Le bilan du gouvernement Benkirane vivement critiqué par Najib Akesbi et Abdelkader Berrada

A l’approche de la fin du mandat du gouvernement Benkirane, le bilan de celui-ci en matière d’endettement, de fiscalité et de croissance a été présenté ce 23 juin à Rabat et vivement critiqué par deux économistes: Najib Akesbi et Abdelkader Berrada.  

Le bilan du gouvernement Benkirane vivement critiqué par Najib Akesbi et Abdelkader Berrada

Le 24 juin 2016 à 20h11

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

A l’approche de la fin du mandat du gouvernement Benkirane, le bilan de celui-ci en matière d’endettement, de fiscalité et de croissance a été présenté ce 23 juin à Rabat et vivement critiqué par deux économistes: Najib Akesbi et Abdelkader Berrada.  

"Le prochain gouvernement n’héritera pas d’un actif, mais d’une patate chaude", a lancé d’emblée, Abdelkader Berrada, économiste et professeur universitaire, ce 23 juin, lors d’une conférence sur les réalisations économiques du gouvernement Benkirane.

La conférence a examiné en profondeur trois aspects du bilan: Le déficit budgétaire, les réformes fiscales et la croissance économique. Des performances sujettes à de vives critiques et qui traduisent, selon M. Berrada, un état "alarmant" des finances publiques.

Le déficit budgétaire, allégé par des recettes exceptionnelles

En 2015, le déficit budgétaire était de 4,3% du PIB, selon les sources officielles. Une réalisation dont l’actuel gouvernement est fier, vu que cet indicateur se situait à 7,5% en 2012, peu de temps après son accès aux commandes du pays.  

Ceci dit, l’économiste Abdelkader Berrada remet en cause l’exactitude de ce chiffre. Il estime que certaines règles méthodologiques de base n'ont pas été respectées dans son calcul et avance que le déficit budgétaire réel, corrigé par la suppression des recettes exceptionnelles des recettes courantes, peut atteindre jusqu'à 7,5% du PIB.

"Au Maroc, les recettes exceptionnelles sont presque devenues une constante", s’indigne M. Berrada. L’économiste fait référence aux différentes privatisations et dons. Il estime que les recettes enregistrent un tassement, alors que les dépenses publiques augmentent constamment.

Il avance que le budget de l’Etat présente de nombreuses zones qu’il qualifie de "sinistrées", la première étant celle des entreprises et établissements publics (EEP), dont les revenus plombent les recettes générales de l’Etat. En étant la première composante des recettes non fiscales, les revenus des EEP sont passés de 6,6% de participation aux recettes budgétaires en 2013, à 4,2% seulement en 2015, alors que les transferts budgétaires de l’Etat vers les EEP continuent leur trend haussier.

Autre zone de turbulence: les dépenses, tous types inclus. Les dépenses de fonctionnement, d’investissement ou les dépenses relatives à la dette. Si la tendance des dépenses de fonctionnement est baissière depuis 2013, Berrada estime qu’il ne faut toutefois pas trop s’en réjouir: Cette baisse ne profite pas aux dépenses d’investissement, mais plutôt aux dépenses de la dette. Celles-ci sont passées de près de 14% en 2013 à 23% en 2014.

Par ailleurs, l’endettement public a décollé, comme l’a également révélé le récent rapport de la Cour des comptes. Entre 2012 et 2015, il a augmenté de 23%. Le pire, selon Abdelkader Berrada, est que cet endettement ne correspond pas forcément à une hausse de l’investissement: "Il y a une baisse de la valeur ajoutée, une hausse des charges financières… et une baisse flagrante de l’impôt sur les sociétés versé à l’Etat, qui a été réduit de plus de la moitié entre 2012 et 2014».

La fiscalité pour assurer la souveraineté financière

Selon l’économiste Najib Akesbi, recourir à l’endettement pour pallier le déficit budgétaire émane principalement du manque de ressources fiscales.

Il affirme que le taux de couverture des dépenses publiques par les recettes fiscales ne dépasse pas 62%: "Là est tout le problème, surtout pour un pays qui ne dispose pas de ressources propres autres que les ressources fiscales".

