Réformer le calendrier musulman: pourquoi on peut utiliser l'astronomie

Khalid Chraibi a planché sur la possibilité de réformer le calendrier musulman au moyen de l'astronomie. Voici la première partie de son article.

Réformer le calendrier musulman: pourquoi on peut utiliser l'astronomie

Le 2 octobre 2015 à 11h06

Modifié 2 octobre 2015 à 11h06

Khalid Chraibi a planché sur la possibilité de réformer le calendrier musulman au moyen de l'astronomie. Voici la première partie de son article.

Chaque année, au soir du 29 chaâbane du calendrier islamique, les musulmans du monde entier attendent fébrilement de savoir si la nouvelle lune a été observée en cette "nuit du doute" dans leur communauté, ou si le mois de jeûne du ramadan ne débutera que le surlendemain. La même séquence se déroule à l'identique le soir du 29 ramadan pour savoir quand s'achèvera le mois de jeûne.

En effet, depuis des temps immémoriaux, les Arabes se basent sur l'observation visuelle de la nouvelle lune, à la fin de chaque mois, pour déterminer le jour auquel débutera le mois lunaire suivant. Cette méthode était parfaitement adaptée à la culture et aux conditions de vie des musulmans au temps de la Révélation en Arabie. Le Prophète la conforta dans ce rôle, quand il l'indiqua à ses Compagnons, dans un hadith célèbre, comme le moyen par lequel ils reconnaîtraient le début du mois de ramadan. Mais, les conditions de vie des sociétés musulmanes ont changé en quatorze siècles, et cette méthode ne répond plus aux besoins des communautés musulmanes contemporaines

Car, l'observation de la nouvelle lune doit être refaite chaque mois dans des conditions difficiles, entourées d'incertitudes. Dans la mesure où les données sont établies à la dernière minute, ne sont valables que pour un mois, et diffèrent d'un pays à l'autre (puisque chaque Etat se livre à ses propres observations), aucune programmation ne peut être faite au-delà du mois en cours ni en-dehors des frontières d'un pays déterminé. Une telle méthode ne permet pas d'établir un "calendrier" au sens strict du terme

D'après les experts, pour que le calendrier lunaire musulman puisse répondre de manière satisfaisante aux besoins de ses utilisateurs, il faudrait qu'il soit basé sur le calcul astronomique. Un tel calendrier est préparé par des astronomes professionnels et ses données, qui sont valables de manière uniforme dans le monde entier, peuvent être établies avec la plus grande précision des années à l'avance. Il remplirait les fonctions qu'on attend d'un calendrier avec la même efficacité que le calendrier grégorien, par exemple.  

Mais, est-il licite pour les musulmans d'utiliser un calendrier basé sur le calcul pour déterminer le début des mois lunaires?

Telle est la question-clé de cette problématique. Les oulémas ont été quasiment unanimes à considérer, depuis le temps de la Révélation, qu'il fallait se baser exclusivement sur la méthode d'observation visuelle de la nouvelle lune, du fait qu'elle avait été mentionnée par le Prophète dans le hadith sus-mentionné. Mais, une poignée d'oulémas et de nombreux penseurs modernistes défendent aujourd'hui une thèse différente. D'après eux, l'examen attentif de tous les textes de référence permet de conclure que:

a) la méthode d'observation n'est imposée ni par le Coran, ni par le Prophète; 

b) la méthode basée sur le calcul est parfaitement licite, puisque ni le Coran ni le Prophète n'interdisent son utilisation. 

D'ailleurs, aussi bien les Etats musulmans que leurs populations utilisent depuis plus d'un siècle des calendriers basés sur le calcul sans la moindre peur d'enfreindre les règles de la charia, qu'il s'agisse du calendrier grégorien ou du calendrier lunaire saoudien d'Umm al Qura, qui est également basé sur le calcul. 

Si cette reformulation des termes du débat concernant le calendrier musulman est correcte, les autorités politiques et religieuses et les populations des différents pays et communautés musulmanes sont libres de faire leur choix entre les deux méthodes, selon leurs besoins et leurs préférences, à leur discrétion. 

Les adeptes de la méthode de détermination du début des mois lunaires sur la base du calendrier astronomique pourraient dans ce cas, pour promouvoir leur cause, s'inspirer de la stratégie des "meilleures pratiques" de la charia, qui a été appliquée avec succès dans différents pays musulmans pour promouvoir les droits des femmes. Cette stratégie peut se résumer comme suit:

"Si différentes interprétations de la charia sont considérées comme étant également valables sur un point donné, et si certaines de ces interprétations sont plus favorables que d'autres pour défendre les intérêts de la population ou pour atteindre certains objectifs de la communauté, (ce qui arrive souvent, compte tenu de la diversité des rites, codes et interprétations de la charia appliqués dans les différents pays,) alors il faut promouvoir l'utilisation de ces interprétations plus favorables, qui doivent être considérées comme étant les 'meilleures pratiques' applicables dans le cadre de la charia. Il faut disséminer ces 'meilleures pratiques' le plus largement possible dans le monde musulman, pour favoriser le changement graduel dans la continuité culturelle des communautés concernées." 

La présente étude se propose de clarifier au mieux les termes de ce débat, en les analysant sous cinq angles: 

- de quelles faiblesses souffre le calendrier musulman et que peut-on faire pour y remédier?

- la charia impose-t-elle la méthode d'observation de la nouvelle lune, à l'exclusion de toute autre méthode, pour connaître le début des mois lunaires? 

- est-il licite pour les musulmans d'utiliser le calendrier basé sur le calcul pour déterminer le début des mois lunaires?

- parmi les différents modèles de "calendrier musulman basé sur le calcul" utilisés dans des communautés musulmanes ou proposés par des experts, quel est celui qui est le plus susceptible de réunir le suffrage des communautés musulmanes aujourd'hui pour servir de calendrier musulman "universel"?

- quel apport la stratégie des "meilleures pratiques" de la charia pourrait-elle faire en vue de faciliter l'adoption du calendrier lunaire basé sur le calcul dans les pays qui souhaiteraient le faire?

Chaque article répondra à une de ces cinq questions. 

Khalid Chraïbi, économiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays. Il est l'auteur de nombreux articles d'analyse économique publiés dans le magazine "Economia", ainsi que de plusieurs chapitres de l'ouvrage collectif: "The Kingdom: Saudi Arabia and the challenge of the 21st century", Mark Huband and Joshua Craze (Editors), Columbia University Press/Hurst, New York, 2009.

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