Un rapport dévoile les visages de la traite humaine au Maroc

Alors que la loi sur la traite humaine était examinée en conseil de gouvernement le 30 avril, Mostafa Ramid présentait mardi une grande étude sur La Traite des femmes et des enfants au Maroc conduite par ONU Femmes et le Ministère de la Justice et des Libertés.

Un rapport dévoile les visages de la traite humaine au Maroc

Le 6 mai 2015 à 17h17

Modifié 6 mai 2015 à 17h17

Alors que la loi sur la traite humaine était examinée en conseil de gouvernement le 30 avril, Mostafa Ramid présentait mardi une grande étude sur La Traite des femmes et des enfants au Maroc conduite par ONU Femmes et le Ministère de la Justice et des Libertés.

L’étude a été menée en recueillant données et témoignages auprès d’acteurs clés de la lutte contre la traite humaine. Cette enquête a permis de dégager une typologie des cas récurrents de la traite d’êtres humains au Maroc. «Légalement invisible», le rapport identifie les différents visages de la traite humaine au Maroc telle que définie par les conventions internationales, notamment le Protocole de Palerme de 2003. Elle concerne des populations vulnérables: les enfants, les femmes marocaines et les femmes migrantes en précarité économique.

Qu’est-ce que la traite humaine?

Selon la définition donnée par le Protocole de Palerme, les trois éléments qui sont constitutifs de la traite sont les suivants:

- un acte pour prendre le contrôle d’une personne à travers le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil.

- l’usage de moyens contraignants comme la violence ou le chantage. La caractérisation des moyens permet d’établir l’absence de consentement de la victime. Dans le cas des enfants, les moyens de l’exploitation ne sont pas constitutifs de la traite.

- un but: l’exploitation que ce soit l’exploitation sexuelle, l’exploitation au travail ou le prélèvement d’organes.

A travers un travail d’enquête auprès des acteurs de la société civile, le rapport a pu dresser une typologie des cas de traite humaine récurrents au Maroc. Les auteurs du rapport distinguent la traite transnationale de la traite nationale.

Les 30.000 petites bonnes du Maroc

La traite nationale est de loin la plus présente au Maroc. Elle concerne les cas de petites bonnes, de mineur(e)s forcés à travailler dans le secteur informel ou à exercer la mendicité.

Le collectif de lutte contre le travail des petites bonnes estime à 30.000 le nombre de jeunes filles recrutées comme domestiques de maison. L’exploitation au travail est fréquemment liée à l’exploitation sexuelle.

Les entretiens révèlent les différentes formes de violences auxquelles sont soumises ces jeunes esclaves domestiques, lesquelles constituent «le début d’un cycle de violences et d’exploitation qui durera toute la vie de la personne». Les carences et les maltraitances subies dans la famille d’accueil créent une situation de détresse pouvant être la cause du destin de mère célibataire, souligne l’étude citant un rapport de l’INSAF.

Lors de la présentation du rapport en présence de Moustapha Ramid, les intervenants ont souligné le tabou qui couvre cette forme de traite humaine, largement présente dans la société marocaine. Le «seuil d’acceptabilité social [trop haut] pose problème» pour identifier ces cas. «Il y’a 20 ans, on ne pouvait même pas en parler». L’acceptation sociale, l’absence de loi encadrant le travail domestique et la réclusion et les menaces que subissent les victimes font que cette forme de traite est insuffisamment identifiée et pénalisée.
L’étude montre aussi que le cas des mineurs contraints à travailler dans le secteur informel représente une forme de traite humaine.

Les garçons courent également le risque d’être exploités particulièrement à la campagne pour le travail dans les champs ou dans les villes dans les secteurs de l’artisanat, la mécanique ou la tapisserie. Selon les statistiques du Haut- Commissariat au Plan, en 2012, 92.000 enfants âgés de 7 à 15 ans travaillent. Si les petites bonnes constituent le gros de cet effectif, le reste représente ces garçons contraints au travail informel. 

