La population de Tanger recourt aux pétitions contre les constructions sauvages

Une première pétition portant près de 100 signatures des résidents de la casbah et de la médina a été déposée au bureau du wali de Tanger Mohamed Yaacoubi.

La population de Tanger recourt aux pétitions contre les constructions sauvages

Le 1 mai 2015 à 19h02

Modifié 11 avril 2021 à 2h37

Une première pétition portant près de 100 signatures des résidents de la casbah et de la médina a été déposée au bureau du wali de Tanger Mohamed Yaacoubi.

Des copies ont également été déposées au bureau du président de la commune urbaine Fouad Elomari (PAM) et à celui du directeur de l’Agence urbaine de Tanger Mohamed Belbachir.

La collecte des signatures se poursuit. Parallèlement une journée de sensibilisation au patrimoine de la ville et à la politique de l’urbanisme organisée par la société civile est programmée par la société civile.

Intitulée «pétition des habitants de la place Amrah», celle-ci demande la fin des constructions illégales qui défigurent l’environnement de la médina de Tanger. La pétition longue de  huit feuillets est signée par des résidents de la ville historique.

Derrière la Grande Poste. Ancienne propriété d'élus locaux, le projet a été revendu clés en mains. Situé à moins de 100 mètres de l'annexe municipale de Tanger Al Madina, il ne dispose pas de panneau.

On y trouve les noms  de Rachid Ouahabi, conservateur des résidences Barbara Hutton actuellement propriété de la famille Hermann, celui de la cinéaste Farida Benlyazid résidente de longue date de la casbah de Tanger, la décoratrice Itaf Benjelloun, l’écrivain Lotfi Akalay, la costumière Aïda Mikou-Diouri, le designer américain Charles Sévigné, le libraire Simon-Pierre Hamelin, l’hôtelier Noam Chaoudri, les propriétaires de la maison d’hôtes Dar Nour et les galeristes Conil.

En avril 2014, il y a tout juste une année, Tanger, son maire et sa wilaya abritaient le 3ème Forum International des Médinas. Son thème: «Le patrimoine: enjeux et opportunités pour un développement durable». C’était bien à Tanger et pas au Festival du Rire de Marrakech.

«Bras-de-fer inégal»: quelques briques vs. Matisse

Outre une longue histoire de violation systématique des règles de l’urbanisme au cœur de la médina de Tanger, deux scandales préoccupent cette fois-ci les résidents: une défiguration de la place Amrah située sur les circuits historiques d’Ibn Battouta et de Matisse, et une reconstruction fantaisiste d’une demeure peinte par Matisse en 1912. Celle-ci figure au centre de son tableau Vue sur la baie de Tanger. Celui-ci fait partie de la collection permanente du musée de Grenoble (France).

La maison Di Biasio-Meyer dont le chantier a été arrêté, vue de l'arrière avec ses débordements latéraux.

Avant d’envoyer ces pétitions aux autorités locales, les résidents d’Amrah avaient déjà envoyé des courriers à la wilaya, à la commune et à l’Agence urbaine. «Mais seule l’Agence urbaine a répondu» indique une riveraine de la place et co-fondatrice de l’association Ssilate.

Commune, Agence urbaine et règles non appliquées

 Une lecture de ce courrier de l’Agence urbaine dont Médias 24 a pu obtenir une copie révèle que l’Agence urbaine à travers son responsable des affaires juridiques Ahmed Messaoudi ne répond que partiellement aux infractions enregistrées par la commission de contrôle et aux griefs des riverains d’Amrah.

Au milieu de nulle part entre le marché des ferroniers et le cimetière du saint de la ville Bouarrakia, un immeuble de 5 étages. Naturellement, sans panneau.

Des résidents de la casbah historique qui ont déposé une demande d’accrochage d’une bannière demandant «la sauvegarde du patrimoine historique de la médina» attendent leur autorisation depuis … plus de trois semaines et une bonne dizaine de visites au siège de la commune.

S’agissant d’infractions relevées par des membres de la société civile et des journalistes à Bab al Fahs sur la place du Grand Socco, cette partie de la ville se trouve sous l’autorité du caïd Driss Benjelloun et de l’élu RNI et membre de la majorité communale Younès Cherkaoui.

Infractions à la pelle

A la division de l’urbanisme de la wilaya au rez-de-chaussée, on indique que «le wali a en son pouvoir la possibilité d’ordonner les constructions illégales».

 Les services de la wilaya insistent lourdement sur «la validité de l’autorisation de construire» de la bâtisse de la place Amrah, une position contestable. Celle-ci est défendue depuis l’ordre d’arrêt du chantier par le caïd de l’arrondissement Driss Benjelloun.

Médias 24 a pu apprendre dès le 9 avril dernier auprès du secrétaire général de la wilaya Abdelkrim Kebli que «la consigne de la wilaya à la commune et à l’Agence urbaine était de ne pas autoriser de nouvelles constructions ou étages dans la casbah et la médina, seulement des travaux de rénovation et de  restauration».

Cette consigne a été confirmée à Médias 24 par le directeur de l’Agence urbaine Mohamed Belbachir lors d’une rencontre le lundi 27 avril.

