Résolution du conseil de sécurité sur le Sahara: voici la lecture de Nasser Bourita

Nasser Bourita a exposé le jeudi 2 novembre à la presse, la lecture marocaine de la résolution 2440 du conseil de sécurité sur le Sahara. Entre deux avions, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération a apporté un intéressant éclairage sur cette résolution et sur les étapes à venir.

Résolution du conseil de sécurité sur le Sahara: voici la lecture de Nasser Bourita

Le 4 novembre 2018 à 6h04

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Nasser Bourita a exposé le jeudi 2 novembre à la presse, la lecture marocaine de la résolution 2440 du conseil de sécurité sur le Sahara. Entre deux avions, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération a apporté un intéressant éclairage sur cette résolution et sur les étapes à venir.

Le contexte présente deux caractéristiques :

-sur le terrain, les provocations du polisario depuis aout 2017, à Guergarate puis dans les zones situées à l’est du mur de défense marocain. Le polisario prétendait instaurer une police et des contrôles dans la zone tampon et déplacer certaines de ses structures administratives de l’Algérie vers la zone située à l’est du mur et notamment à Bir Lahlou (voir carte).

-sur le front politique, le conseil de sécurité souhaite une relance du processus de négociation, ce qui est parfois qualifié de 5e round. Le Maroc a accepté le principe mais il a exigé la présence de l’Algérie et refusé catégoriquement une réédition de Manhasset où l’Algérie n’était présente que dans les couloirs alors que c’est ce pays qui abrite, arme, finance, mobilise sa diplomatie au service du polisario.

La durée du mandat de la Minurso

En avril puis en octobre 2018, le mandat de la Minurso n’a été renouvelé que de six mois contre un an auparavant. Ce sont les Etats-Unis qui ont insisté pour que la durée soit réduite, estimant qu’il s’agira d’une “pression sur les parties pour aboutir aussi rapidement que possible à une solution“.

“Pour le Maroc, la durée du mandat de la Minurso n’a jamais été un enjeu ni un objectif. Nous n’accepterons pas que la durée du mandat devienne un moyen de pression pour nous faire reculer sur les fondamentaux définis par Sa Majesté dans le discours de la Marche Verte en novembre 2017“ (Bourita).

“Ce qui compte, c’est le contenu, pas la durée. De plus, le Maroc fait la différence entre le cessez-le-feu et le processus politique. Il y a dans le monde 65 processus politiques et seulement 17 dispositifs de maintien de la paix“.

“La durée du mandat de la Minurso n’est ni un couperet, ni une priorité, ni un enjeu, ni un élément de pression pour nous faire bouger de nos fondamentaux“.

Les fondamentaux du Maroc

Ils avaient été énoncés par le Roi Mohammed VI dans le discours de la Marche Verte de novembre 2017 :

"- Premièrement: aucun règlement de l’affaire du Sahara n’est possible en dehors de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara, et en dehors de l’Initiative d’autonomie, dont la communauté internationale a reconnu le sérieux et la crédibilité. 

"- Deuxièmement: les expériences passées devraient permettre de méditer sur une évidence: le problème n’est pas tant de trouver une solution à cette affaire, mais plutôt d’arriver à définir le processus à suivre pour y parvenir. Il appartient, donc, aux parties à l’origine de ce conflit monté de toutes pièces, d’assumer pleinement leur responsabilité dans la recherche d’un règlement définitif ;

- Troisièmement: le plein respect des principes et fondamentaux retenus par le Conseil de Sécurité pour le traitement de ce conflit régional artificiel; l’organe onusien étant, de fait, la seule instance internationale chargée de superviser le processus de règlement; et

- Quatrièmement: le refus catégorique de tout dépassement, de toute tentative de porter atteinte aux droits légitimes du Maroc et à ses intérêts supérieurs, de toute proposition obsolète visant à écarter le plan de règlement des paramètres référentiels retenus, de l’insertion abusive d’autres sujets, lesquels sont traités par des institutions compétentes.

Le millefeuille de Nasser Bourita

Pour faciliter la lecture de la résolution du conseil de sécurité, Nasser Bourita utilise la métaphore du millefeuille. La résolution est un millefeuille auquel on ajoute des couches d’année en année.

Ce qu’il faut regarder, ce sont les changements intervenus d’une résolution à l’autre.

Pour la résolution 2440 du 31 octobre 2018, 5 paragraphes ont été ajoutés (en vert sur les fac similés) :

-2 concernent le processus politique :

-et 3 concernent la situation sur le terrain à l’est et au sud du mur marocain de défense.

Voir les fac-similés comparatifs des deux textes, avril et octobre 2018, en fin d'article.

Guergarate, Bir Lahlou et le mythe des “territoires libérés“

D’aout 2017 à mars 2018, le polisario et l’Algérie avaient passé plusieurs mois dans une agitation frénétique, menaçant le transport et le commerce à Guergarate et annonçant un déplacement de structures vers Bir Lahlou, “dans les territoires libérés“.

L’accord militaire n°1 avait instauré une zone tampon de 5 km de part et d’autre du mur dans laquelle tout mouvement militaire est interdit et une zone de restriction de 25 km au-delà.

Mais ce qui est essentiel, ce n’est pas l’accord militaire lui-même. C’est le cessez-le-feu, “un acte politico-militaire qui peut être rompu par toutes sortes d’attitudes“, dont la violation de l’accord militaire ou encore l’installation de structures administratives à Bir Lahlou.

Le polisario a pris des engagements à l’égard du conseil de sécurité. Il était important pour le Maroc que ces engagements soient consignés dans une résolution. C’est ce qui a été fait.

