C’est ce lundi 14 septembre que les 63 élus au conseil régional de Tanger-Tétouan-Al Hoceima doivent se réunir dans la ville du détroit. Deux hommes sont candidats à la présidence : Ilyas El Omari du PAM dont le parti a remporté 18 sièges et Saïd Khaïroun du PJD avec ses 17 sièges.

Si le PAM fait le plein des voix de l’opposition, il obtiendra 31 voix soit la majorité moins une voix. Si le PJD fait le plein de son côté, il obtiendra tout juste 32 voix. Cependant, entre les deux parties se trouvent le RNI et ses sept sièges. L’Istiqlal a également remporté sept sièges.

Le RNI dans la majorité … et l’opposition

 Hier dans l’opposition durant le gouvernement Benkirane 1, le RNI a rejoint la majorité suite au départ de l’Istiqlal en 2013 récupérant du coup les portefeuilles de l’Economie et des Financess, du Commerce et de l’Industrie, et des Affaires étrangères dans le gouvernement Benkirane 2, ainsi que la présidence de la Chambre des Représentants avec … Rachid Talbi Alami.

Selon le coordinateur régional du RNI Mohamed Bouhriz avec lequel Médias 24 a pu s’entretenir ce vendredi à la mi-journée, «les élus régionaux de notre parti se réuniront demain samedi à Tanger et transmettront leur décision à Mezouar qui annoncera notre décision. Il se pourrait que Mezouar fasse le déplacement».

Du côté du PJD, on insiste sur le respect par les partis membres de la majorité du pacte de solidarité majoritaire. On met en avant le soutien apporté par le PJD au candidat du RNI à Agadir.

En filigrane, apparaît un lien étroit entre le destin de la mairie de Tétouan, celui de la présidence de région, le rôle politique d’Ilyas El Omari et le futur du RNI.

Tanger et Tétouan capitales du suspense politique

Sur Tétouan tout d’abord, le PJD reste serein. Son candidat Mohamed Idaomar dispose de 23 sièges et il a pu rallier 15 élus du PAM et de l’Istiqlal notamment pour faire pièce à la candidature du RNI Rachid Talbi Alami.

Selon Bouhriz, «Alami avait renoncé à se présenter mais le PJD lui a fait une offre insuffisante ce qui l’a amené à changer d’avis moins d’heure avant l’expiration des délais mercredi soir».

Au siège régional du PJD à Tanger, on explique que «le maire PJD est un maire sortant qui a consolidé la place du parti à Tétouan. On ne pas priver les électeurs et les militants de leur victoire démocratique».

Dans ce bras-de-fer renouvelé entre le PJD et le RNI, le RNI étant parfois très sensible aux pressions de l’administration ou de ses «amis» du PAM, c’est une révision des calculs (arithmétiques) électoraux des élections régionales mardi soir qui a aussi rebattu les cartes.

En effet, lors de la révision des  calculs des votes électoraux mardi, un siège auparavant attribué à l’USFP est finalement allé au PJD faisant passer ce parti de 16 à 17 sièges sur la région. Cependant, avant même cette révision des calculs, le PJD était décidé à tout faire auprès d’élus de l’Istiqlal et du MP pour faire passer son candidat Saïd Khairoun, par ailleurs député de Larache et membre de la commission des finances.

Cependant, le fait que le PJD passe de 16 à 17 sièges sur la région rendait les calculs plus «simples» et c’est cela qui aurait amené le RNI et le PAM à envisager un autre scénario. Selon un nouveau schéma, le PAM voterait en faveur du candidat RNI à Tétouan  la semaine prochaine et le RNI voterait pour le candidat du PAM à la région ce lundi 14 septembre. Du coup Talbi sauverait sa place à Tétouan et El Omari à Al Hoceima.

Ce scénario signifierait une discipline de vote de fer dans un milieu politique où l’on change d’identité politique comme de chemise et où … on se rebelle aussi.

A la mi-août au lendemain des élections professionnelles à Al Hoceima, plusieurs élus du RNI et de l’Istiqlal notamment, mais pas du PAM, avaient signé un document dénonçant des pratiques mafieuses». Suite aux protestations du PAM, le RNI a viré son élu.

Pour le RNI, le PAM et d’autres milieux politiques, ce scénario aurait l’avantage de limiter les gains du PJD à Tétouan et à la présidence de la région. Il pourrait permettre de donner une place politique à Ilyas El Omari et de renforcer la place du RNI sur l’échiquier politique national et celui du RNI du Nord sur l’échiquier du RNI national.

Le fait que le RNI soit très manœuvrier et parfois inconstant aux yeux de plusieurs observateurs, n’empêche pas certains de ses dirigeants de rester très réalistes.

Avec ses élus à Tanger, à Tétouan et à Chaouen ( A Bab Berred et Stihate notamment, le PJD étant majoritaire sur la ville de Chaouen), le RNI du Nord occupe une place prépondérante au sein de la machine nationale des indépendants.

 C’est à Tétouan que la campagne électorale du RNI a été lancée en août dernier et si le RNI va prendre la mairie d’Agadir la semaine prochaine, c’est grâce au PJD et au PPS.

Si à Casablanca «le RNI dispose de quelques places fortes» comme le rappelle Bouhriz, à Meknès, ville natale de Salaheddine Mezouar, ce dernier n’a rien construit de majeur.

Le coordinateur régional du RNI Mohamed Bouhriz ne cache pas les faiblesses de son parti aujourd’hui minoritaire sur sa place-forte tangéroise et en difficultés sur Tétouan.

«Nous allons vers une situation comme l’AKP turc. Le PJD est organisé et a un programme. Il ne se base pas sur des notables mais sur des idées. Le PJD avait 14.000 voix à Tanger en 2007, il en a 60.000 aujourd’hui». «Nous devrons changer ou nous disparaîtrons» conclut-il.

Impact national?

Ce qui se passera la semaine prochaine à Tétouan et à Tanger changera-t-il les relations entre le RNI et le PJD au sein de la majorité gouvernementale? Pour le député et responsable régional du PJD Mohamed Khiyi «le soutien officiel apporté par le RNI à la candidature de Talbi à Tétouan est un fait à prendre en compte». Pour Bouhriz «rien n’est encore décidé, il faut attendre dimanche». En réalité, le comité exécutif du RNI a publié dans la nuit de jeudi à vendredi, un communiqué de soutien à la candidature de Talbi Alami à Tétouan.

Une chose est sûre aujourd’hui reconnaissent plusieurs observateurs: seul le PJD serait prêt à affronter l’éventualité d’élections législatives anticipées. Prévues a priori pour l’automne 2016, «le PJD ne devrait avoir aucun inconvénient à les voir avancées de quelques mois s’il n’existe plus de majorité gouvernementale» souligne un cadre du parti d’Abdelilah Benkirane.