Elections: 12 ministres en lice, fait inédit

Ils sont une douzaine de ministres du gouvernement actuel à se porter candidats aux élections communales et régionales du 4 septembre. Fait inédit, cet engouement prononcé des ministres pour la chose locale est à la fois porteur de promesses, d'enjeux et d'interrogations. Décryptage.  

Elections: 12 ministres en lice, fait inédit

Le 31 août 2015 à 13h46

Modifié 31 août 2015 à 13h46

Ils sont une douzaine de ministres du gouvernement actuel à se porter candidats aux élections communales et régionales du 4 septembre. Fait inédit, cet engouement prononcé des ministres pour la chose locale est à la fois porteur de promesses, d'enjeux et d'interrogations. Décryptage.  

"Douze ministres sur 38 en lice, ce n'est pas anodin ! Cela représente plus de 31,5% de l'Exécutif et jusqu'à 40% si on en ôte les ministres non-partisans", relève Mohamed Saham, spécialiste de droit public à Marrakech, dans une déclaration à la MAP. 

Tous têtes de listes, les ministres candidats (dont trois femmes) auront décidé de jeter leur dévolu sur leurs fiefs, jouant la carte de la proximité et de la démocratie locale, au risque de mettre en jeu leurs fauteuils au gouvernement et leurs carrières au sein de leurs partis respectifs. 

Ils se répartit entre le PJD (5), le MP (3), le RNI (3) et le PPS (1), une représentation quasi-proportionnelle à l'ossature de la majorité et, partant, celle du gouvernement. 

"Hormis le renouvellement du tiers sortant de la Chambre des Conseillers, il n'y a pas de rapport direct entre ces élections et les législatives de 2016, et encore moins d'incidences de taille sur la carte politique nationale", estime M. Saham. 

Il soutient que si la candidature d'un ministre est fonction de son poids et de sa stature au sein de son parti, elle demeure un choix éminemment personnel qui, du reste, "permet d'injecter du sang neuf dans le corps politique et d'enrichir les élites locales de compétences avérées en matière de gestion sur les plans institutionnels et consultatifs". 

Pour Said Khoumri, enseignant de sciences politiques et de droit constitutionnel à l'Université Hassan II (Mohammedia), si l'intérêt des ministres pour la chose locale "est en soi une pratique saine qui fait valoir les principes de l'ancrage territorial et de la proximité, il n'en demeure pas moins que l'élection d'un candidat aux communales et/ou régionales confère à l'intéressé une légitimité électorale au niveau de sa circonscription, un capital qu'il peut optimiser sur le plan politique au sein de son propre parti". 

S'il est établi que des termes comme "ancrage", "point de chute", "démocratie locale" ou "proximité" reviennent, en récurrence, dans les discours des candidats indépendamment de leurs bannières politiques, la réponse est ailleurs. 

"La région revêt désormais une place prépondérante et stratégique au vu des attributions qui lui sont dévolues, ainsi qu'à son président, conformément aux dispositions de la Constitution et de loi organique relative aux régions", explique Omar Lasri, de l'Université Mohammed V de Rabat.

Son collègue Said Khoumri est plus explicite : "Dorénavant, nous aurons à faire à des appareils exécutifs territoriaux dotés d'un pouvoir décisionnel sur le plan local dans nombre de domaines définis par la loi. Ceci confère aux conseils régionaux et à leurs membres un statut qui n'a rien à envier aux institutions élues au plan national". 

Et pour cause, reprend M. Lasri, "le président de région agira, désormais, en ordonnateur de dépenses pour gérer le budget de la collectivité", notant que la présidence d'une région revêt pour les partis une place stratégique en terme de marketing permettant de renforcer leur assise politique en matière de gestion. 

Sur les enjeux de la consécration de la région en tant que collectivité territoriale, le même expert renvoie les électeurs à leurs responsabilités, assurant que le discours royal du 20 août a été clair autant au sujet des prérogatives de chaque partie (commune, région, gouvernement) que de la responsabilité des citoyens en termes de choix des candidats. 

M. Saham préfère parler de "la responsabilité historique et politique de l'électeur marocain" qui, par ses choix, est désormais pleinement responsable de son avenir et de l'architecture future de l'Etat dans le sillage de la mise en œuvre de la régionalisation avancée et de la place consacrée à la Région dans la Constitution de 2011. 

Mais qu'en est-il des réalités du terrain ?, Que pèse légalement un ministre candidat face à ses concurrents ?, Qu'adviendrait-il de son parcours politique en cas de perte des élections?, Y a-t-il une responsabilité morale ou politique en cas d'échec ?, Que stipule la loi au sujet des cumuls des fonctions ?

Même supposément auréolé de titre de ministre, un candidat reste, au regard de la loi, un prétendant comme les autres. Dans la foulée, certains font valoir des réalisations de leurs départements, d'autres font miroiter des promesses, alors que d'autres encore proposent des engagements contractuels. 

Epée à double tranchant

Selon M. Khoumri, ce "privilège" d'être ministre candidat est une épée à double tranchant : Il peut favoriser les chances de la réussite en faisant valoir la proximité du ministre des centres de décision avec tout ce qu'elle implique en termes d'impacts sur la commune ou la région, comme il peut accélérer sa chute en cas de vote-sanction. 

Soutenant que ces supputations requièrent des études et des recherches sociologiques de terrain, il signale que "les expériences électorales précédentes ont été émaillées de cas de succès éclatants pour certains ministres et d'échecs cuisants pour d'autres". 

Par contre, relève M. Saham, s'il est vrai que l'élection d'un ministre candidat renforce autant la stature de son parti que son propre poids, l'échec n'est pas synonyme de démission du gouvernement. 

A une nuance près, note M. Lasri, l'élection d'un ministre à la présidence de la région entraîne irrévocablement sa démission conformément à la loi organique relative aux régions, définissant les cas d'incompatibilité, ajoutant que la loi organique relative aux communes est, à contrario, beaucoup plus flexible puisqu'il n'interdit pas le cumul de la fonction de ministre avec celle de président de commune, de député de l'une des deux Chambres du Parlement ou encore de membre du Conseil économique, social et environnemental. 

Mieux encore "les précédentes expériences électorales font ressortir que la présidence d'un conseil communal a souvent été perçu comme un visa pour un siège au Parlement, suivant des calculs dont les professionnels des élections connaissent les arcanes", signale-t-il. 

Pour M. Lasri, la présidence de la région finira par perdre de son lustre, après une année ou deux du 1er mandat ou immédiatement après les législatives de 2016. Les présidents des régions présenteront alors leurs démissions pour briguer un mandat de député, tout en lorgnant un fauteuil ministériel, estime-t-il. 

Alors que la majorité aligne ses grosses pointures pour les prochaines élections, en jetant dans l'arène au moins deux anciens ministres, l'opposition, grisée par les résultats des élections des Chambres professionnelles, a fait appel à nombre de secrétaires généraux de partis, donnant ainsi toute sa splendeur à un scrutin qui s'annonce des plus palpitants. Verdict : le 4 septembre.

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