La formulation à cet égard est importante : le conseil de sécurité n’a pas écrit “se félicite“ mais “prend note“ et “demande au polisario de respecter ses engagements“. De plus, Tifariti est pour la première fois citée alors qu’elle se trouve très loin du mur, à la frontière maroco-mauritanienne. Tifariti n’est située ni dans la zone tampon ni dans la zone de restriction. Cela signifie que le conseil de sécurité reconnaît que ce qui se passe dans toute la zone à l’est du mur doit rester dans le statu quo pour ne pas rompre le cessez-le-feu.

L’Algérie est pour la première fois dans le tour de table des négociations

Le Conseil de sécurité a-t-il enfin compris que sans l’Algérie, il n’y aura ni compromis ni solution définitive ? C’est possible au vu du texte de la résolution.

La position du Maroc est résumée par Bourita en quelques mots : “Le conseil de sécurité nous a suivis parce que notre discours correspond à la réalité. Nous avons dit : vous avez essayé sans l’Algérie et vous avez perdu du temps“.

Avec l’invitation lancée par Hörst Kohler, l’Algérie se trouve acculée par la réalité. Si elle refuse, elle se met en porte-à-faux. Si elle accepte, elle conforte la position marocaine. Elle a donc accepté du bout des lèvres. Ira-t-elle jusqu’à saboter la réunion ? La faire échouer ?

La résolution d’octobre 2018 n’évoque plus l’Algérie en tant que “pays voisin“ Elle liste simplement les parties invitées à la table ronde de Genève, Maroc, polisario, Algérie, Mauritanie.

“Il n’y a plus 2+2 [deux parties et deux pays voisins], mais 4 parties“, constate Bourita avec un grand sourire. “Il n’y aura pas de nouveau Manhasset“, rappelle le ministre des Affaires étrangères. “L’Agérie ne sera pas dans les couloirs mais autour de la table“.

What’s in Blue, le site qui suit de près les travaux du conseil de sécurité, rapporte que les négociations autour de la qualification de l’Algérie n’ont pas été simples. Pour la première fois, une résolution ne qualifie pas l’Algérie d’Etat voisin ou de la région, mais le cite simplement en tant que participant à part entière au processus. [A noter que la mention de l’Algérie en tant qu’Etat voisin persiste uniquement dans les paragraphes anciens du “millefeuille“].

Voici le récit de What’s in Blue :

“La question la plus difficile des négociations était peut-être celle de savoir comment faire référence aux différents invités à la prochaine table ronde de Genève. Cela a été une question sensible pour le Maroc et l'Algérie. Le Maroc considère le Front Polisario comme un représentant de l’Algérie et a insisté pour que ce parti soit considéré comme une partie dans les prochains pourparlers. L'Algérie a insisté sur le fait qu'elle n'était pas partie au conflit et qu'elle ne pouvait pas prendre la place du Front Polisario dans les négociations, mais était prête à renforcer son rôle dans le processus politique en tant qu'État voisin. Les invitations à Genève étaient apparemment ambiguës concernant ces distinctions, bien que le rapport du Secrétaire général établisse une distinction entre les parties et les États voisins en faisant référence aux invitations de l'Envoyé personnel à Genève.

“Au cours des négociations, certains membres du Conseil ont plaidé pour la nécessité de distinguer clairement les parties des pays voisins, ce qui n’a pas été fait dans le texte proposé. Les États-Unis ont partiellement répondu à cette préoccupation à la suite de la réunion du Groupe des amis en supprimant au total une référence énumérant les quatre invités dans un paragraphe initial saluant la décision de l'Envoyé personnel d'organiser une table ronde à Genève. Cela laisse néanmoins trois autres références aux quatre invités sans distinguer l'Algérie et la Mauritanie comme pays voisins. Les États-Unis ont répliqué qu'ils n'avaient pas fait cette distinction parce que les invitations ne l'avaient pas fait. D'un autre côté, un membre du Conseil, plaidant en faveur du maintien de la distinction, a affirmé que les invitations faisaient référence à l'Algérie en tant que pays voisin.

“Le projet de résolution en bleu conserve ces trois autres énumérations, décrites dans deux paragraphes, qui saluent la réaction positive du Maroc, du Front Polisaro, de l'Algérie et de la Mauritanie aux invitations à participer à la table ronde. Le projet de résolution semble être une occasion rare lorsque le Conseil a identifié l'Algérie et la Mauritanie par leur nom. Les résolutions sur le Sahara occidental adoptées depuis 2002 ne font référence qu'aux «États / pays voisins» ou aux «États de la région».

Quelles sont les prochaines étapes ? Que fera l’Algérie au-delà de l’acceptation de façade ?

Nasser Bourita estime que “l’Algérie n’assume pas“ sa participation. C’est pourquoi la tenue de la table ronde à Genève, avant un démarrage éventuel des négociations, aura valeur de “test“.

La table ronde de Genève aura lieu les 5 et 6 décembre prochains. Elle sera précédée de consultations à la mi-novembre, pour définir les modalités : qui participe dans chaque délégation, quel est le code de conduite, quel est l’ordre du jour…

“Rien dans la résolution ne permet à l’Algérie de se soustraire à ses obligations. Le Maroc n’ira que lorsque toutes les modalités auront été définies“, conclut Bourita.

DOCUMENTS

Voici les deux dernières résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara

Les 5 premières pages concernent la résolution du 31 octobre 2018

Les autres la résolution d'avril 2018

En vert: ce qui a été ajouté dans la dernière résolution

LA RESOLUTION 2414 du 27 AVRIL 2018

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