II. Petit lexique du cannabis

Kif, résine, chanvre, haschich, shit… le lexique du cannabis est riche. Le néophyte s'y perd. Et nos politiques ne sont pas en reste, lorsqu'ils utilisent, à tort, les termes "dépénalisation", "légalisation" et "décriminalisation" comme synonymes les uns des autres, cultivant ainsi le flou dans un champ déjà épineux. 

II. Petit lexique du cannabis

Le 9 mai 2016 à 16h00

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

Kif, résine, chanvre, haschich, shit… le lexique du cannabis est riche. Le néophyte s'y perd. Et nos politiques ne sont pas en reste, lorsqu'ils utilisent, à tort, les termes "dépénalisation", "légalisation" et "décriminalisation" comme synonymes les uns des autres, cultivant ainsi le flou dans un champ déjà épineux. 

L'insaisissable cannabis! On ne maîtrise ni sa culture, ni sa production et encore moins son trafic. On ne maîtrise pas non plus son lexique, riche en variétés, nuances et autres noms locaux et appellations populaires.

Chanvre, résine, haschich, herbe, kif, etc. C'est à s'y perdre et parfois… à s'y méprendre. Cette ambigüité est entretenue par certains de nos politiques. Ceux qui, pour se positionner pour ou contre la légalisation, dépénalisation ou décriminalisation du cannabis, alternent les trois expressions en guise de synonymes. A tort, cependant. Cet article, le deuxième de la série lancée par Médias24, a pour objectif de clarifier les concepts et le vocabulaire.

Cannabis, chanvre, THC, résine, kif…

>Cannabis (chanvre): Le cannabis est l'appellation botanique de la plante du chanvre (nom latin Cannabis sativa). Nous parlons donc de la même espèce. Pourtant, cette plante présente deux visages, celui de la matière utilitaire (chanvre industriel) et celui, plus polémique, de substance psychotrope (chanvre indien).

Le chanvre industriel est exploité pour sa fibre et ses graines, lesquelles offrent de nombreuses possibilités d'utilisation: sa graine peut fournir de l'huile utilisée comme cosmétique, aliment, lubrifiant ou... carburant. Robuste, bon isolant, sa fibre sert quant à elle comme matière textile (cordages, vêtements)  ou dans le bâtiment (béton de chanvre).

Le chanvre indien, lui, est courtisé pour son usage récréatif. Pour "planer", dit-on. "Son adaptation à des climats chauds et secs s'est effectuée aux dépens de la qualité et de la quantité de ses fibres, mais au profit de la production d'une résine, préservant la plante de dessiccation", nous dit le Pr Jean Costentein, dans son livre "Halte au cannabis" (édition Odile Jacob 2006 p 17). "Cette résine en question comporte une substance aux effets psychotropes: le tétrahydrocannabinol, (THC)."

Le chanvre industriel en contient également, mais en très faible teneur, contrairement au chanvre indien. Entre les deux "chanvres", c'est donc, notamment mais surtout, une affaire de THC.

>Tétrahydrocannabinol (THC):  La molécule responsable des effets psychoactifs du cannabis. C'est ce qui en fait une drogue. Plus il en contient, plus il est puissant. La concentration en THC varie selon l’espèce et la partie de la plante utilisée (les fleurs de la plane femelle sont particulièrement fournies), mais aussi la forme consommée: herbe, résine ou huile.

>Herbe de cannabis (marijuana, marie-jeanne, beuh, ganja…): Ce sont les tiges, les feuilles, les graines et les fleurs séchées du chanvre. "Le procédé de séchage est simple. Soit les parties contenant la drogue sont coupées, soit la plante entière est suspendue a l'envers et séchée à l'air libre. Le séchage est achevé lorsque les feuilles près des sommités fleuries deviennent cassantes. Selon le degré d'humidité et la température ambiante, ce processus peut prendre autour de 24 a 72 heures."[1]

Une fois séché, le mélange est pulvérisé pour donner un produit de couleur verte ou brune, dont l'odeur est particulièrement forte. Il est fumé comme tel ou avec du tabac, roulé dans un joint ou mis dans une pipe.

"La concentration de l’herbe en THC varie généralement de 0,5 à 15%, selon le type de produit et la culture. (…) Les récentes techniques de sélection de souches puissantes, les cultures sous serre, ont permis d’atteindre des concentrations en THC de 15 à 25 %. En Hollande, des sélections et manipulations génétiques ont permis d’obtenir des variétés très enrichies, contenant de 20 à 40% de THC !"[2]

>Résine de cannabis (haschich, shit, teuch, teuchi, taga, charas…): matière résineuse sécrétée par la plante.

Sa préparation diffère selon les régions (Afrique du nord, Asie du sud, du Sud-Ouest…). Restons au Maroc: la plante est séchée puis battue, généralement contre un mur ou avec deux bâtons. Cela permet de séparer les parties productrices de résine des parties fibreuses de la plante. Ces dernières sont jetées. Le matériau est ensuite tamisé pour n'en garder que la résine: une poudre fine, collante brune ou noire et surtout riche en THC.

Ce n'est pas fini. La matière est ensuite compressée en bloc, puis emballée et souvent cachetée (logo). Elles est alors commercialisée sous forme de "barrettes", "tablettes" ou "savonnettes". Elle est parfois mélangée avec du henné (Pour tricher, en raison de sa couleur proche de celle du haschich) ou d’autres substances pas très "diététiques": plastique, paraffine, silicium, Rivotril (karkoubi) ...