La traite des migrants au Maroc et des Marocaines à l’étranger

La traite transnationale concerne à la fois la traite des migrants ou la traite des Marocaines à l’étranger.

La traite des migrants concerne tant les migrants arrivés au Maroc que les personnes recrutées à l’étranger pour être traitée au Maroc. La traite humaine transnationale doit toutefois être distinguée du trafic humain, elles recouvrent des réalités différentes.

Les interviews menées par ONU Femmes révèlent les modes de recrutement et les conditions d’exploitation des migrants victimes de traite transnationale.

Les victimes sont originaires d’Indonésie, des Philippines ou d’Afrique subsaharienne. Elles sont recrutées par des agences ou par contact direct dans leur pays, ou sur place dans certains cas de femmes subsahariennes en recherche d’emploi.

Les conditions d’exploitation sont toujours les mêmes: non-paiement ou rétention d’une partie du salaire ou paiement d’un salaire extrêmement bas. Elles sont isolées, recluses sur le lieu de résidence. Elles se voient confisquer leurs papiers d’identité. Elles sont exposées à une violence multi-forme qui peut aller jusqu’à la violence sexuelle, surtout dans les cas de mineures. 

La traite des marocaines à l’étranger concerne l’exploitation sexuelle ou au travail. L’exploitation au travail des femmes marocaines à l’étranger est en fait étroitement liée à l’exploitation à fin de prostitution dans les pays du Golfe. Les femmes marocaines à l’étranger sont exploitées dans des conditions similaires aux migrants exploités au Maroc.

Le rapport ajoute également l’exploitation dans des réseaux de terrorisme comme un cas de traite humaine transnationale, identifiés lors de 4 entretiens qui concernaient des cas de mineurs recrutés pour partir en Syrie ou en Irak pour être enrôlés dans des groupes terroristes.

Le mariage précoce et forcé constitue t’il une traite humaine?

L’étude identifie aussi le cas limite du mariage précoce et forcé comme pouvant être considéré dans certains cas comme de la traite. Le mariage de mineurs peut être défini comme de la traite dans la mesure où la personne mineure n’a pas la capacité de consentir valablement à son mariage (il y’a donc contrainte) et qu’il constitue un acte pour prendre le contrôle de la personne mariée. L’exploitation est également constituée lorsque la personne mineure très jeune subit des relations sexuelles ou est réduite en esclavage par son conjoint ou sa belle-famille.

Les personnes sondées vont dans ce sens, et considèrent les mariages forcés comme de la traite dès l’instant où le mariage est prétexte à une mise en esclavage. Le code de la famille - tel que réformé par la Moudawana de 2004 - fixe l’acquisition de la capacité matrimoniale à 18 ans. Cependant le juge de la famille peut autoriser le mariage de mineur-e par décision motivée.

L’avant-projet du code pénal pénalise enfin la traite humaine

Jusqu’à présent, la traite humaine n’est pas pénalisée en tant que telle par le code pénal marocain. Le phénomène de traite humaine est «légalement invisible» dit le rapport. Ce sont des éléments constitutifs de la traite - la violence, la contrainte à la prostitution, le travail des enfants - qui sont réprimés.

Il fallait une grande loi pour pénaliser la traite telle que définie par le Protocole de Palerme de 2003, ratifié par le Maroc en 2011. Si l’avant-projet de code pénal est adopté, la traite humaine ou «ittijar bi-albashar» - définie dans les mêmes termes que ceux du Protocole de Palerme - sera désormais pénalisée au Maroc, et punissable de très lourdes peines d’emprisonnement, qui sont aggravées lorsqu’elles concernent des enfants, des femmes enceintes ou des personnes en situation difficile.

Le projet 27-14 présenté au conseil de gouvernement le 30 avril pose également le principe de protection des victimes, mais également des témoins, des experts et des dénonciateurs. Le projet prévoit enfin la constitution d’une commission consultative auprès du chef du gouvernement en charge d’émettre des propositions pour la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains.

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