-Safi.

Les établissements privés non universitaires occupent toujours une grande place, à hauteur de 69% de l’effectif global des étudiants. Près de 60% d’entre eux officient en commerce et gestion, 36% en sciences et techniques et 5% en sciences de la santé.

Les passerelles font défaut

Le rapport du CSEFRS relève un "fonctionnement fragmenté des diverses composantes de l'université marocaine, sans passerelles".

La mobilité des étudiants ou encore la reconnaissance et la validation des acquis à l’issue de modules, de crédits, de stages, d’expériences diverses..., s’en voient singulièrement limitées.

Or, l’existence de passerelles est indispensable à l’exercice d’une orientation progressive facilitant à l’étudiant son cheminement. Une seconde conséquence majeure découlant de la mise en œuvre de telles passerelles est la réduction des déperditions et du décrochage.

Aujourd’hui, la validation des acquis et des enseignements ne parvient pas à se réaliser intra-muros entre les diverses composantes d’une même université, qu’elle soit à accès ouvert ou à accès régulé (mis à part le concours national commun pour les DEUG).

De plus, le passage entre la formation professionnelle post-bac de Technicien spécialisé et l’université ne se fait que dans de très rares cas, limités à quelques licences professionnelles. Il n’existe pas de texte réglementaire qui instaure cette passerelle et en définit les modalités. Inversement, pour plusieurs raisons, l’étudiant n’ayant pas achevé ses études à l’université (surtout à accès ouvert) pour diverses raisons et/ou souhaitant opter pour un parcours professionnalisant, n’a aucune possibilité de faire valoir ses acquis et les modules validés à l’université.

Ces passerelles, souligne le rapport, peuvent servir de voie d’orientation palliative au profit d’étudiants en grande difficulté, sachant qu’une forte proportion d’entre eux abandonne l’enseignement supérieur universitaire (accès ouvert). En effet, 25% de ces abandons surviennent lors de la première année d’études, 40,2% après deux années et 20,9% après trois années d’études dans ce système.

Défaillance du système LMD

En 2003, l’université marocaine a adopté une nouvelle architecture en s’engageant dans l’implémentation du dispositif LMD. Objectifs: uniformiser le système d’enseignement supérieur universitaire et son ouverture à l’international, vers d’autres systèmes, notamment européen, à une époque où tous les systèmes universitaires tendent à se rapprocher du modèle anglo-saxon. 

Quinze ans environ après son adoption, le dispositif LMD n’a fait l’objet d’aucune véritable évaluation nationale. Au vu des déperditions constatées, le CSEFRS recommande une évaluation focalisée sur le système ouvert des établissements universitaires.

L’objectif est d’apprécier l’efficacité du système mis en œuvre et d’envisager des perspectives d’évolution de la réforme LMD.

Des déficits du secondaire transposés à l'enseignement supérieur

Les principales difficultés qui ressortent du rapport se résument à la faiblesse du niveau des arrivants du secondaire vers l’université.

D’une part, les notes des étudiants ne traduisent aucunement leur niveau réel. En effet, le Programme national d’évaluation des acquis des élèves du Tronc Commun montre que les scores des élèves restent faibles et loin de garantir la maîtrise des prérequis nécessaires pour suivre une formation au lycée et plus tard à l'université.

Or, pour tous les établissements universitaires d’accès ouvert, il n’existe pas de test de niveaux permettant de s’assurer des compétences minimales pour accéder à cette formation académique supérieure.

D’autre part, sont rarement exigées, en prérequis, les moyennes des matières spécifiques correspondant à la filière d’inscription. Les déficits du cycle qualifiant de l’éducation scolaire, essentiellement le déficit linguistique, se transposent au supérieur.

Bien que le baccalauréat soit le diplôme d’entrée à l’université, on assiste à un dis-continuum entre le cycle qualifiant et le cycle de licence.

Sous-encadrement pédagogique 

Au Maroc, l’encadrement pédagogique est encore loin de satisfaire les exigences pour garantir le succès de la réforme. Les données montrent que le sous-encadrement pédagogique était et demeure un défi structurel, particulièrement dans les établissements à accès ouvert.

En 2016, le taux d’encadrement universitaire a atteint 57 étudiants par enseignant-chercheur, alors qu’il était de moins de la moitié (26 étudiants par enseignant-chercheur).

Le déséquilibre est constaté entre les établissements à accès régulé et ceux à accès ouvert, note le rapport. 

Cette dégradation du taux d’encadrement résulte du grand déphasage entre une volonté politique d’accroître le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur (croissance de 108% entre 2011 et 2016) sans pour autant assurer les ressources humaines nécessaires. L’effectif des enseignants n’a augmenté que de 12% sur cette même période. 

Dans les établissements à accès ouvert, il existe même une grande disparité entre les domaines scientifiques. Le domaine des sciences juridiques, économiques et sociales est le plus frappé par le sous-encadrement pédagogique.

Déphasage de la capacité d'accueil avec les effectifs

Le rapport s'arrête sur le problème de massification dont souffre l’enseignement universitaire.

Entre 2001 et 2016, la capacité d’accueil en termes de places physiques dans les universités marocaines a augmenté de 70,2%.

Les données indiquent que cet accroissement de l’offre de places physiques reste insuffisant pour répondre à la forte progression des effectifs des étudiants dans les établissements universitaires, atteignant 186,7% durant cette même période.

Cette faiblesse a induit une surutilisation de cette capacité dont le taux dépasse toutes les normes pour un enseignement supérieur de qualité.

Au niveau de l’accès ouvert, la massification aggrave de plus en plus le taux d’utilisation de la capacité d’accueil qui atteint près de 211% en 2016.

Vu les effectifs importants des établissements universitaires à accès ouvert qui ne cessent de croître au fil des années, la politique publique demeure très timide pour améliorer l’offre de places physiques dans ces établissements. Cette politique a porté attention aux établissements à accès régulé qui fonctionnent nettement en deçà de leurs capacités. Le taux d’utilisation de la capacité d’accueil de ces établissements n’est que de 67% en 2016.

Ce déphasage accentué entre les deux types d’accès en termes de places physiques interroge la dichotomie aujourd’hui injustifiée de ces deux types qui fonctionnent en vase clos au sein d’un même espace: l’université.

Lire aussi: Un système de crédits dans les universités marocaines à l'étude

                  Voici comment sont calculés les seuils d’admission aux établissements supérieurs au Maroc

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