"Il faut environ 45 à 75 kg de plantes pour produire un kilo de résine. (…) La teneur en THC de la résine est généralement comprise entre 3 et 6 % lors d’une production normale. De même que pour l’herbe, la concentration en THC est élevée par les méthodes de culture, pour atteindre en production moyenne des teneurs de 12 à 40%."[3]

>Huile de cannabis: liquide épais ou pâte, vert foncé, marron voire noir, extrait d'herbe ou de résine de cannabis. C'est la forme la plus efficace en termes de concentration de THC, avec un taux qui peut atteindre 60%. Il est logiquement le plus coûteux, mais aussi le plus rare. 

Pour les trafiquants, il est également le plus discret, permettant de condenser "une grande quantité de matériau psychoactif dans un plus petit volume. Le cannabis liquide peut être mis dans n'importe quelle cavité et permet d'utiliser des cachettes qui ne peuvent pas facilement contenir de l'herbe ou de la résine, ce qui réduit les risques de détection par la forme ou l'odeur." 

"L'extraction s'effectue dans un récipient contenant un solvant organique (ex. pétrole, éthanol, méthanol, acétone) à température ambiante, en remuant, par extraction passive ou au reflux." 

Les huiles sont généralement déposées sur le papier à cigarettes ou ajoutées aux joints pour en augmenter la puissance.

>Kif: "Au Maroc, le kif désigne tant la plante que le mélange de cannabis et de tabac traditionnellement fumé dans les pipes "sebsi". La plante de cannabis appelée kif est une variété locale adaptée au stress hydrique de la région septentrionale du Rif, dans laquelle elle est cultivée depuis plusieurs siècles."

 Dépénalisation, décriminalisation et légalisation... confusion 

>Dépénalisation: dépénaliser, c'est renoncer à punir certains usagers de cannabis par des sanctions pénales. Renoncer au sens, ne pas appliquer une loi qui pourtant existe ou plutôt, ne pas l'appliquer à tout prix, systématiquement.  

Dans son rapport de 2014, l'Observatoire national des drogues et addictions (ONDA) s'était penché sur la question, définissant la dépénalisation du cannabis comme le fait "de considérer que l’usage est toujours une infraction sanctionnée par la loi, mais que la sanction est levée devant certaines situations (en fonction des quantités, nombre d’appréhensions…)."

Dans certains pays, divers mécanismes juridiques permettent de ne pas sanctionner la consommation du cannabis. Au Danemark, le principe d'opportunité des poursuites permet au parquet de ne pas poursuivre toutes les infractions relatives au cannabis.

>Décriminalisation:  C'est " de considérer que l’usage du cannabis est toujours interdit, mais qu’il n’est pas puni par la loi."

Ici, contrairement à la dépénalisation, ce n'est pas à l'application que l'on renonce, mais à la loi elle-même. Celle-ci est modifiée de manière à ne plus considérer l'usage personnel du cannabis comme relevant du pénal. 

L'Etat intervient toujours, mais concentre ses "ressources judiciaires sur des crimes plus graves". L'objectif est "de réduire les coûts inhérents aux procédures judiciaires, mais à condition de renforcer les ressources allouées à la prévention et au traitement. Elle permet de rapprocher la loi de la réalité pratique du terrain", selon l'ONDA. 

>"Contraventionnalisation":  Dans cette hypothèse, la consommation de cannabis demeure une infraction pénale, mais n'est plus un délit. Elle sera déclassée en contravention, l'infraction pénale la moins grave. Auquel cas, l'usager de cannabis ne sera plus puni de prison, mais d'une simple amende. 

>Légalisation: Légaliser, c'est reconnaître juridiquement un comportement, le reconnaître en tant que liberté. Mais une liberté plus ou moins limitée par l’État, qui lui donne un cadre légal.

Dans le cas du cannabis, cela reviendrait à remplacer  la prohibition par un système de contrôle par l’État de la production jusqu’à la vente. Ce qui peut se faire suivant différents procédés, du plus strict au plus libéral, selon les limitations et les contrôles mis en place.

En Espagne, cultiver et consommer du cannabis dans sa propriété privée, pour usage récréatif personnel, est légal. Mais l'achat et la vente sont punissables de prison.

En Italie, la consommation est permise uniquement pour un usage thérapeutique. Aux Etats-Unis, l'Etat d'Alaska permet à ses citoyens de vendre du cannabis à titre professionnel, possibilité conditionnée par un permis.

Au Maroc, le débat actuel est plutôt axé autour de la légalisation de la production du cannabis à usage médical et industriel. Il n’est pas à l’ordre du jour, en tout cas pas encore, une quelconque légalisation de l’usage du cannabis à visée «récréative», observe l'ONDA. 

>Libéralisation:

Libéraliser le cannabis équivaut à supprimer toute restriction juridique concernant l’usage, la détention et le commerce de cette substance. Cela signifierait également la soumettre à une concurrence pure et parfaite, à la seule loi de l'offre et de la demande, en retirant à l'Etat toute possibilité d'intervention.

Actuellement, aucun pays n'adopte ce modèle ni ne semble y aspirer. 

A SUIVRE

Lire aussi : Les chiffres clés du cannabis au Maroc


[1] ONUDC. Méthodes recommandées pour l’identification et l’analyse du cannabis et des produits du cannabis. Manuel destiné aux laboratoires nationaux d’analyse des drogues. 2010. p15

[2] Yasmina Salmandjee. Les drogues: tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la légilsation. Groupe Eyrolles, 2003. p 97

[3] Idem

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