Il avance que la première condition pour assurer une véritable souveraineté financière pour le Maroc est d’avoir un système fiscal qui mobilise le plus de ressources possibles: "Nous avons déjà pu, dans les années passées, couvrir plus que 80% des dépenses publiques en recettes fiscales, ce n’est pas un rêve", affirme-t-il.

Ce taux de couverture des dépenses publiques par les recettes, Akesbi le surnomme le taux d’autosuffisance fiscale. A 62% actuellement, il estime que la mobilisation de quelques revenus des domaines, avec les intérêts de quelques établissements publics «qui gagnent peu d’argent» et les recettes de quelques privatisations, ne porteront ce taux qu’à 67%: «Il reste tout de même un bon tiers, un trou, qu’on ne pourra couvrir qu’à travers l’endettement», déplore-t-il.

Akesbi s’insurge ainsi contre le système fiscal actuel, qu’il qualifie d’«inéquitable, injuste, incohérent, contradictoire et horriblement complexe». Il avance que la réalité de ce système, contestée largement dans des slogans du mouvement du 20 Février, a permis au gouvernement actuel d’afficher une certaine réceptivité et de promettre d’apporter des réformes concrètes.

A ce propos, Akesbi estime que le gouvernement Benkirane a tenu sa parole sur un seul point: l'organisation des assises de la fiscalité en 2013. Ceci dit, il estime que ces assises ont servi les intérêts du patronat plus que les intérêts d’un véritable système fiscal équitable et que les recommandations liées à ce dernier volet n’ont pas toutes été retenues: «Nous avons aujourd’hui un système qui a un parti-pris évident et franc en faveur du capital, au détriment du travail», affirme l’économiste.

Il ajoute: «Le patronat a beaucoup de chance et n’est pas très reconnaissant envers ce gouvernement, qui lui a apporté beaucoup de cadeaux: La règle de décalage d’un mois en matière de TVA ou le remboursement du droit à déduction de la TVA sur investissements, par exemple, sont toutes des revendications anciennes de la CGEM, que le gouvernement Benkirane a exaucées».

Il avance que des dispositions comme la taxation des activités agricoles, la revue de la progressivité de l’IR ou l’introduction d’un impôt sur le capital non productif auraient été des réformes introduisant plus d’équité dans le système fiscal marocain. Akesbi estime que les assises de la fiscalité étaient une occasion en or pour arriver à un consensus: «Ce gouvernement a obtenu des recommandations concrètes sur lesquelles il pouvait s'appuyer pour aller de l’avant, mais il ne l’a pas fait», s’indigne-t-il.

En outre, Akesbi estime que le gouvernement a succombé à des pressions lobbyistes pour abandonner la mise en oeuvre des dispositions relatives à la pénalisation de la fraude fiscale: «Le dernier projet de loi de finances contenait des dispositions dans ce sens, il a suffi de quelques coups de téléphone et les mesures ont disparu!»

Sur cet aspect là, Abdelkader Berrada estime que par la lutte contre la fraude fiscale et l’amélioration du recouvrement des impôts, l’Etat arrivera à injecter une vingtaine de milliards de dirhams dans les recettes fiscales et donc alléger d'autant le déficit budgétaire.

La pire moyenne de croissance depuis le PAS

Autre élément préoccupant pour les deux économistes: le taux de croissance. La moyenne de celui-ci n’a pas dépassé 3,2% sur les 5 dernières années: «Un des taux les plus faibles depuis 1960», souligne Abdelkader Berrada. Le Royaume n’a pas enregistré une telle moyenne depuis les années 80, années d’adoption du plan d’ajustement structurel.

Une croissance atone sous une conjoncture «rarement aussi favorable», remarque l’économiste. Une conjoncture marquée par la chute des cours de pétrole ou par les dons des pays  du Conseil de coopération du Golfe d’une enveloppe de 5MM$ représentant la moitié des recettes de la privatisation.

Face à cette atonie, l’économiste accuse trois instances: La Banque centrale qui, selon lui, ne cherche pas à lever tous les obstacles pour favoriser l’accès des PME aux crédits, notamment à cause de l’accumulation des créances en souffrance; le patronat, qui «adopte un comportement rentier»; et l’Etat, à travers ses politiques économiques et budgétaires: «L’Etat n’est pas stratège. Nous avons l’impression de faire face à un Etat pompier, qui n’est même pas bien préparé pour remplir ce rôle!» s’indigne l’économiste.

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