Laftit et la crise d’Al Hoceima: “un fils de la région“ peut-il mieux faire?

La crise qui couve à Al Hoceima depuis la mort de Mohsine Fikri en octobre dernier sera-t-elle apaisée par l’arrivée de Abdelouafi Laftit à la tête du département de l’Intérieur? Passage en revue des atouts d’un homme et des défis d‘une situation.

Laftit et la crise d’Al Hoceima: “un fils de la région“ peut-il mieux faire?

Le 6 avril 2017 à 17h33

Modifié 11 avril 2021 à 2h39

La crise qui couve à Al Hoceima depuis la mort de Mohsine Fikri en octobre dernier sera-t-elle apaisée par l’arrivée de Abdelouafi Laftit à la tête du département de l’Intérieur? Passage en revue des atouts d’un homme et des défis d‘une situation.

Lui-même né à Tafrisst près d’Al Hoceima il y a 50 ans, Laftit connaît les réalités du Rif et du Nord  marocains: un climat et une topographie souvent ingrats; l’enclavement; et sur le plan social, la banalité du cannabis, les marchandises de contrebande aux coins des rues, et l’émigration comme horizons partagés par une grande partie de la jeunesse locale.

Dès mercredi 5 avril au soir, le site local rif24.com a salué la “nomination d’un fils de la région“ au poste de ministre de l’Intérieur notant qu’il est “né à Tafrisst dans la province d’Al Hoceima“.

Sur sa page Facebook, le maire d’Al Hoceima et élu régional Mohamed Boudra du PAM a réagi à la publication de la composition du nouveau gouvernement en souhaitant que “l’actuel gouvernement  fasse mieux pour Al Hoceima et pour le Rif“.

Atouts, Fikri et développement local

Bon en maths et brillant étudiant, Laftit est diplômé de Polytechnique à l’âge de 22 ans puis des Ponts et Chaussées à 24 ans. Les compétences de base sont là. Ensuite viendra l’expérience professionnelle et sa proximité personnelle et professionnelle avec des hommes tels Mohamed Halab, Abdelaziz Méziane Belfkih et Mohamed Hassad.

 La direction du Centre régional des investissements à Tanger, un poste de gouverneur de la province de Fahs-Anjra -très “rifaine“ par ses données socio-économiques-, un poste de gouverneur à Nador avant de nouveau la direction de la nouvelle Société d’aménagement et de reconversion du port de Tanger et un poste de wali de région de Rabat-Salé-Kénitra couplé avec le poste de wali de la ville de Rabat préfiguraient sa nomination d’hier.

Abdelouafi Laftit aura trouvé sur son bureau le brûlant dossier d’Al Hoceima dès ce jeudi 6 avril. Des manifestations ont eu lieu dimanche dernier près de Nador et d’Al Hoceima et le dossier de la mort de Mohcine Fikri est devant la justice de la ville.

Depuis octobre dernier, manifestations et incidents se succèdent. La mort du négociant en poissons M. Fikri dans une benne à ordures où 500 kg de marchandises lui appartenant avaient été confisqués et jetés, a provoqué la colère de ses concitoyens.

 Le Rif a une longue de rébellion contre l’autorité avec une occupation espagnole qui a suscité résistance armée locale et appels à l’autonomie au début du siècle dernier.

Quelques mois après l’indépendance du pays en mars 1956, le clash entre des mouvances rifaines et les autorités centrales en 1958 a fait ressurgir différends et malentendus politiques provoquant l’intervention de l’armée. Aujourd’hui, des mouvements de la société civile protestent contre “la militarisation du Rif“.

Ce passé houleux et conflictuel devait être en partie soldé par l’intérêt porté par le Roi Mohammed VI aux régions du Nord dès l’automne 1999. Il y eu ensuite le discours de mars 2004, jusqu’au lancement en 2015 du plan de développement d’Al Hoceima et sa région et l’approbation finale de la loi sur la régionalisation la même année à la veille des premières élections régionales au suffrage universel du pays. Mais les meilleures volontés peuvent buter sur une réalité sociale complexe et des incidents imprévus mais graves.

Si les récents mois ont montré la difficulté qu’il y avait à former un gouvernement à Rabat, ils ont également montré que seule sur le terrain à Al Hoceima, l’administration locale n’a pas pu apporter de solution à la crise.

Laftit attendu: l’avantage de la nouveauté et de la connaissance du terrain

Désormais à la tête de l’Intérieur, Laftit a l’avantage de la nouveauté et de la connaissance du terrain. C’est pour cela qu’il sera certainement écouté avec attention dès la prise de ses premiers contacts dans la région.

Dans le même temps, cet avantage est à double tranchant. Le nouveau ministre de l’Intérieur devra s’en saisir pour convaincre et fournir des gages de progrès sur les dossiers: investissements productifs et lutte contre le chômage, infrastructures et formation professionnelle, enseignement et culture amazigh, administration à l’écoute et garantie d’une vie politique représentative.

Le mouvement rifain a aujourd’hui ses symboles, ses leaders, ses éléments de langage et des objectifs.

Depuis le début de cette année on entend ici dire que “si Rabat s’assied autour de la même table que les représentants de la rasd, pourquoi ne le ferait-elle pas avec nous qui ne sommes pas séparatistes mais avons des particularismes culturels?“ L’argument peut choquer certaines oreilles mais il est basé sur des décennies de malentendus politiques  et des décennies de déficits en écoles et en centres de santé, de contrebande et de réputation de terre de trafiquants de drogue.

Reste la question de savoir si parce que Laftit connaît bien la région, il sera à même de mieux répondre aux défis posés. Là réside son challenge.

Les hommes politiques issus d’Al Hoceima ou de Nador n’ont pas manqué au cours de ces dernières années. Ils n’ont rien réalisé de déterminant. Il y eut longtemps Mustapha Mansouri au parlement, à la tête du RNI et bien introduit à Rabat. Il existe depuis 2011 une classe politique  locale composée de femmes et d’hommes du PAM, du PJD, de l’USFP et du RNI avec Ilyas Elomari en tête.

Peut-être ont-ils mieux sensibilisé les ministres du gouvernement et le Roi aux dossiers de la région? Cela n’aura pas en tous les cas  permis de faire partager par l’ensemble des intervenants publics locaux des principes de bonne gouvernance et de “nouvelle conception de l’autorité“ énoncée dès 1999.

 Est-ce pour cela que depuis quelques semaines, le gouverneur d’Al Hoceima a été limogé ainsi que nombre de responsables de services extérieurs de l’administration centrale? Après de graves incidents enregistrés fin mars,  Mohamed Hassad s’est déplacé à Al Hoceima et donné ses instructions pour l’accélération du plan de développement d’Al Hoceima lancé en 2015 et censé être bouclé en 2019.

La balle est en grande partie aujourd’hui dans le camp de M. Laftit qui devra trouver les mots justes et les propositions réalistes pour apaiser, et au-delà, normaliser une situation politique et sociale fragile, pas perdue, mais toujours prête à se rappeler au bon souvenir de ceux qui ont oublié leurs engagements.

Dans le Rif et ailleurs au Maroc, c’est la qualité de l’administration territoriale et la perception globale du rôle de l’Etat qui sont en jeu.

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