Après l’ordre d’arrêt des travaux signifié par la commune de Tanger aux propriétaires américains de la place Amrah, la décision de destruction du bâti non autorisé se trouve désormais entre les mains du wali. La justice peut également se saisir du dossier.

Sur le site de constructions illégales de la place Amrah, plusieurs infractions ont été constatées dont des hauteurs non-réglementaires, un balcon qui déborde, un mur trop élevé, des fenêtres non autorisées donnant sur une propriété privée et une autorisation de construire caduque

Tanger-Métropole, charte de Tanger, éthique des élus

Reste désormais à connaître la position de la commune urbaine de Tanger et la chaîne de décision. Pour l’instant de ce côté-là, ne sort ni autorisation d’accrocher la banderole, ni réaction des responsables des autorisations de construire ou du contrôle des travaux immobiliers en ville.

Malgré plusieurs tentatives, le maire PAM Fouad Elomari reste injoignable. Le responsable de l’urbanisme Abdeslam Chentouf  ou le secrétaire général de la commune Noureddine Badraoui  sont en revanche joignables.

Mais MM. Chentouf et Badraoui renvoient toute décision sur le président de la commune Fouad Elomari. M. Badraoui, secrétaire général de la commune et fonctionnaire du ministère de l’Intérieur est chargé du respect des textes de loi, dont ceux relatifs à l’urbanisme.

 En meeting à Marrakech le week-end dernier, le numéro 3 du Pam et frère du maire de Tanger Yliass Elomari s’exprimant sur «l’opportunisme politique» et «l’éthique des élus» soulignait: «Il faut s’éloigner de tout ce qui, de près ou de loin, pourrait salir la réputation du parti, (…) car les prochaines élections seront encadrées par des lois rigoureuses, qui ne laisseront nulle place à tout ce qui pourrait en ternir l’image».

… et futur port de Tanger

Les espaces de la place de la casbah (Le méchouar) et de Bab Al Bahr notamment, sont censés accueillir dans le cadre du plan Tanger-Métropole et du projet de reconversion du port de Tanger-Ville un mirador et une station du futur téléphérique.

Les autorités locales semblent toutefois dépassées par les agissements incontrôlés tant dans la médina qu’au centre de la ville moderne. Ces agissements peuvent être autant le fait de citoyens que d’agents publics.

 Nombre d’immeubles, parfois situés à quelques mètres d’édifices communaux et publics,  dépassent  les autorisations de construire accordées, violent les règles les plus élémentaires du vivre ensemble et les règles de sauvegarde du patrimoine.

Place du Grand Socco, rue Bouarrakia, à Marshan face au lycée Ibn Abbar et derrière la Grande Poste des chantiers sans panneaux trônent (voir photos). Ici un chantier défigure la muraille de la médina, un autre les espaces du cimetière du saint Bouarrakia, un autre encore empiète lourdement sur l’espace public.

Tanger: Un long historique d’abus communaux et administratifs

Depuis une douzaine d’années toutefois, Tanger aura vu un directeur de l’Agence urbaine discrètement poussé vers la sortie suite à l’éclosion de scandales fonciers, un ancien maire condamné à trois ans de prison ferme pour faux et usage de faux en rapport avec le patrimoine immobilier de la ville et un directeur des services de la conservation foncière également mis à la retraite.

Médias 24 a pu apprendre qu’une nouvelle commission wilaya-commune-Agence urbaine de Tanger devait se rendre le mardi 5 mai sur le site de la place Amrah et celui du tableau de Matisse à Bab Al Assa.

Médias 24 a également appris que le scandale de la place Amrah a attiré l’attention des services consulaires américains au moment où l’un des propriétaires américains Eugene Meyer est venu de New York pour y rencontrer les responsables de son chantier et certains de ses voisins gênés par l’état du chantier.

Les responsables du chantier avaient reconnu le mois dernier avoir versé des «gratifications financières» à des riverains du quartier «afin de les remercier de leur patience devant la gêne occasionnée».

Américains et «gratifications financières»

 Deux citoyens américains au moins sont impliqués dans la construction illégale. Un autre citoyen américain qui a, lui, acheté une demeure situé une rue voisine se plaint désormais de la perte de valeur de son bien engendré par la construction anarchique de ses voisins new yorkais.

 Médias 24 a appris que le vendeur de la propriété, la fameuse Dar Zéro, lui aussi de nationalité américaine, est choqué par le gâchis urbanistique qui règne désormais autour de sa demeure historique. Dar Zéro constitue un véritable patrimoine de la médina de Tanger située sur la place du Méchouar face aux anciennes prisons du sultan. Et à l’entrée du musée de la casbah.

Au cours de dizaines d’entretiens avec des résidents de la casbah et de la médina, Médias 24 a appris auprès de résidents européens dignes de foi  s’apprêtant à acquérir une maison à quelques mètres du palais royal du Marshan qu’ils avaient été approchés par des «intermédiaires» qui négociaient des « gratifications financières». En contrepartie, «les nouveaux acquéreurs pouvaient construire comme ils le souhaitaient» nous a-t-on indiqué.

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