Dans un entretien accordé mardi 19 avril à l’agence de presse espagnole, Rachid Benmokhtar a relaté l’état d’avancement des modifications en cours, qui vont "nettoyer" la moitié des manuels scolaires de leur contenu discriminatoire ou intolérant.

Selon un conseiller du ministre, joint par Médias 24, ce "toilettage" donnera lieu à la modification de 390 manuels traitant de toutes les matières enseignées, y compris les mathématiques et s’appliquant à tous les niveaux de l'enseignement public.

Opérationnels dès la rentrée prochaine, les nouveaux manuels banniront les termes sexistes, misogynes et faisant appel à des clichés sur les personnes en situation de handicap ou issues du milieu rural.

Le ministre a rappelé que la modification a pour ambition de faire en sorte que les manuels reflètent des valeurs cohérentes avec l'islam marocain et la nouvelle Constitution du pays adoptée en 2011.

Belmokhtar a cité comme exemple les illustrations où apparaissent une jeune fille et sa mère faisant le ménage ou la cuisine, pendant que le père et le fils regardent tranquillement la télévision au salon.

Voulant éviter la banalisation de scène machiste pouvant influer sur les mentalités de la jeunesse, le ministre veut aussi supprimer les images contenues dans les manuels, qui montrent des garçons vêtus de vêtements "modernes", alors que les filles sont systématiquement affublées de robes traditionnelles.

Notre interlocuteur affirme que ce travail presque finalisé de "toilettage" entamé par une commission ministérielle interdisciplinaire sera publié sur le site du ministère de l’EN avant d’être communiqué aux éditeurs, qui devront imprimer des nouveaux manuels pour la prochaine rentrée.

Cette révision ne concernera pas les manuels d’éducation islamique, qui nécessiteront un remodelage total et complet beaucoup plus long, qui ne sera pas effectif avant la rentrée 2017-2018.

Pour notre source, ce délai s’explique par le fait que les manuels religieux ne sont qu’un outil didactique et une traduction des programmes scolaires, qui nécessitent aussi une révision de contenu.

L’opération distincte de purge des manuels et des programmes d’éducation religieuse consistera à supprimer les contenus de texte ou oraux en contradiction avec les valeurs de tolérance marocaine.

Elle sera pilotée par une commission conjointe des ministères de l’Education nationale et des Affaires islamiques, qui devra soumettre ses grands axes à l’approbation royale, au cours de l’été prochain.

Ce remodelage a été décidé au cours du Conseil des ministres de Laâyoune le 6 février dernier, où le Roi avait réclamé une réforme du contenu de l’enseignement religieux. Voici ce qu'en disait le communiqué officiel publié à l'issue de cette réunion:

“Partant de cela, Sa Majesté le Roi, Amir Al Mouminine, a donné ses Hautes instructions aux ministres de l'Education nationale et des Habous et Affaires islamiques, sur la nécessité de la révision des programmes et manuels d'enseignement en matière d'éducation religieuse, aussi bien dans l'école publique que dans l'enseignement privé ou les établissements de l'enseignement originel, dans le sens d'accorder une grande importance à l'éducation aux valeurs de l'islam tolérant, dans le cadre du rite sunnite malékite, qui prônent le juste milieu, la modération, la tolérance et la cohabitation avec les différentes cultures et civilisations humaines.
“Sa Majesté le Roi a également souligné que ces programmes et manuels d'enseignement doivent être fondés sur les valeurs authentiques du peuple marocain et ses traditions millénaires, basées sur l'attachement aux fondamentaux de l'identité nationale unifiée, riche de la diversité de ses composantes, ainsi que sur l'interaction positive et l'ouverture sur la société du savoir et les dernières nouveautés.

Cette réforme permettra, selon notre source, aux jeunes générations de s'adapter aux principes universels des droits de l’homme et de faire en sorte que ces valeurs soient transmises transversalement par toutes les matières et plus seulement dans le cadre de l’éducation islamique.

Afin d’y arriver, pédagogues et théologiens travaillent de concert à définir les nouveaux principes, qui régiront l'enseignement obligatoire des deux cours hebdomadaires d’éducation religieuse.

Hormis le contenu des deux réformes, l’agence EFE n’a pas manqué d’interroger le ministre de l’EN sur ses dissensions passées avec le Chef du gouvernement, qui lui avait reproché publiquement de vouloir introduire la langue française dans l’enseignement de certaines matières sans l’en avoir informé.

Benmokhtar s’est, selon la dépêche, contenté de sourire et de rappeler que son projet prévoyant une modification graduelle sur trois ans de l’enseignement en arabe vers le français des matières scientifiques et techniques avait été tranché en sa faveur par le Roi.

Concluant son interview par une pique contre ceux qui l’accusent de faire partie d’un lobby francophone, le ministre a déclaré: «Quelqu‘un s’est-il demandé pourquoi on a des résultats si faibles en langue arabe?»